L’enthousiasme populaire qui a accompagné, dans les années 1990, la naissance des régimes démocratiques sur le continent noir a vite cédé la place à un grand désarroi des populations. L’éclosion des libertés publiques et le multipartisme intégral n’ont pas été suivis par un développement socio-économique pouvant permettre à l’immense majorité de la population de goûter au bonheur de la démocratie. De nombreux pays africains, surtout de l’espace francophone, s’interrogent toujours sur leur avenir marqué d’incertitudes, d’inquiétudes et d’interrogations.
Au Mali comme dans plusieurs pays africains, l’ouverture démocratique a donné naissance à des générations spontanées d’hommes politiques très riches avec des fonds dont ils sont incapables de justifier l’origine. Ils gèrent la chose publique avec une certaine liberté qui relègue les autres dans une situation de mendicité totale. Et comme pour narguer le peuple, ceux qui ont usé « le fond de leurs culottes » sur les bancs des régimes respectifs, prétendent incarner le changement.
Pour Laurent Bigot, ancien diplomate français et Consultant indépendant qui a publié une tribune intitulée « L’opération Barkhane, un ‘’permis de tuer au Sahel’’ », dans le journal Le Monde, « la démocratie tant vantée par l’Occident se trouve déclinée localement au profit d’intérêts particuliers, dans une logique de prédation… ». « La démocratie est perçue comme permettant à une minorité de s’enrichir en toute impunité avec la bénédiction de la communauté internationale, dont l’hypocrisie confine à la complicité », a écrit celui qui a été renvoyé par le Ministre français des Affaires Etrangères, Laurent Fabius pour ses propos qui prédisaient déjà en 2012, les événements du Burkina, donc la chute de Blaise Compaoré. Le Pr Issa N’Diaye écrivait lui aussi dans une tribune publiée en mai 2014 sur le site de Médiapart : « L’essentiel pour l’Occident, c’est d’installer et de maintenir au pouvoir des individus et un système de gouvernance acquis à l’ordre mondial actuel et largement favorable à ses seuls intérêts ».
Il y a vraiment un paradoxe dans le comportement des dirigeants occidentaux. Ils sont prêts à financer des élections à des coûts de milliards pour promouvoir une démocratie au service d’une minorité. Ils encouragent leurs multinationales à piller les ressources minières africaines avec la complicité d’une élite dirigeante corrompue plus encline à répondre aux désidératas de ses protecteurs occidentaux qu’à satisfaire les besoins du peuple. Ils ferment les yeux sur les tripatouillages des Constitutions tant que ceux-ci ne dérangent pas leurs intérêts stratégiques. Regardez les cas de certains pays d’Afrique Centrale où les matières premières constituent une véritable vache laitière pour l’occident. Ils restent sourds et aveugles aux situations de détresse de ces peuples qui ne demandent ni plus ni moins qu’une juste répartition des ressources nationales.
Ils encouragent, à travers des institutions comme le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, des politiques sauvages de privatisation qui jettent dans la rue de nombreuses familles et empêchent des jeunes diplômés de trouver du job. Et pourtant, ils affirment avoir la volonté de lutter contre la pauvreté et n’hésitent pas à verser des larmes de crocodile à l’annonce des drames de l’immigration sur la mer. Ils créent des foyers de tension puis envoient des médiateurs. Quand des pyromanes deviennent des pompiers, dirait l’autre, quel paradoxe !
Chiaka Doumbia