C’est le nouvel écheveau qui agace les protagonistes de l’Accord pour la paix et la réconciliation, du moins pour l’heure. De sources concordantes, la signature du document issu du processus d’Alger risque de ne pas connaitre les effets attendus, tant l’Etat et les mouvements séparatistes éprouvent du mal à s’accorder sur les modalités de son application.
La Cma et ses alliés tiennent à l’administration provisoire comme à la prunelle de leurs yeux. Tandis que la question semble tenir d’un précieux enjeu pour les hautes autorités maliennes.
Ni souveraineté ni paix, ni guerre ni désarmement ! C’est une confusion totale, en définitive, qui entoure la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, au grand dam des espoirs de retour de la stabilité, de reconquête et de réaffirmation de la souveraineté de l’Etat sur la partie septentrionale de son territoire.
Issu du long processus d’Alger, le document devant le consacrer, après avoir mobilisé tant de ressources aux niveaux national et international, est en passe de devenir une simple fin en soi et de ne peser plus lourd que le papier sur lequel le sceaux des parties a été apposé.
Depuis les formalités du 15 mai et du 20 juin derniers, les fruits du processus résistent farouchement aux tentatives de les cueillir. Les réunions et concertations se succèdent, se multiplient et traînent ennuyeusement en longueur pour mieux élargir le fossé d’incompatibilité qui sépare les principaux protagonistes. D’abord sur la configuration des instruments de mise en œuvre de l’Accord comme la commission de suivi, ensuite sur les aspects à prioriser dans le chronogramme de son application.
Ainsi, pendant que les opinions dans la capitale sont braquées sur le retour de l’administration d’Etat à Kidal, le retour tout court de l’Adrar dans l’escarcelle du Mali, l’intérêt des mouvements armés se focalise plutôt sur les domaines qui incarnent l’autonomie administrative des régions nord. Pas question de cantonnement, de démobilisation ou de désarmement sans les esquisses du nouveau schéma institutionnel préconisé par l’Accord. Il s’agit, en clair, de l’installation non négociable de l’administration provisoire à laquelle allusion est faite dans le document en ces termes : ‘’La mise en place, le cas échéant et au plus tard trois mois après la signature de l’Accord, des autorités chargées de l’administration des communes, cercles et régions du Nord durant la période intérimaires…’’
Dans la foulée de la mise en œuvre de l’accord, la problématique a été au centre de nombreuses négociations de coulisse entre les mouvements armés autonomistes et Bamako. Les hautes autorités, selon nos sources, ont même concédé une application partielle de la mesure, en acceptant l’installation d’une administration provisoire dans la seule région de Kidal. Mais, leur flexibilité n’aura sans doute pas suffi pour calmer les ardeurs de la Cma, qui continue d’exiger à ce que les esquisses du nouveau schéma institutionnel et la libre administration s’étendent sur l’ensemble des collectivités du Septentrion, de Léré à Ménaka. Faute de quoi, le pouvoir central n’aura donné aucune preuve de leur ouverture à la refondation de l’Etat tel que préconisé par l’accord, estiment certains responsables de l’entité ‘’Azawadistes’’.
Pour mieux conforter leur position sur la question, les autonomistes, jusque-là marginalisés, ont eu l’ingénieuse initiative d’associer à leur cause les mouvements naguère loyalistes et font désormais cause commune avec eux pour contraindre l’Etat à cautionner la reconnaissance d’un statut distinctif pour les régions nord du Mali.
Car, à la différence des autres entités administratives du pays, les collectivités des régions septentrionales vont devoir se singulariser par une exception de la loi de prorogation des mandats des collectivités en cas d’application des dispositions de l’accord en rapport avec l’administration provisoire.
Ce n’est pas l’unique aspect sur lequel achoppe la mise en œuvre du document issu du processus d’Alger. Au nombre des préalables sur lesquels les mouvements armés rechignent à lâcher du lest figure aussi l’ouverture des services et de l’administration publique aux ressortissants des régions Nord, une autre condition sine qua non avant tout cantonnement ou désarmement.
Puisque les réponses à tous ces points de blocage tardent à se profiler, l’application de l’accord pour la paix s’éloigne progressivement du champ de visibilité des Maliens et s’enfonce dans une nébuleuse beaucoup plus confuse qu’avant l’avènement d’un accord.