La 20e session de l’Espace d’interpellation démocratique (EID) du Médiateur de la République, s’est tenue hier 10 décembre 2014 au Centre international de Bamako. Elle était présidée par le Premier ministre Modibo Keïta, en présence de plusieurs ministres et du médiateur de la République, Baba Akhib Haïdara. A l’ouverture de la session, les débats furent dominés par la non-application de plusieurs recommandations des précédentes sessions de l’EID. En effet, selon les constats, les mêmes problèmes débattus lors des sessions passées reviennent encore sur la table du médiateur par faute d’application des résultats des éditions antérieures. Les associations de défense des droits de l’homme (l’AMDH, la CNDH…) se sont indignées de cet état de fait. Me Moctar Mariko, le président de l’Association Malienne des Droits de l’Homme, a regretté le déficit de volonté politique quant à la mise en œuvre des recommandations de l’EID dont l’application doit permettre de répondre aux préoccupations légitimes des citoyens. « L’EID devient budgétivore et un espace de promesses jamais tenues », selon le président de l’AMDH.
Au Mali, depuis 20 ans, en marge de la célébration de la journée internationale des droits de l’homme, l’EID, un cadre de dialogue et d’échanges entre gouvernants et gouvernés, est organisé par le médiateur de la République. L’EID est un espace où le citoyen peut interpeller le gouvernement dès lors qu’il estime que ses libertés et droits n’ont pas été respectés.
Pour cette 20e session de l’EID, les services du Médiateur de la République ont enregistré 206 demandes d’interpellation contre 284 pour la 19e session en 2014, 177 pour la 18e session en 2013 et 110 pour la 17e session en 2012. Selon le médiateur de la République, un peu moins de 40% de ces demandes d’interpellation émanent du district de Bamako et un peu plus de 60% des régions. « Si ces chiffres montrent que les Maliens de l’intérieur, vivant dans les régions, ont de plus en plus recours à l’EID, il faut, aussi, déplorer la très faible participation des Maliens résidant à l’extérieur du pays. », a déclaré Baba Baba Akhib Haïdara.
Plusieurs discours ont émaillé l’ouverture de cette 20e session. Une occasion pour les intervenants de s’interroger sur l’application des recommandations des sessions passées. Dans son intervention, après avoir évoqué les préoccupations des Maliens qui ont pour nom : l’inexécution des décisions de justice, la multiplication des attaques sporadiques tant au Nord qu’au Sud du pays, l’épineuse question du foncier…, Me Moctar Mariko a regretté le déficit de volonté politique quant à la mise en œuvre des recommandations de l’EID dont l’application doit permettre de répondre aux préoccupations légitimes des citoyens. « Combien de recommandations ou d’interpellations fondées ont donné lieu à une suite favorable ?
Ou en sommes-nous avec le dossier des habitants de Sotuba contre la SODEMA, dossier retenu cette année pour suite à donner ? », s’est interrogé le président de l’AMDH. Avant d’ajouter que la crédibilité, donc la survie de l’EID est plus que jamais menacé car, selon lui, l’EID devient budgétivore et un espace de promesses jamais tenues. La représentante de la Commission nationale des droits de l'Homme, abondera dans le même sens.
Selon elle, l’initiative de l’EID est une originalité de la démocratie malienne qui s’est voulue ancrée dans un héritage réputé respectueux des droits fondamentaux de l’être humain. Mais, a-t-elle insisté, si nous ne prenons garde cette belle initiative risque de perdre tout son sens malgré la bonne foi et les moyens mis dans son organisation pour la simple raison que les recommandations adressées aux autorités et les promesses d’actions de ces dernières peinent à être réalisées.
« Les citoyens s’interrogent sur la pertinence de la tenue de cette tribune si les différentes recommandations ne sont pas mises en œuvre », a-t-elle dit. Dans ses recommandations, le jury de l’EID, présidé par l'honorable Badjan Ag Hamatou, reconnait qu’il y a des manquements dans l’application des résultats de ses travaux. Le jury s’est dit désolé de devoir à nouveau répéter plusieurs recommandations formulées lors des années précédentes, car c’est des problèmes qui sont revenus cette année. Il souhaite que les interpellations concernant les dommages subis en 2012 dans le Nord du Mali soient prise en compte dans les meilleurs délais et la mise en place des foras régionaux préparatoire à l’EID.
Le jury a réitéré sa demande d’une large campagne de moralisation sur le strict respect de l’état de droit. Elle a, aussi, recommandé une campagne de responsabilisation des élus, des agents et des autorités locales afin de les rappeler au sens de l’Etat et du service public. Sur l’épineux dossier du foncier, le jury déplore les actes de corruption, de népotisme et d’abus de pouvoir des agents de l’Etat et recommande au ministère des domaines de l’Etat de renforcer ses actions à la régularisation du foncier. Il a, aussi, réitéré sa demande afin que soit voté au plus vite la loi créant la commission nationale des droits de l’homme du Mali dans le respect strict des principes de Paris….
Madiassa Kaba Diakité