Réunis en assemblée générale, à Raz-el-Mâ, cercle de Tombouctou, le 21 novembre 2015, les chefs de fractions Kel Antassar de la région de Tombouctou et la plupart des alliés ont «reconnu à l’unanimité Abdoul Majid Ag Mohamed Ahmad dit Nasser comme chef général de la tribu Kel Antassar de Tombouctou, en remplacement du regretté Mohamed Elmehdi Ag Attaher (chef général de la tribu Kel Antassar de Tombouctou de 1946 à 2014)». Plus de 300 chefs de fractions de la tribu Kel Antassar de Tombouctou ont participé au forum de Raz-El-Ma des 20, 21 et 22 novembre 2015. Ils sont venus de l’Est et de l’Ouest, d’Arabie Saoudite, d’Algérie, de la Mauritanie ainsi que les réfugiés du camp de M’Bera.
Contexte de la mission
La signature de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger a suscité beaucoup de réflexions et incité plusieurs communautés à organiser des réunions, rencontres ou fora, au motif de s’insérer dans la dynamique de sa mise en œuvre. C’est dans ce cadre que les populations Kel Tamasheq de «la région de Tombouctou, soucieuses de consolider l’accord pour la paix et la réconciliation nationale paraphé à Alger, ont décidé d’organiser une rencontre de concertation pour renforcer la cohésion sociale entre les Touaregs eux-mêmes et leurs voisins, pour apporter leur soutien indéfectible à la mise en œuvre dudit Accord».
Une lettre d’invitation a été ainsi adressée au chef général de la tribu Kel Antassar, Abdoul Majid Ag Mohamed Ahmed dit Nasser, pour honorer de sa présence les assises du forum. Avec les appuis bienveillants des autorités maliennes (ministre de la Défense et des Anciens combattants, le ministre de la Réconciliation nationale ; le ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle, de la Jeunesse et de la Reconstruction citoyenne) et des bonnes volontés, la participation du chef de tribu, à la tête d’une délégation forte 28 personnes, majoritairement composée des cadres, a été pleine pendant les trois jours de travaux. Sa délégation a quitté Bamako le 18 novembre 2015 pour revenir le 24 novembre 2015. La sécurité du convoi sur le trajet de Diabaly à Léré et de Léré à Diabaly a été entièrement assurée par les Forces de défense et de sécurité du Mali (Fama) et dans les règles de l’art.
En réalité, il y avait eu deux événements à Ra-Zel-Ma. Le premier, c’est la rencontre intra-communautaire de toutes les communautés Kel Tamasheq de la 6ème région pour discuter du processus de paix qui est déjà déclenché. Le premier acte posé, c’est le fait que la communauté Kel Tamasheq a adhéré à l’accord pour la paix signé à Bamako. Le second événement, c’était la réunion, en marge de cette rencontre, dans la nuit du 21 novembre 2015, de tous les chefs de fractions de la tribu Kel Antassar de l’Est et de l’Ouest autour d’Abdoul Majid Ag Mohamed dit Nasser. Ils ont entériné la décision qui avait été prise lors de leur dernière rencontre. C’est ainsi qu’ils ont décidé de mettre en place une seule et unique tribu Kel Antassar. C’est à l’issue de cette rencontre que la tribu des Kel Antassar a décidé, le 21 novembre 2015, qu’il y ait un seul chef général : Abdoul Majid Ag Mohamed dit Nasser. C’est à ce titre qu’il lui a été confié la gestion et la destinée de la tribu. La tribu Kel Antassar couvre deux cercles de la région de Tombouctou. C’est la tribu la plus importante de cette région. À la fin de la rencontre, le tout nouveau chef général de la tribu Kel Antassar a fait savoir qu’il a une lourde tâche à accomplir. C’est pourquoi, dit-il, «il a besoin du soutien de tout le monde, des autorités maliennes et de la communauté internationale».
