Liberté : d’abord, pouvez-vous présenter votre nouveau mouvement, Ançar Eddine, sachant que vous étiez du côté des rebelles, et quels sont ses objectifs réels ?
Ahmada Ag-Bibi : En fait, ce sont tous les fondateurs d’Ançar Edinne qui sont issus de la rébellion. Vous savez bien qu’Ayad Ag-Ghaly a été aussi un des fondateurs du MPA. Pour dire vrai, Ançar Eddine est une appellation temporaire de notre mouvement, qui a été créé dans la précipitation des évènements ayant succédé au putsch de la junte militaire. Donc, il n’est pas à écarter que nous allons changer l’appellation de notre mouvement dès qu’on tiendra notre prochain congrès constitutif (auquel nous vous invitons d’ores et déjà).
Pour les objectifs, Ançar Eddine est clair : nous aspirons à l’application de la charia dans notre système de gouvernance ; nous œuvrons à la diffusion de l’islam pour la victoire de notre religion, sachant que les musulmans représentent 90% de la population malienne (Nord et Sud). Il ne faut plus accepter que des parties étrangères continuent à nous imposer la laïcité. Le musulman ne peut pas vivre sans sa religion. Désormais, le mouvement attire beaucoup de jeunes se démarquant de plus en plus des anciens mouvements. Nous assurons, toutefois, que l’application de la charia ne va pas remettre en cause le principe de tolérance de toutes les autres religions pouvant exister dans notre pays.
Devons-nous comprendre par là qu’Ançar Eddine est venu pour fédérer tout le peuple malien ?
Oui, il est clair que le mouvement œuvre à fédérer tout le peuple. Nous sommes contre la division du Mali, d’où les négociations déjà engagées avec le MNLA en vue de le convaincre à renoncer à son idée d’appeler à la scission. Comme premier pas, nous proposons aux responsables du MNLA d’accepter d’aller vers la création d’une fédération de l’Azawad au nord du Mali, au lieu d’un État indépendant. Il existe déjà des modèles, comme celui du Nigeria, qui doivent nous inspirer pour aller vers la création d’une zone autonome au Nord et qui partagera le pouvoir avec le Sud. Il nous faut regarder loin…
Quelle est la position d’Ançar Eddine par rapport à la proposition de faire intervenir militairement l’armée de la Cédéao, (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) ?
Moi, je dirais qu’au lieu de faire appel à la Cédéao, ils (les putschistes) feraient mieux d’appeler à une conférence nationale au cours de laquelle il sera question de réviser la Constitution, si on veut réellement donner un sens à ce changement. La force n’est pas une solution. Cette voie a été déjà expérimentée par le président renversé ATT (Amadou Toumani Touré) ; il avait mis tous les moyens militaires pour ne pas répondre aux revendications populaires (…). D’où nous alertons contre l’intervention de la Cédéao, car elle va davantage aggraver la situation. Désormais, les “tambours” de la Cédéao doivent revoir leur discours. Si ATT avait seulement accepté d’appliquer l’accord d’Alger de 2006, on ne serait d’ailleurs jamais arrivé à la situation actuelle. C’était son erreur fatale !
Quelles sont les solutions que propose Ançar Eddine pour mettre fin à la crise actuelle ?
La crise est nouvelle, elle a encore besoin de passion et de beaucoup de sérieux dans son traitement. Pour éviter la dérive, il faut commencer par rassurer la population du Nord qu’il y aura de l’amélioration progressive. Pour ce faire, il faut privilégier la voie du dialogue et éviter la violence. 60% des solutions doivent être trouvées par le dialogue. Il faut privilégier les solutions pacifiques à la fois aux niveaux national et international.
Sur ce dernier plan, je trouve que seule l’Algérie peut jouer le rôle déterminant de médiateur entre les parties en conflit. L’Algérie est le seul pays qui connaît parfaitement le dossier Mali.
Désormais, l’Algérie est appelée à tourner son regard vers le Mali, car les solutions salutaires ne peuvent être trouvées sans elle. C’est une question d’urgence !