Depuis qu’il a tenu des propos sur la Voix de l’Amérique, le 22 novembre dernier, sur l’attaque terroriste de l’hôtel Radisson, l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali, se trouve brutalement au cœur d’une polémique qui se défait. On en déduit que l’Imam a fait l’apologie du terrorisme, en assimilant ces attaques terroristes à une manifestation de la colère divine qui s’abat sur la terre, encline à la perversion.
En effet, il s’en est fallu que l’Imam Dicko, après avoir condamné l’attentat terroriste survenu à l’hôtel Radisson, interpelle l’humanité face aux raisons profondes du terrorisme pour que la polémique enfle sur le Net à ce sujet, et qu’il soit ainsi accusé de faire l’apologie du terrorisme. Approché par nos soins, lundi dernier, au siège de son institution, Mahmoud Dicko s’en défend et s’explique : «Je suis un religieux. Face à un acte de ce genre, abominable, je l’interprète selon ma vision, selon ce que dit ma religion. Malheureusement, mes propos ont fait l’objet d’une mauvaise interprétation de la part de certaines personnes malintentionnées. Ce qui est sûr, c’est que j’ai parlé au nom de la religion, et m’assume et je le dis à qui veut l’entendre : le monde appartient à Dieu, et dans nos comportements, nous devons tout faire pour ne pas heurter sa colère. Il faut qu’on revienne à Dieu, à la pratique de l’islam».
Les faits
Sur les antennes de la Voix de l’Amérique, au sujet du meurtrier attentat terroriste, survenu à l’hôtel Radisson, le président du Haut conseil islamique du Mali, Mahmoud Dicko, le 22 novembre dernier, disait ceci en bamanakan : «Ces gens nous ont été envoyés par Dieu à cause de nos comportements, car tout le monde sait aujourd’hui ce qui se passe chez nous ! Il y a actuellement dans notre pays des adeptes de Loufti (Gay, Lesbiennes), des bars et ce qui s’est passé n’est qu’une infime partie de ce qui doit nous arriver ; le plus dur est à venir ! »
«Nous condamnons le terrorisme sous toutes ses formes»
Selon Mahmoud Dicko, aucune religion révélée ne permet à l’homme de donner la mort, gratuitement, même à un animal, à plus forte raison à son prochain. «Ce qui est clair, c’est que cette manière d’agir est contraire à nos traditions, à nos valeurs sociétales, aux vraies valeurs de l’islam modéré et pacifique que nous avons toujours pratiqué chez nous.
Surtout quand on constate que ces gens se donnent eux-mêmes la mort pour tuer les autres», a déploré l’Imam Dicko, pour qui, le terrorisme est contraire aux valeurs de toutes les religions monothéistes, révélées sur la terre. «Mais si on voit les gens se lever pour aller tuer et se donner la mort, cela doit nous interpeller. Pourquoi les jeunes gens font ça aujourd’hui ?» s’interroge-t-il.
Indigné par l’horreur de ces actes terroristes qui se propagent dans le monde, l’imam Dicko interpelle, à son tour, les dirigeants de ce monde sur leurs responsabilités à protéger l’humanité. Pour Mahmoud Dicko, le terrorisme qui frappe aujourd’hui le monde entier peut s’expliquer par le fait que Dieu nous a dressé contre nous-mêmes pour nous punir de nos péchés. Force est de constater, selon lui, que nous sommes face au foisonnement d’un certain nombre de comportements déviants que Dieu a condamnés dans tous les Livres révélés, notamment le Coran.
De l’avis de l’Imam qui déclare condamner le terrorisme sous toutes ses formes, le monde appartient au Créateur (Allah) et s’il y a aujourd’hui ce malheur qui s’abat sur la terre, il y a lieu de se demander si ce n’est pas le signe de sa colère après avoir constaté que l’homme a dévié du droit chemin pour s’adonner à la perversion, au vice. De ce raisonnement, fait-il remarquer, «mes propos n’ont rien à voir avec l’apologie du terrorisme, non, non, ce n’est pas le même sujet. C’est plutôt un appel à Dieu. Mais, malheureusement, et c’est le cas, quand on est prêt à accuser quelqu’un, on ne manque pas de prétexte. Face au mal sur la terre, Dieu décide librement de répondre par la sanction qui lui semble proportionnelle».
Appel à l’unité nationale
Pour faire face au terrorisme, Mahmoud Dicko en appelle à l’unité nationale. «Nous devons nous faire mutuellement confiance et ne pas nous diviser», a-t-il dit. Avant d’ajouter que rien ne justifie aujourd’hui le terrorisme. «En tout cas, il n’a pas sa justification dans la religion musulmane», a-t-il expliqué.
Pour venir à bout de ce fléau, il importe, selon l’Imam, que chaque Malien se considère comme une sentinelle de la sécurité. Aussi, faut-il qu’il y ait une coordination et une confiance entre les forces de sécurité et les populations. «Il faut vraiment mettre fin à la suspicion et créer un climat de confiance entre autorités et populations pour faire face à cette menace», a-t-il martelé. «Par ailleurs, les gens se tuent aujourd’hui à travers le monde, pour plusieurs raisons, qui méritent qu’on s’y interroge. Ce qui veut dire qu’il y a un malaise à l’échelle du monde qui est lié à la gouvernance. Et ce malaise, il faut avoir le courage de le diagnostiquer», a raisonné l’Imam, qui en veut pour exemple le cas de Mohamed Bouazizi en Tunisie, en 2010, qui, selon lui, n’était pas fait au nom de la religion.
Autre scène dramatique : ces milliers de victimes de l’immigration clandestine. «Ce drame planétaire est également interrogateur. Pourquoi cette folie meurtrière continue à gagner le monde ? En tant que religieux, si je m’interroge sur les conséquences de ces tragédies, on ne peut pas aller transformer mes propos pour leur donner un autre sens», regrette-t-il.
Forte interpellation.
Avant de continuer en disant : «En tant que religieux, je me suis demandé qu’est-ce qui pousse les jeunes à se comporter de cette manière, avoir le courage de dénoncer ce qui, à notre avis, est à l’origine de ce malheur, qui n’est pas propre qu’au Mali, ne peut être interprété aussi abusivement, comme on le voit», dit-il. Pour l’Imam, tous ces drames, à travers le monde, «ce n’est ni plus, ni moins que les conséquences d’un mauvais système de gouvernance mondiale», se défend-il, pour qui d’ailleurs, «rien ne peut justifier le terrorisme qui est un acte condamnable». C’est bien pourquoi, affirme-t-il, le Haut conseil islamique du Mali, dans un communiqué, en date du 21 novembre 2015, a condamné sans réserve, et avec la dernière rigueur, l’attaque du Radisson qui ne saurait se justifier.
Abdoulaye OUATTARA
Source: Info Matin