BAMAKO - L'armée française, au troisième jour d'une campagne aérienne sans relâche contre les groupes armés islamistes au Mali, a bombardé dimanche des positions jihadistes dans le nord du pays, se rapprochant de leur fief de Tombouctou, selon des sources concordantes.
A Bamako, des officiers supérieurs de la force de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cédéao) sont attendus dimanche, afin d'organiser l'arrivée des troupes ouest-africaines chargées, avec l'aval de l'ONU, de déloger les groupes liés à al-Qaïda qui occupent du nord du Mali depuis neuf mois.
La France a poursuivi, les bombardements de colonnes de pick-up des islamistes, commencés vendredi près de Konna (centre) pour arrêter avec les forces maliennes une offensive islamiste, a indiqué dimanche le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian. "Il y a des raids en permanence. Il y en a en ce moment, il y en a eu cette nuit, il y en aura demain", a-t-il dit.
Des appareils français ont aussi bombardé des cibles dans plusieurs localités du nord du Mali, en dehors de la zone de Konna, selon des témoins, des ONG et des sources de sécurité.
Un camp de combattants jihadistes a notamment été visé à Léré, à 150 km au nord de Konna, près de la Mauritanie, et environ 200 km à vol d'oiseau de Tombouctou, selon des témoins et Médecins sans frontières (MSF).
MSF a demandé "à toutes les parties au conflit au Mali de respecter les populations civiles"".
Les frappes ont aussi visé d'autres positions dans le nord contrôlées par des islamistes, "non loin de Douentza" (800 km au nord de Bamako), ainsi que "vers la localité de Nampala" (nord-ouest), selon une source de sécurité régionale.
"panique chez les proches des jihadistes"
A Tombouctou, ville historique, un enseignant a fait état d'un "début de panique" parmi les familles des jihadistes partis combattre à Konna, assurant que "beaucoup essayent de partir dans le désert".
"Depuis 9, 10 mois, on est dans un régime très totalitaire. On est coupé de tout. Franchement, on n'attend que ça! On ne peut pas imaginer que les forces françaises s'arrêtent aux portes de Konna. C'est l'occasion ou jamais d'en finir avec ces islamistes", a-t-il expliqué.
Alors que le président Hollande avait estimé que l'intervention française avait permis de donner un "coup d'arrêt" aux islamistes, le ministre de la Défense s'est montré plus prudent dimanche.
"Les interventions sont toujours en cours et nous les poursuivrons pour
empêcher la progression vers le Sud, ça c'est en partie fait, pas totalement",
a-t-il souligné, précisant que l'intervention française permettrait aux forces
maliennes de "reprendre leur marche en avant pour l'intégrité" du territoire.
Une perspective dénoncée par le Mouvement national de libération de
l'Azawad (MNLA, rébellion touareg malienne), qui a demandé que les forces de
Bamako ne pénètrent pas dans le nord du pays, région pour laquelle elle
demande un droit à l'autodétermination.
Le MNLA avait lancé en janvier 2012 une offensive dans le nord avant d'en
être évincé peu après par les groupes islamistes armés Al Qaïda au Maghreb
islamique (Aqmi), Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest
(Mujao) et Ansar Dine (Défenseurs de l'islam).
Un haut responsable d'Ansar Dine, Abdel Krim dit "Kojak", a été tué dans
les combats autour de Konna, a affirmé dimanche une source sécuritaire
régionale.
Présentés comme des "soudards à bord de Toyota avec quelques armes", les
islamistes sont en réalité "bien entraînés" et dotés "d'un matériel moderne,
sophistiqué, beaucoup plus robuste et efficace que ce qu'on pouvait imaginer",
déclare-t-on dimanche dans l'entourage du président Hollande.
A Bamako, les premiers éléments de la Cédéao se mettent en place, sous la
direction d'un général nigérian, Shehu Abdulkadir, déjà arrivé au Mali selon
Lagos, qui fournira "environ 600 hommes".
Le Niger, le Burkina Faso, le Togo, et le Sénégal ont également annoncé
l'envoi chacun "d'un bataillon" (environ 500 hommes) au Mali. Le Bénin va
envoyer 300 soldats.
Un sommet extraordinaire de la Cédéao consacré au Mali aura lieu samedi à
Abidjan. "C'est la reconquête du Nord Mali qui vient de commencer", a assuré
le ministre ivoirien l'intégration africaine, Ally Coulibaly.
Cette vaste région désertique est jusqu'ici un sanctuaire pour les groupes
islamistes, qui prônent l'application de la charia, au nom de laquelle ils
commettent de nombreuses exactions. Aqmi y détient huit otages français. Le
ministre français de la Défense a assuré que leur vie aurait été "encore plus"
en danger sans l'opération militaire.
L'influent capitaine Amadou Sanogo, chef des putschistes de mars 2012,
jusqu'ici réticent à toute intervention étrangère, a estimé samedi que la
France avait joué "un rôle capital" aux côtés de l'armée malienne.
Acteur clé et plutôt hostile à une intervention militaire étrangère,
l'Algérie a exprimé son soutien "sans équivoque" aux autorités de transition
maliennes.
Le Premier ministre malien Diango Cissoko est arrivé dimanche à Alger pour
une visite de deux jours.
Enfin le premier de deux avions de transport militaire britannique C-17
destinés à soutenir l'armée française au Mali devait décoller du Royaume-Uni
dimanche.