Crée par Amadou Koufa, le FLM est aujourd’hui fort d’un millier de combattants. Sa force de frappe dépasserait même les frontières. Cependant, il faut relativiser son degré d’implantation. Même s’il se réclame de la communauté peulh, il ne fait pas l’unanimité au sein des siens. Rappelons que le FLM est issu d’une scission du MUJAO et en particulier de la mouvance dite peulh et s’inscrit dans une alliance avec Ansardine de Iyad Ag Agaly. Finalement, le FLM n’est pas de même nature qu’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) qui a donné naissance à Almourabitoune. Elle revendique du FLM non seulement une dimension territoriale par rapport à ses revendications djihadistes mais aussi une dimension ethnique en occurrence peulh autour d’un modèle historique, qui est celui de l’Etat théocratique peulh de Macina. C’est une revendication qui fait appelle à une historicité qui est l’image d’un Etat qui a régit un territoire, une administration développée au 18ème siècle, dans la première moitié du 19ème siècle et a administré cet Etat selon les préceptes de la charia. C’est un modèle d’Etat islamique qui est fondé sur le djihad en s’attachant à l’Etat de Sokoto au Nigéria. On peut donc parler d’une doctrine africaine entre la fin du 19ème siècle et tout au long du 19ème siècle avec des états islamiques issus du djihad et qui ont comme logique interne le djihad. A la suite de cet Etat théocratique peulh viendra un autre Etat théocratique peulh d’El Hadji Oumar Tall. Venu de la vallée du Sénégal dans les années 1800-1870, il a vaincu l’Etat théocratique du Macina et installa sa capital à Ségou et une autre capitale par le biais de son neveu à Bandiagara, au cœur du pays dogon. Tout ce 19ème siècle est secoué par des djihadistes qui aboutissent à la création des états islamiques, d’état théocratique.
Le président sénégalais Macky sall a déclaré tout récemment : « nous ne pouvons pas accepter que des modèles qui ne correspondent ni à notre conception ni à nos traditions de l’islam… imposé en Afrique simplement parce que les africains sont pauvres et qu’il faut financer des mosquées et des écoles ». C’est la responsabilité d’un chef d’Etat Africain de tenir ces propos et on ne peut soustraire objectivement. Si nous prenons l’exemple d’un mouvement comme le FLM qui ne se fonde pas simplement sur un principe général de djihadiste ou un modèle du moyen oriental mais sur une histoire proprement africaine qui longe entre la boucle du Niger et le Sénégal. C’est un élément important qui est plus problématique que ces états théocratiques, ces états islamiques. Il faudrait également rappeler que ces Etats sont battus face à la conquête coloniale à la fin du 15ème siècle et l’inclure dans la mémoire nationale, dans la mémoire patriotique est problématique. Les discours éclairs dans les mosquées sont plus ou moins incitatifs aux yeux des populations, surtout jeunes. Ces types de discours islamistes sont perçus par beaucoup de maliens comme des discours quelques peu radicaux du point de vue de l’islam. Ils peuvent être bien accueillis par la population malienne dans la mesure où ils correspondent à l’émancipation culturelle vis à vis de l’occident.
L’ancien ministre Soumeylou Boubèye Maïga a dénoncé cette pratique du falacisme comme agression extérieure qui est contraire à la pratique africaine de la religion basée sur la tolérance et la solidarité. Il est de la charge des universitaires, intellectuels de réfléchir un peu plus sur cette dichotomie. Il est à rappeler que c’était la même fiction qui dominait dans l’administration coloniale et en particulier s’agissant des affaires religieuses des frères musulmans. En gros, nous avons à faire à un islam « maraboutique », un islam noir comme livrerons les administrateurs coloniaux. Il définissait cette notion de l’islam inoffensif tourné uniquement vers la religion, qui ne se mêlait pas de la politique et de l’autre coté. Un islam importé relativement fanatique qui vient du Moyen orient. Cette dichotomie dans la société malienne tient difficilement un islam tranquille, paisible, sécurisé et de l’autre coté un falatisme fanatique et revendicatif. Le falatisme a donc une histoire africaine qui n’est pas récente. L’implantation des premiers wahabites au Mali date des années 1940. Au Mali on laisse toujours les choses se développer afin de bien les exploiter. Cette pratique laisse à penser qu’Ahmadou koufa n’a pas que des fidèles à Macina, mais dans bien d’autres régions du Mali.
Pierre Poudiougo.