De l’incertitude à l’inconnue, du flou à la pénombre, de la peur à la terreur, et, de la lueur d’espoir aux ténèbres du désespoir ; l’avenir du Mali se lit en pointillé depuis le coup d’Etat (le plus inapproprié de l’histoire démocratique en Afrique) du 22 mars 2012 qui ouvrit les portes à l’occupation intégrale du nord du pays par des groupes terroristes et djihadistes. Des braquages aux embuscades en passant par les attaques à main armée, les attentats à l’arme lourde, les attentats kamikazes et les prises d’otages, les tueurs sanguinaires multiplient les modes terroristes les plus meurtriers sur le territoire malien. L’espoir suscité par l’opération Serval (qui bloque le projet d’instauration d’un Etat islamique avec la charia) cède la place à toutes les interrogations négatives chez les Maliens, devenus totalement vulnérables et exposés. Quels sont ces groupes terroristes qui ont déclaré la guerre au Mali ? Comment fonctionnent-ils ? Qui en sont les leaders ? Et? Tour d’horizon :
Ils sèment la terreur en Afrique de l’ouest et du nord, mais ont fait du Mali leur territoire de prédilection, voire leur terre promise. Ils ont pour noms Aqmi, Al-Mourabitoun, Mujao, Ansardine et Front de libération du Macina. Leurs faits d’arme :
Le Front de libération du Macina
Le Front de libération du Macina est un groupe armé djihadiste qui apparaît en janvier 2015. Son objectif est le rétablissement de l’Empire du Macina, dont l’histoire nous apprend que c’est une zone qui s’étend de la frontière mauritanienne à la frontière burkinabè et dont l’épicentre se situe autour de Mopti.
Le chef du groupe est Amadou Kouffa, un marabout qui était en janvier 2013, l’un des planificateurs de l’offensive sur Konna. Le groupe serait composé d’anciens combattants du Mujao.
Le groupe apparaît en 2015 avec l’attaque de Nampala le 5 janvier, puis celle de Ténenkou le 16 janvier. Avec Ansardine, le groupe compte étendre l’insurrection djihadiste au sud du Mali
Depuis le début de l’année, le groupe multiplie les offensives et les assassinats contre les forces de l’ordre et de sécurité maliennes, ainsi que dans les villages: Nampala, Diabaly, Ténenkou, Boulkessi, Misséni…
Début août, c’est l’hôtel Byblos de Sévaré qui est pris d’assaut par les hommes de Amadou Kouffa (avec un lourd bilan). Qui ont également perpétré une série d’assassinats ciblés. Le 13 août, l’imam de Barkérou, Aladji Sékou, un homme de 63 ans, qui s’opposait aux djihadistes d’Amadou Kouffa est exécuté par des motards armés. Ils exécutent aussi le chef de village de Dogo, un agent des eaux et forêts à Diafarabé, des policiers, gendarmes et militaires un peu partout à travers le pays.
Récemment, le Flm a revendiqué la prise d’otages à Radisson Blu.
Aqmi
Al-Qaida au Maghreb islamique est né en 2007 suite à l’intégration du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (Gspc) au sein d’Al-Qaida d’Oussama Ben Laden. Depuis 2004, AQMI est dirigé par Abdelmalek Droukdel, alias Abou Moussab Abdelwadoud. L’objectif principal de ce groupe avait pour champ d’action le Vieux Continent (Europe). Incapable de conquérir un terrain inconnu, Droukdel s’est vu réservé l’ensemble du Sahel, de la Mauritanie, du Tchad, du Mali, du Niger et du Nigeria, en bref de tout le Sahel et le Sahara. C’est donc un groupe qui peut agir partout puisqu’il est maintenant considéré comme la branche d’Al-Qaida pour l’Afrique maghrébine et de l’Ouest. Bien structuré à partir de ce territoire, Aqmi représente un danger et une menace pour l’ensemble de la région sahélienne, de la Mauritanie au Tchad en passant par l’Algérie, le Niger et le Mali.
Mujao
Le Mouvement pour l’Unicité et le jihad en Afrique de l’ouest est né en 2011 d’une scission d’Aqmi et est dirigé par le Touareg Ahmed Ould Amer. La dissidence a donc lieu pour deux raisons au moins : le désaccord sur le partage de butins des rançons des prises d’otages au sein de la branche saharienne d’Aqmi d’une part, et d’autre part la concentration du leadership sur le seul territoire algérien fait naître la volonté de créer un autre mouvement concentré sur l’Afrique de l’Ouest.
Ce qui fait dire à certains analystes que le MUJAO est un sous-traitant d’Aqmi créé pour opérer en Afrique de l’Ouest. En janvier 2012, un leader du groupe connu comme porte-parole, le nommé Hamma Ould Mohamed Kheyrou, annonce les couleurs dans un enregistrement vidéo posté sur Internet, en dévoilant les objectifs de cette nouvelle entité à savoir : « Imposer la charia dans toute l’Afrique de l’ouest » et déclare, en passant, la guerre à la France. Il déclare que l’un des objectifs est de «frapper le cœur de la France ».
