Dans une tribune, signée de lui, intitulée : « Au-delà de l’accord d’Alger, le très charismatique président du Parena, Tiébilé Dramé, prône d’ouvrir le dialogue avec tous les acteurs de l’instabilité au Nord, y compris avec les djihadistes maliens. Étonnante déclaration d’un leader politique, pourtant avisé sur la complexité de la crise sécuritaire, brutalement projetée, au-devant de l’actualité avec les meurtrières attaques terroristes, revendiquées par ces tueurs d’innocents.
27 avril 2015. Bamako. Nous sommes à quelques encablures de la signature de l’accord de paix, prévue le 15 mai, au CICB, sous le haut parrainage du président IBK, en présence d’au moins une dizaine de chefs d’État africains. L’événement, trop longtemps attendu, sera le couronnement de huit longs mois de pourparlers inter-maliens, tenus à Alger, à l’issue desquels, pour la première fois, un accord négocié entre les Maliens, pour la cessation de la crise qu’a connue le pays, reçoit l’onction de la communauté internationale, se proposant à le concrétiser, sous la supervision de l’Algérie, chef de file de la médiation, qui s’est déployée pour qu’il en soit ainsi. Dans la foulée, pendant que tous les regards étaient tournés sur Bamako, à la veille de cet événement historique, le président du Parena, prompt à ne pas se laisser dépasser par l’actualité, est signataire d’une tribune libre qui fait sensation. Le décor est bien planté, le contexte majestueusement déblayé : En dix-huit paragraphes et deux annexes, le document considère l’Accord d’Alger, malgré ses imperfections, comme une étape de la longue quête de paix et de stabilité au Mali et préconise le dialogue avec les djihadistes maliens.
Dans le même document, le leader du Parena (c’est à ce titre qu’il a signé le texte), Tiébilé Dramé, qui connait bien les différentes connexions des acteurs de la crise au nord du Mali, dresse un tableau saisissant de la typologie de ce qu’il appelle “les acteurs et les détenteurs d’enjeux au nord”. Il s’agit de ceux qui participent au processus d’Alger. Ils ont la spécificité de ne pas mettre en cause l’intégrité du territoire et l’unité nationale. Et puis, note-t-on dans la tribune de Tiébilé Dramé, il y a ceux qui sont hors du processus d’Alger et de toute négociation. Dans ce lot, tel qu’il le décrypte, deux ou trois groupes terroristes ont fait récemment parler d’eux au Mali. Il s’agit du groupe des Almourabitounes : dirigé par l’Algérien Moktar Belmoktar considéré par certains comme le “Ben Laden du Sahel, du chef du Front de libération du Macina du prédicateur radical Amadou Koufa : plus connu dans tout le delta du fleuve Niger pour ses prêches virulents et d’Iyad Ag Ghaly, chef historique des rébellions touarègues. Il est, selon Tiébilé Dramé, la pièce centrale de la galaxie islamiste au Mali.
Tous ces groupes terroristes, et bien d’autres, cités par le leader du Parena, ont, autant qu’ils sont tous, dans leurs plans meurtriers et d’assassinats ciblés, revendiqué des assauts perpétrés contre les positions de l’armée malienne, les populations civiles et les forces militaires étrangères sur le sol malien. L’un des cas les plus emblématiques de ces attaques terroristes nous provenait de Mopti, à l’hôtel de Sévaré, où une prise d’otages sanglante a causé la mort de plusieurs personnes, parmi les éléments de l’armée malienne et le personnel civil de la Minusma. Toujours dans cette série sinistre, en mars dernier, il y a eu la fusillade de la Terrasse de Bamako, ayant provoqué la mort de plusieurs personnes parmi lesquelles les expatriés. Et puis récemment, la plus meurtrière est survenue à l’hôtel Radisson de Bamako, il y a tout juste quelques jours, et qui a causé une vingtaine de victimes parmi au moins une dizaine de nationalités. Un état d’urgence de 10 jours a été décrété par le gouvernement ainsi que trois jours de deuil national, au cours desquels les drapeaux ont été mis en berne.
