Alger a pris tout son temps avant de réagir à l’évolution inquiétante de la situation au Mali après l’intervention militaire française « officiellement » destinée à stopper l’offensive des groupes terroristes vers le sud de ce pays.
La diplomatie algérienne donnait pourtant l’impression de s’intéresser de près à ce dossier depuis l’occupation du nord du Mali par des groupes armés partageant curieusement trois villes, Gao, Tombouctou et Kidal à partir du printemps 2012. Dès le départ, Alger a refusé l’option militaire, privilégiant « le dialogue » et la concertation politique.
Tous les canaux de la diplomatie algérienne étaient mobilisés pour défendre cette thèse assez respectable car le précédent afghan rappelle que l’engagement des troupes étrangères pour lutter contre le terrorisme n’est qu’une couverture pour occuper un pays. L’Afghanistan est aujourd’hui un État détruit et les talibans sont toujours aussi puissants, douze ans après l’intervention américaine.
Alger a pris l’initiative de parrainer « un accord » avec Ansar Dine, perçu par Paris comme un groupe terroriste, et avec le MNLA, Mouvement de libération de l’Azawad. Les deux groupes se sont engagés à « s’abstenir de toute action susceptible d’engendrer une situation de confrontation et toute forme d’hostilité dans la zone qu’ils contrôlent ». Cet accord a été signé fin décembre à Alger, vingt‑quatre heures après la visite du président français François Hollande. Cela a été alors vu comme « une réponse » de l’Algérie à la France, toujours favorable à une intervention militaire, coûte que coûte. Lors de sa visite, le président français a, en territoire algérien, dit tout ce qu’il pensait de tous les dossiers.
Silence de Bouteflika
En face, le président algérien Abdelaziz Bouteflika n’a rien dit. Rien. Silence. Mais, quelle est la position véritable de Bouteflika par rapport au dossier malien ? Samedi, l’agence officielle APS a laborieusement rappelé que Bouteflika a, dans une interview à l’agence française AFP (une interview réduite à des bribes de propos diffusés sur le fil de cette agence sans que la présidence algérienne ne proteste), déclaré que l’Algérie préconise « une solution politique négociée entre le gouvernement malien et les groupes de la rébellion malienne qui acceptent de rester dans la communauté nationale et qui se démarquent, nettement, des activités terroristes et criminelles ». On n’en sait pas plus par rapport à ce que pense le chef d’État algérien de cette crise.
« L’Algérie condamne avec la dernière énergie les incursions et les attaques menées par les groupes terroristes dans la région de Mopti qu’elle considère comme une nouvelle agression contre l’intégrité territoriale du Mali », a déclaré le porte‑parole du ministère des Affaires étrangères, Amar Belani, après l’intervention militaire française. La France est considérée, selon le même responsable, comme une puissance amie. Mais où est donc passé la position, présentée comme doctrinaire, de l’Algérie sur le refus de l’intervention militaire étrangère au Sahel ? Et que reste‑t‑il de l’engagement pris par l’Algérie avec des groupes tels qu’Ansar Dine ? Sont-ils subitement devenus des « groupes terroristes ?»
La capacité de la diplomatie algérienne à se tirer une balle dans le pied est incroyable. À quoi donc ont servi toutes les négociations menées avec Ansar Dine et le MNLA ? Il y a comme un parfum de trahison dans l’air. Alger a non seulement échoué à faire libérer ses diplomates détenus par le Mujao dans la région de Gao mais est en passe de perdre Ansar Dine comme interlocuteur. Pire, la crédibilité de la politique extérieure algérienne en prend également un sérieux coup. À qui la faute ? À un président, qui dit détenir toutes les clefs de la politique étrangère du pays, et qui semble pris par un seul souci : préserver ses chances pour un quatrième mandat avec tous les soutiens qu’il faut, jusqu’à jeter par terre des principes sacrés d’une Nation ?
Il est évident que Paris a informé Alger de son plan d’intervention militaire au Mali. Et, Alger n’a rien trouvé à redire en raison probablement d’ententes secrètes établies lors de la visite de François Hollande en Algérie. Et voilà comment Abdelmalek Sellal tente de justifier le retournement de veste de la diplomatie algérienne : « Nous avons soutenu au maximum le dialogue et continuerons à le faire mais en cas d'atteinte à la sécurité et l'utilisation d'autres moyens, nous sommes appelés à être fermes ». Être ferme signifie‑t‑il cautionner une intervention militaire occidentale aux frontières sud de l’Algérie, avec les conséquences incalculables que cela suppose ?
Trop facile de dire que la décision de Bamako de faire appel à l’armée de l’ex‑puissance coloniale est souveraine, comme cela a été mis en avant par le porte‑parole du ministère algérien des Affaires étrangères. Si la diplomatie algérienne avait été persuasive et convaincante, Bamako n’aurait pas appelé « au secours » Paris pour le « sauver » des « sauvages » qui viennent du nord « avaler » la capitale du Mali. Le Mali ne fait‑il pas partie des « pays du champ » censés coordonner autour de l’Algérie l’action opérationnelle antiterroriste dans le Sahel ?
À ce niveau‑là, ces pays, qui sont la Mauritanie, le Niger, le Mali et l’Algérie, auraient pu monter une force commune et contrer l’action des groupes terroristes au Mali au lieu de laisser le terrain à l’armée française. À quoi sert l’état‑major militaire qui se trouve à Tamanrasset ? La réponse est simple : à rien ! L’absence de vision à long terme, l’inexistence de prospective, la marginalisation des compétences, le manque de politique géostratégique cohérente et, surtout, le refus d’un président de la République de s’adapter au monde actuel et de sortir de l’archaïsme font qu’aujourd’hui la diplomatie algérienne perd la face devant… le monde entier. En 1999, à sa venue au pouvoir, Abdelaziz Bouteflika, ancien ministre des Affaires étrangères de Houari Boumediène, avait promis de « réhabiliter l’image de l’Algérie » au niveau international. La réussite, comme on le constate aujourd’hui, est éclatante !... suite de l'article sur Autre presse