A l’instar de tous les précédents, la mise en œuvre du présent Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, arraché de haute lutte, et unanimement salué comme ‘’le meilleur possible’’ suscite des grincements de dents au sein du couple infernal CMA-Plateforme.
En ce qui est de la Coordination des mouvements armés, en tout cas, l’on ne pouvait pas s’attendre à moins que cela, son noyau dur, à savoir le MNLA, étant passé maître dans l’art de la perpétuelle remise en cause des acquis et de l’inquisition de ses partenaires.
La Plateforme qui est rentrée dans son giron, à la faveur de certains concours de circonstance (travail au corps de la Minusma, nécessité de faire barrage à ceux qui sont qualifiés de ‘’nouveaux acteurs’’ de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation), va désormais devoir manger la soupe avec le diable, en espérant qu’elle ait une cuiller à longue queue comme cela est recommandé.
Les mouvements armés signataires de l’Accord sont en rogne, apprend-on, du fait des dispositions du document consistant à engager des consultations, au cours de la période intérimaire, pour la désignation de leurs représentants au sein des institutions et grands services publics, corps et administrations de l’Etat. Cela, conformément à l’article 6 de l’Accord pour la paix et la réconciliation qui stipule : « Les Parties conviennent de mettre en place une architecture institutionnelle permettant aux populations du nord, dans un esprit de pleine citoyenneté participative, de gérer leurs propres affaires, sur la base du principe de libre administration et assurant une plus grande représentation de ces populations au sein des institutions nationales. A cet effet, il est prévu les dispositions ci–‐après :
Au niveau local :
– La région est dotée d’une Assemblée Régionale élue au suffrage universel direct, bénéficie d’un très large transfert de compétences, de ressources et jouit des pouvoirs juridiques, administratifs et financiers appropriés ;
– Les populations maliennes et en particulier celles des régions du Nord auront dans ce cadre à gérer leurs propres affaires sur la base du principe de la libre administration ;
– Le Président de l’Assemblée est élu au suffrage universel direct. Il est également le chef de l’Exécutif et de l’Administration de la région ;
– Les cercles et les communes sont dotés d’organes délibérants (Conseil de cercle et Conseil communal) élus au suffrage universel direct et dirigés par des bureaux ayant une fonction exécutive avec à leur tête un Président du Conseil de cercle et un Maire élus;
– II est reconnu à chaque région le droit d’adopter la dénomination officielle de son choix dans le cadre des dispositions relatives au statut juridique et fonctionnement des régions.
Au niveau national :
– réactiver et diligenter le processus de mise en place de la deuxième chambre du Parlement sous la dénomination de Sénat, de Conseil de la Nation ou de toute autre appellation valorisante de sa nature et de son rôle, et en faire une institution dont les missions et la composition favorisent la promotion des objectifs du présent Accord;
– améliorer la représentation des populations à l’Assemblée Nationale par l’augmentation du nombre de circonscriptions électorales et/ou toutes autres mesures appropriées;
– à court terme, prendre des mesures dans le sens de l’ouverture du Haut Conseil des Collectivités, notamment aux représentants des notabilités traditionnelles, aux femmes et aux jeunes ;
– assurer une meilleure représentation des populations du Nord du Mali dans les institutions et grands services publics, corps et administrations de la République ».
Il est vrai que l’Accord prévoit une meilleure représentation des populations du Nord du Mali dans Institutions et grands services publics, corps et administrations de la République. Mais le même Accord pose des préalables dont le tout premier est la dotation des Régions en Assemblées régionales. Ce qui passe nécessairement par un vote. Or il est avéré l’impossibilité d’organiser les élections locales régionales et du District dans les conditions actuelles. Les raisons ont été développées, d’abord, par les partis politiques, ensuite, par le ministre de l’Administration territoriale, à savoir : l’absence des déplacés et réfugiés ; l’insécurité résiduelle ; l’absence de l’administration dans les régions du Nord du Mali pour superviser les élections ; la méfiance des partenaires techniques et financiers par rapport aux délégations spéciales. D’où la prorogation des mandats des élus actuels.
Nécessaires préalables
Pour ce qui est de l’amélioration de la représentation des populations à l’Assemblée Nationale par l’augmentation du nombre de circonscriptions électorales et/ou toutes autres mesures appropriées, elle est bel et bien envisageable. Mais, il se pose l’équation d’un mandat parlementaire qui court jusqu’en 2018. Même si de nouvelles circonscriptions étaient créées au lendemain de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation, les députés qui en seraient issus ne pourraient l’être qu’au terme du présent mandat. Sauf décision du Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale pour aller à des nouvelles élections ; une telle mesure qui répond à plusieurs considérations politiques, est fortement hypothétique.
Un autre grief de la Coordination des mouvements armés (CMA), (parce qu’à ce qu’on sache, il n’y a pas de détenu de la Plateforme dans les mailles de la justice nationale) est que certains de leurs prisonniers ne sont pas encore libérés par les autorités. Il est vrai que dans le cadre des mesures de confiance, il a été régulièrement procédé à des échanges de détenus du fait de la guerre. Mais ce que la CMA doit concéder à l’Etat est qu’il ne peut pas non plus libérer des individus soupçonnés de crime de guerre, de crime contre l’humanité.
D’ailleurs, l’Accord pour la paix et la réconciliation même est très clair sur la question, en son article 46 qui stipule que les Parties conviennent de la : « création d’une Commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur tous les crimes de guerre, les crimes contre l’Humanité, les crimes de génocide, les crimes sexuels et les autres violations graves du Droit international, des Droits de l’homme et du Droit international humanitaire sur tout le territoire malien ;
– réaffirmation du caractère imprescriptible des crimes de guerre et crimes contre l’humanité et engagement des Parties à coopérer avec la Commission d’enquête internationale ;
– non amnistie pour les auteurs des crimes de guerre et crime contre l’umanité et violations graves des Droits de l’homme, y compris des violences sur les femmes, les filles et les enfants, liés au conflit… »
Engagement ferme
Il n’est pas dit que seuls les combattants de la CMA sont des présumés criminels de guerre et autres violateurs ; mais ceux qui sont entre les mains de la justice devraient pouvoir y rester jusqu’à ce que lumière soit faite.
Les préoccupations relatives à l’aide d’urgence sont prises en compte à différents niveaux.
L’on sait que la Minusma est en train de réaliser des projets à impact rapide de développement dans de nombreuses localités des régions du Nord.
En ce qui est du Gouvernement, il n’est pas demeuré en reste. En effet, peu de temps après son élection à la magistrature suprême du pays, le Président IBK a lancé un Programme de développement accéléré des régions du Nord (PDA/RN) couvrant Ségou, Mopti, Gao, Tombouctou et Kidal. Un Programme doté de 25 milliards FCFA, dont la première tranche de 11 milliards FCFA a été débloquée le 30 octobre 2013 pour le retour de l’administration et la relance économique. Il va sans dire que cette mesure s’appuie sur un environnement socio-sécuritaire assaini. Ce qui n’est pas le cas. La plus parfaite illustration étant la manifestation de populations à Kidal qui soupçonne les groupes armés de détourner l’aide alimentaire à des fins personnelles. Nulle ne peut donc se prévaloir de ses propres turpitudes.
Par Bertin DAKOUO