L’une ou l’autre, de ces attaques terroristes, perpétrées à Sévaré (Mopti) ou à Bamako, s’agissant de la Terrasse ou de l’hôtel Radisson, a été revendiquée par ces groupes terroristes, notamment le groupe des Almourabitounes, dirigé par l’Algérien Moktar Belmoktar, ce bourreau du Sahel, qui a déjà planifié les attentats kamikazes et les attaques spectaculaires contre les positions de l’armée malienne, la Minusma et les populations civiles. Comme ce groupe, celui du prédicateur radical d’Amadou Koufa, du Front de libération du Macine, le sanguinaire du delta du fleuve Niger, est également abonné dans des revendications d’opérations criminelles et meurtrières sur plusieurs endroit du territoire national, plus particulièrement le cas le plus récent de l’hôtel de Sévaré et même du Radisson de Bamako.
Autre meurtrière attaque, autre groupe terroriste : l’assaut contre le camp de la Minusma à Kidal, la semaine dernière, et le groupe djihadiste Ansar Dine. Un assaut sanglant et criminel qui a fait trois victimes, parmi les soldats de la paix du contingent guinéen. Le chef de ce groupe s’appelle Iyad Ag Ghaly, chef historique des rébellions touarègues, pièce centrale de la galaxie islamiste au Mali et fondateur d’Ansar-dine, en relation étroite avec AQMI. C’est lui qui récemment a dénoncé l’accord de paix et appelé à poursuivre la lutte contre la France, dans un enregistrement sonore authentifié, le lundi 16 novembre, au lendemain des attentats de Paris. Dans cet enregistrement d’une vingtaine de minutes, le chef d’Ansar Dine accuse ceux qui ont ‘bradé le sang et la terre’. S’adressant plus particulièrement aux jeunes, il leur demande de répondre ‘à cette offense par les ceintures d’explosifs, les charges télécommandées et les engins piégés’. Iyad Ag Ghaly salue également ‘les moujahidine retranchés à Sikasso au Macina, à Sévaré, à Tombouctou et Kidal où opèrent des groupes djihadistes alliés à Ansar Dine’.
Dire, comme l’a prôné le leader du Parena, de dialoguer avec ces groupes terroristes ressort de l’invraisemblable, voire de l’irrationalité, compte tenu de l’attitude de la communauté internationale contre ce fléau qui se propage à une vitesse phénoménale, à travers le monde. Le chef du groupe Ansadine, Iyad Ag Ghaly, et celui des Almourabitounes, l’Algérien Moktar Belmoktar, le bourreau du Sahel, sont tous recherchés par les Américains, comme des dangereux criminels, dont les têtes sont mises à prix à prix de dollars. Tout compte fait, s’agissant du dialogue dont fait état Tiébilé Dramé avec ces groupes terroristes, il relève d’autant plus de l’erreur fatale que la configuration de ces groupes terroristes, autant qu’ils sont, est de type hybride, regroupant des combattants de plusieurs nationalités, certaines d’entre elles provenant loin du cadre restreint de notre continent.
À l’évidence, le leader du Parena, avec une telle approche, prônant le dialogue avec les groupes terroristes, quels qu’ils soient, se met dangereusement au contre-courant du cheminement réel de la lutte internationale contre le terrorisme, un fléau contre lequel il est aujourd’hui de bon ton d’admettre que seule la solidarité internationale peut en rayer les méfaits, à travers le monde. Dans ce contexte de lutte mondiale contre le péril djihadiste, inciter le dialogue avec les groupes terroristes, dont on sait d’eux qu’ils ont pris la résolution de déclarer la guerre à l’humanité, apparait plutôt comme un acte d’intoxication politico-médiatique qui ne va pas loin.
Par Sékouba Samaké