Précisons que ce travail d’unir les communautés commence à porter fruit, parce qu’il s’agira, selon lui, d’organiser, en plus de cette rencontre intra-communautaire, d’autres rencontres. C’est pourquoi, avoue-t-il, il est parti avec des représentants d’autres communautés pour cette mission, comme les Sonrhaï, les Peulhs, les Arabes, tous de la région de Tombouctou. Car faire revenir la paix n’est pas le travail d’une seule communauté. «Mieux vaut voir une fois qu’entendre mille fois, dit-on. La mission a vite compris que la paix et la réconciliation ne sont pas de vains mots, n’en déplaise aux pessimistes. Il faut faire les choses à temps avant qu’elles ne dégénèrent. Aujourd’hui, il faut cantonner les gens pour savoir qui est qui et surtout protéger les populations de la prédation. Il faut réhabiliter les points d’eau, les dispensaires, les écoles…et faire revenir les gens qui sont partis pour occuper le terrain ; la nature a horreur du vide. C’est après ça seulement qu’il sera possible d’évoluer vers une plus grande normalisation», a-t-il déclaré.
Les travaux de la rencontre des Kel Antassar
Au cours des 3 jours de travaux du forum, les cadres composant la délégation du chef de la tribu ont joué les rôles de facilitateurs des groupes thématiques. Ainsi, dans les 4 groupes thématiques composés, les échanges ont porté sur les thématiques définies par l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, à savoir les questions politiques et institutionnelles ; celles de défense et de sécurité ainsi que le développement socio-économique et culturel, sans oublier les questions humanitaires.
Après un tour d’horizon de toutes ces questions, ce sont celles de la défense et sécurité, et l’humanitaire qui ont attiré l’attention des participants. En ce qui concerne la défense et la sécurité, ce sont des questions essentielles dont dépend le rétablissement de la paix dans la zone. Pour les participants, deux mesures d’importance sont à prendre au à court terme : le cantonnement des hommes armés ; le contrôle des frontières de la région de Tombouctou depuis Foïta à Inokinder au Nord et au Sud, à travers le poste d’Indaki. «Ces mesures ne doivent pas attendre, si l’on veut récréer les conditions de confiance», indique le rapport des travaux.
Pour ce qui est de la question humanitaire, les participants proposent de remettre en état de fonctionnement les services sociaux de base minimum dans les zones destinées à recevoir les réfugiés et déplacés et d’accélérer leur retour. «Ce sont là des mesures d’urgence qui sont des préalables pour entamer le développement durable et conduire aisément les réformes institutionnelles qui, elles, s’inscrivent dans la durée», a indiqué le nouveau Chef général de la tribu Kel Antassar, Abdoul Majid Ag Mohamed dit Nasser.
Les Fama incontournables
Lors de ce déplacement du chef général de la tribu Kel Antassar, les Forces armées du Mali ont joué un grand rôle. Elles ont été saluées par le chef général de la tribu. La sécurité du convoi sur le trajet, de Diabaly à Léré et de Léré à Diabaly, a été entièrement assurée par les Forces de défense et de sécurité du Mali (Fama). À toutes les escales au niveau des différentes unités pour le changement des hommes de l’escorte, il y avait des retrouvailles émouvantes, des accolades, des prises de photos et d’images pour immortaliser les instants et des témoignages de fraternité des uns pour les autres. «C’est le Mali qui se retrouve et qui fête !», s’exclamaient les membres de la délégation et les militaires. C’est ainsi qu’au retour, l’escale de Léré a été mise à profit par le chef de la tribu et sa délégation pour rendre une visite de courtoisie au chef de village, en compagnie du commandant GTIA Balanzan, coordinateur des Fama à Léré et du commandant de la Brigade de la gendarmerie. La visite a été l’occasion de faire des présentations d’usage pour mieux se connaître, mais aussi inviter les uns et les autres à œuvrer dans la dynamique de la paix, de la réconciliation, pour faciliter le retour à la normale au Mali en général et dans la zone en particulier. Le chef de village a saisi cette occasion pour réitérer sa disponibilité et son engagement à faciliter le retour des réfugiés et des déplacés en incitant leurs frères restés sur place à les accueillir comme des frères. Il n’a pas aussi tari d’éloges à l’endroit du Coordinateur des Fama à Léré, surtout du Commandant de la Brigade de la gendarmerie «qui font vraiment leur travail comme il le faut, en véritables soldats et chefs militaires républicains».
Visiblement ému, le chef général de la tribu Kel Antassar s’est engagé à travailler, comme il l’a toujours fait, dans la construction de la cohésion sociale et du vivre-ensemble au Mali et dans la région de Tombouctou, singulièrement à Léré qui est spéciale de par sa position géographique et surtout de par sa composition ethnique.
Kassim TRAORE