Jeudi 26 novembre 2015 se tenait, à Bamako, la cérémonie de rentrée des cours et tribunaux. Comme d’habitude, elle était placée sous la présidence de Ladji Bourama qui, pour rien au monde, n’eût raté pareille fête. C’est, en effet, devant une assemblée du genre qu’il pouvait parler librement en latin et en grec avec quelque espoir de se faire entendre. Mais voilà: Ladji est venu avec deux heures de retard (excusez du peu!). Vêtu d’un abacost gris (sans le chapeau melon, cette fois-ci), le président de cérémonie était flanqué de deux hommes que vous ne soupçonneriez pas: le directeur de la Sécurité d’Etat, le général Moussa Diawara, et le chef d’Etat-major particilier, le général Oumar Daw alias Baron. Que venaient faire des généraux si loin du champ de bataille du nord et du champ de ruines de l’hôtel RADISSON ? On ne le saura sans doute jamais. Mais on comprendra aisément qu’avec ces redoutables officiers dans sa compagnie, Ladji Bourama n’ait nullement songé à présenter des excuses pour son immense retard. Surtout que tout le haut de l’amphithéâtre était rempli d’hommes en grand uniforme militaire…
Comme si les terroristes devaient être recherchés en priorité parmi les avocats et les magistrats, ces derniers ont été, avant l’arrivée de Ladji Bourama, soumis à une minutieuse fouille de leur corps et de leurs bagages. Poches, sacoches, chaussures…tout fut passé au détecteur de métaux et au peigne fin. Il ne manquait plus au menu que des interrogatoires musclés suivis de gardes à vue ! Les mauvaises langues s’amusent d’ailleurs à souligner que les forces de l’ordre avaient toujours observé un tel zèle, Bamako serait devenue une contrée aussi sûre que le Vatican où, jusqu’à présent, aucun attentat n’a été perpétré ni aucun projet d’attentat éventé.
Le décor étant ainsi planté, Ladji Bourama a expliqué, à grand renfort de subjonctif, qu’il a transmis 200 dossiers de corruption au pôle économique et qu’à ce jour, il attend la suite. En clair, à l’en croire, les juges traînent les pieds sans raison car il les met au défi de prouver toute interférence de sa part dans les procédures. Puisque personne n’a relevé le défi (quel juge aurait pris ce risque?), on peut donc croire Ladji Bourama sur parole. Sauf à souligner qu’aucun juge n’est assez sot pour vouloir placer sous mandat de dépôt un cadre qui, bien que soupçonné de délits divers, est nommé par Ladji lui-même ministre ou directeur général d’un machin. Comme quoi, s’il n’interfère pas directement dans les dossiers, Ladji Bourama sait adroitement indiquer aux juges enquêtes les sens interdits…Pour rappel, Ladji n’a-t-il pas déclaré un jour, à la télé, qu’il détenait des dossiers sur les opposants et que si ceux-ci continuaient à le persécuter, il les transmettrait à qui droit ? Et que “petit monsieur” irait fouiller dans les tiroirs du premier magistrat, s’il vous plaît ?
Tiékorobani