Vendredi noir à Bamako. La capitale malienne a été durement touchée par un attentat terroriste, le 20 novembre 2015, qui s’est soldée par une prise d’otages qui a fait 21 morts et de nombreux blessés.
En effet, ces événements douloureux interviennent à une semaine des attentats de Paris ayant fait 130 morts. Ironie du sort, les résultats actuels de l’enquête révèlent que ce sont des anglophones qui sont impliqués dans ces attentats. Cette situation, qui survient après les attaques perpétrées par des gens issus de l’immigration, comme celles d’expatriés anglophones au Mali, apporte de l’eau au moulin des xénophobes. En tout cas, cette réalité de la radicalisation de nombreux expatriés d’origine anglophone au Mali, donne du grain à moudre à des entités. Le lynchage de deux nigérians, le dimanche dernier, alors que les enquêtes se poursuivent, en dit long sur l’état d’esprit de bien des maliens et des maliennes aujourd’hui.
L’immigration n’est pas forcément un mal
Le sentiment de peur qui anime les maliens aujourd’hui, est tout à fait humain et compréhensible. Il est difficile pour un pays d’accepter que des étrangers à qui il a donné gîte et couvert, se révèlent être ses pires ennemis. Il est douloureux pour le Mali d’être ainsi payé en monnaie de singe. Ce sentiment-là, il faut en convenir, est justifié. Seulement, il faut travailler à éviter les amalgames. Tous les étrangers, tous ceux qui sont des expatriés anglophones ne sont pas des terroristes de Boko-Haram. Mieux, au nombre des victimes de la barbarie de dimanche dernier, on compte bien des étrangers dont un ghanéen. Cela prouve si besoin en était encore, qu’il ne faut pas se tromper d’adversaire. L’humanité en général, le monde libre en particulier, ont un ennemi commun : les ténors de l’obscurantisme. Ces gens-là, quelle que soit leur nationalité, doivent être combattus par tous ceux qui rêvent d’un monde plus humain. Du reste, ce genre de malheurs est quelque part le prix à payer pour toute société qui s’ouvre au monde, pour tout pays comme le Mali qui fait de la liberté, de la fraternité et du respect des droits de l’homme, une de ses pierres angulaires. On l’a vu avec les États-Unis d’Amérique frappés en plein cœur le 11 septembre 2001 par des extrémistes qui ont séjourné sur le territoire de l’Oncle Sam. Quand on s’ouvre au monde, on s’expose, certes. Mais ce qu’on gagne en s’ouvrant est plus important que ce qu’on perd. On s’enrichit au contact et avec l’apport de l’autre. Comme le démontre l’histoire des terres d’immigration devenues prospères comme les États-Unis d’Amérique et le Canada, l’immigration n’est pas forcément un mal. Loin s’en faut.
La tentation est grande, mais il convient, pour le Mali, et par delà, les maliens, de travailler à éviter l’enfermement, le repli sur soi. D’ailleurs, toute attitude qui consisterait à dresser les citoyens de ce pays les uns contre les autres, toute stratégie visant à se calfeutrer, rendrait service aux terroristes. Ces barbares qui ont en horreur la liberté, le vivre-ensemble, seraient aux anges si le Mali plongeait dans les affres des confrontations entre populations. En d’autres termes, les terroristes se féliciteraient bien de ce que les maliens se déshumanisent davantage. Cela leur offrirait plus de terreau fertile pour leurs recrutements de combattants et les encouragerait à persévérer dans leur sale besogne.
Un conflit d’intérêt Occidentale nourrissant le terrorisme en Afrique
Au-delà de la condamnation unanime de la barbarie terroriste, un diagnostic de vérité s’impose sur la prise d’otage à l’Hôtel Radisson Blu de Bamako. Il serait heureux que le Mali s’attaque sans délai, à tout ce qui peut donner des alibis aux illuminés, à tout ce qui peut servir de fumure pour fertiliser le sol du terrorisme.
En cela, toutes les injustices dont les africains se rendent auteurs ou complices à travers le monde, doivent être corrigées. Cela aura pour avantage d’assainir la gouvernance, de réduire, à défaut d’anéantir, les foyers de tension et partant, d’ouvrir de véritables perspectives pour les pays jusque-là exploités. Une telle situation sera de nature à maintenir chez elles, les populations qui cherchent aujourd’hui à migrer par tous les moyens. En même temps, l’Occident devrait revoir sa politique au Proche-Orient. Les grandes puissances occidentales devraient avoir le courage de faire droit au rêve du peuple palestinien d’avoir son État à lui, tout en travaillant à ce qu’Israéliens et Palestiniens puissent s’accepter mutuellement et vivre en paix. Car, faut-il le rappeler, nous sommes face à une guerre de valeurs, un conflit de civilisation larvé qui se nourrit des injustices, notamment au Proche-Orient.
En effet, la question du droit des Palestiniens à disposer d’eux-mêmes, sur un territoire qui leur est propre, sert d’alibi à bien des illuminés qui tuent des innocents un peu partout en Afrique pour, disent-ils, se venger du soutien inconditionnel de l’Occident à l’État hébreu. Aux Occidentaux d’œuvrer à priver les barbares de cet alibi.
Pour ce qui est des risques d’embrasement de la société malienne et de l’instinct de repli sur soi-même, il est déjà heureux de constater que certains responsables politiques maliens refusent de se laisser embarquer dans les amalgames. Cette retenue peut être salutaire à la société malienne. Il faut par ailleurs se féliciter que les enquêtes avancent. Elles permettront certainement d’en savoir plus sur les auteurs de ces effroyables attaques, leurs parcours et bien entendu les failles dont ils ont pu profiter dans le système sécuritaire. Des informations qui pourraient aider à mieux anticiper sur l’avenir.
Arouna Traoré