Une médaille ou décoration officielle obtenue à titre individuel ou collectif récompense généralement un acte ou une situation exceptionnelle. Aussi, il y a-t-il dans chaque pays plusieurs espèces de médailles. Au Mali, c’est la grande chancellerie des ordres nationaux qui gère les distinctions honorifiques. Le président de la République étant le grand maître des ordres nationaux, cette responsabilité lui confère, le privilège de censurer, mais aussi d’élargir à loisir toutes les listes d’impétrants d’une distinction honorifique qui lui sont soumises.
Sous la colonisation, ces distinctions étaient rares et seuls les grands serviteurs de la colonisation tels les chefs de cantons, les anciens combattants et quelques fonctionnaires zélés étaient récompensés. Les médailles des colonisateurs ont remplacé les bonbons, sucres, miroirs et pacotilles de toutes sortes qui étaient offerts aux chefs africains par les négriers blancs du 13ème au 19èmesiècle pour ῎mettre aux fers῎ leurs frères. Les combattants africains pour l’indépendance ont, si bien compris le côté paternaliste et hypocrite de ces cérémonies de remise de médailles coloniales, qu’ils l’ont souvent raillées, quelquefois sardoniquement dans leurs différentes publications. La plus remarquable de cette dérision est sans doute ce célèbre roman de l’écrivain camerounais Ferdinand Oyono : ῎Le vieux nègre et la médaille῎.
Nonobstant son côté conformiste et désuet une cérémonie de remise de décoration donne toujours à l’impétrant et à ses proches une certaine chaleur, un réconfort et ce n’est pas rien. C’est certainement l’une des raisons pour laquelle qu’après les indépendances, tous les Etats africains ont maintenu ce cérémonial colonial. Ainsi, au Mali, sous les première et deuxième Républiques, et même sous le président Konaré, les remises de médailles étaient parcimonieuses. En de telles circonstances, leur acquisition crée une certaine émulation. Mais on pourrait reprocher à tous ces présidents d’avoir décerné les médailles surtout à tire posthume, ce qui a relativisé quelque peu leur effet stimulant. Avec le président Amadou Toumani Touré, il y avait une inflation de décorations de sorte que, telle une monnaie, celles-ci ont été dépréciées, elles ont été dévaluées. Méritants et non- méritants ont été mis dans un même panier : le panier à crabes !
Quant au président IBK, il semble accorder sa préférence à la décoration à titre posthume. Mais on pourrait se poser la question de savoir si ces décorations ne sont pas le fruit d’émotions plutôt que celui de la reconnaissance d’un quelconque mérite. En effet, comment expliquer que les victimes maliennes du Radisson Blu soient décorées et que soient ignorées celles de la Terrasse de la rue Princesse de Bamako, du Byblos de Sévaré ? Pourquoi laisser pour compte celles de Kidal de mai 2014 ? Et pourquoi ne pas décorer les victimes étrangères à titre étranger ? On pourrait allonger la liste !
Décorer ceux qui méritent de la nation est certes une bonne chose, mais il faut éviter d’agir sous le coup de l’émotion, car cet état conduit souvent au manque de discernement donc à l’injustice. Et dans ce cas, les médailles attribuées, au lieu d’être des distinctions d’émulation et /ou de reconnaissance seront celles de la frustration.
Wamseru A. Asama