Ansardine
Né en 2012 au Nord du Mali, le groupe Ansardine (défenseurs de l’Islam) est dirigé par Iyad Ag Ghaly. Son objectif principal, c’est l’autonomie de l’Azawad et son principal fiel est Kidal. C’est donc un groupe sécessionniste. Considéré comme le mouvement clé de la guerre du désert, Ansardine est réputée pour sa stratégie du silence. Le gourou Iyad Ag Ghaly a plusieurs faits d’arme à savoir : a participé à la guerre au Liban contre Israël, aux opérations commandos contre l’armée tchadienne, a survécu à un bombardement de F-16, a échappé 100 fois à la mort, etc. Iyad Ag Ghali est le fils d’un homme très pieux et maître de Kidal.
Ce chef touareg a côtoyé les hommes de la Dawa au Niger, des piétistes pakistanais, des missionnaires du retour aux sources de l’islam. Comme tous les chefs conservateurs des tribus, il se désole de voir les jeunes Touaregs se livrer à la débauche, d’abandonner la morale traditionnelle, de s’abandonner à la déliquescence des mœurs et par ricochet perdre leur identité. Du coup, la formule magique pour le nouveau dévot est de croire que seule la charia peut lutter contre ces maux tels que : l’insécurité, le désordre et la corruption.
Mnla
Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (Mnla) est créé en 2011 suite à l’intégration des Touaregs au Mouvement national de l’Azawad. Il serait quand même difficile de parler de Mnla sans faire allusion au colonel. Après la chute du colonel Mouammar Kadhafi, les soldats Touaregs (intégrés dans l’armée libyenne) prennent la fuite vers le Mali où ils trouvent sur place le Mouvement national de l’Azawad et décident de l’intégrer en changeant le nom.
La particularité du Mnla est qu’il est un groupe qui a des positions idéologiques très ambigües. Le fait qu’il soit laïc et à la fois proche d’Al-Qaïda est tout de même surprenant puisque ses hommes lutteront aux côtés d’Ansar dine et d’Aqmi en janvier et en mars 2012 pour revendiquer l’indépendance du Nord du Mali et où les villes maliennes comme Ménaka, Aguelhok, Tessalit, Kidal et Gao seront prises et aux côtés des troupes françaises et d’un contingent ouest-africain sous mandat onusien en janvier 2013.
Al-Mourabitoune
Al-Mourabitoune ou Al-Qaïda du jihad en Afrique de l’Ouest est un groupe armé djihadiste salafiste sahélien né le 22 août 2013 de la fusion du Mujao et des Signataires par le sang.
Al-Mourabitoune est actif dans la région de Gao, au Mali, et au nord du Niger, une partie de ses combattants sont liés financièrement au trafic de stupéfiants. L’organisation que dirige Mokhtar Belmokhtar dispose également de contacts en Tunisie, en Libye, au Soudan, ainsi qu’en Égypte avec le Groupe des partisans de la maison sacrée, et au Nigéria avec Boko Haram.
En avril 2014, Mokhtar Belmokhtar publie un communiqué dans lequel il renouvelle son allégeance à Ayman al-Zawahiri, émir d’Al-Qaïda.
Al-Mourabitoune revendique plusieurs attentats au Mali.
Le 17 juillet 2014, Abou Aassim El-Mouhajir, le chargé de communication d’Al-Mourabitoune, revendique une attaque-suicide commise trois jours plus tôt contre une patrouille de l’armée française près d’Almoustarat. Sept soldats français ont été blessés dans l’attentat, dont un mortellement et deux autres grièvement.
La nuit 10 au 11 décembre 2014, Ahmed al-Tilemsi et six de ses hommes sont tués, trois autres faits prisonniers dans un combat près de Tabankort contre les forces spéciales françaises.
Le 26 janvier 2015, à Bamako, le général Mohamed Abderrahmane Ould Meydou échappe à une tentative d’assassinat commise par deux hommes armés, il est cependant blessé par les tirs. Al-Mourabitoune revendique l’attaque le 7 mars.
Le 7 mars 2015, Al-Mourabitoune revendique un attentat commis le jour même à Bamako où un commando de deux hommes ouvre le feu dans le bar-restaurant-boîte de nuit, la Terrasse, tuant 5 personnes, dont trois Maliens, un Français et un Belge, et faisant 8 blessés. Le mouvement affirme avoir commis cette attaque pour venger la mort d’Ahmed al-Tilemsi. L’un des auteurs est localisé dans le quartier de Magnambougou par la police malienne, et tué le matin du 13 mars dans un assaut.
Le 20 novembre dernier, le groupe revendique l’attentat du Radisson Blu de Bamako qui fait 22 morts dont les deux terroristes.
Sékou Tamboura
Source: L’Aube