Au cours de sa session extraordinaire, tenue le vendredi 20 novembre au palais de Koulouba sous la Présidence du Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, le conseil des ministres a instauré pour dix jours l'état d'urgence. Que recouvre ce concept ? Quelles obligations impose-t-il aux citoyens ?
L'état d'urgence est un régime provisoire qui accroît les pouvoirs de police des autorités civiles. Selon le directeur de l'Ecole nationale d'administration (ENA), Fousseiny Samaké, qui était l'invité du Journal Télévisé de l'Ortm du samedi 21 novembre, ce régime juridique est prévu par la constitution du Mali. C'est une mesure prise par le gouvernement en cas de péril imminent dans le pays, en cas d'atteinte grave à l'ordre public ou de catastrophe naturelle. En d'autres termes, cette mesure intervient lorsqu'un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation sous la forme par exemple d'un péril imminent sur l'intégrité du territoire ou de manœuvres subversives affectant la sécurité nationale.
De l'avis de Fousseiny Samaké, la situation actuelle suscitée par l'attaque de l'hôtel Radisson Blu laisse croire en l'imminence d'un péril sur l'ordre public. C'est pourquoi le gouvernement ayant apprécié la gravité de la situation a t-il jugé nécessaire de décréter l'état d'urgence.
Ce n'est pas la première fois que l'état d'urgence est décrété au Mali, a précisé le directeur de l'E.N.A. A l'en croire, c'est la troisième fois depuis l'indépendance de notre pays. En 1990, a-t-il rappelé, l'état d'urgence a été décrété en 6ème et 7ème régions. Ensuite, en janvier 2013, les autorités de transition ont instauré l'état d'urgence après les attaques contre Konna.
Selon lui, l'état d'urgence est décrété en conseil des ministres pour une durée de dix (10) jours. Au-delà de ce délai, il faut retourner devant l'Assemblée Nationale pour le proroger.
Les conséquences de l'instauration de l'état d'urgence ont trait essentiellement aux restrictions de certaines libertés fondamentales comme celle de circuler, de manifester ou la liberté de la presse. Cette mesure confrère aux autorités administratives et sécuritaires les pouvoirs d'interdire des marches ou tout rassemblement de personnes.
Elle confère aux autorités judiciaires compétentes ainsi qu'au ministre de l'Intérieur, aux gouverneurs de région et aux préfets le pouvoir d'ordonner en tout lieu des perquisitions de jour comme de nuit. Elle habilite l'autorité administrative compétente à prendre toutes mesures appropriées pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques ou télévisées, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales
Ces mesures ne doivent pas entraîner une discrimination fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale. La proclamation de l'état d'urgence ne permet pas de déroger à certains droits fondamentaux et interdictions absolues, dont en particulier le « droit à la vie », l'interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants, l'esclavage et la servitude et la « liberté de penser, de conscience et de religion ».
L'état d'urgence est différent de l'état du siège, de l'état d'exception, de la légalité de la crise et du couvre-feu.
L'état de siège qui est à un degré supérieur à l'état d'urgence est un régime particulier durant lequel l'armée assure le maintien de l'ordre. L'état d'exception désigne, de façon générale, des situations où le droit commun est suspendu. La légalité de crise désigne une série de dispositifs juridiques (qu'ils soient constitutionnels, législatifs ou juridictionnels) qui en période de crise, et pour faire face aux évènements, confrère à certaines autorités publiques des pouvoirs qu'elles ne détiennent pas dans des circonstances normales.
Dans ces différentes situations, la nécessité du maintien de l'ordre mais aussi de la vie nationale prime sur l'exercice des diverses libertés par les citoyens.