La dernière sortie médiatique de la plus haute autorité islamique du Mali, l’imam Mahmoud Dicko, intervenant sur l’horreur du 20 novembre et qui tentait de justifier la funeste entreprise par une « colère divine », a suscité de très vives réactions, principalement, celle du procureur général Daniel Amagouin Tessougué. Ce dernier accuse, sans passer par quatre chemins, le chef religieux, de faire les éloges du terrorisme. Une prise de position à son tour qui créera une autre vague d’indignations, particulièrement au sein de la communauté musulmane du Mali.
En effet, l’imam Dicko, sans le « caresser dans le sens du poil », pourrait lui aussi reprocher au procureur Tessougué de n’avoir point songé à démissionner de ses fonctions lorsque des terroristes furent libérés sous ses yeux par le gouvernement avec la main bien visible de la France, malgré l’immense frustration que cela a créée chez les Maliens.
L’imam aurait bien le droit de douter de ses « convictions juridiques », surtout vu les incessants tapages médiatiques d’un procureur tonitruant qui, pour la plupart du temps, ne produisent rien de concret en termes de retombées judiciaires. L’on serait plutôt mieux enchanté, voire beaucoup plus reconnaissant si, par exemple, Daniel A. Tessougué, loin de toutes déclarations populistes et fanfaronnes, avait réussi à s’attaquer, corps et âme, à tous ces scandales honteux qui ont nettement impliqué IBK et son régime depuis l’investiture d’un président qui avait fermement promis à son peuple d’assainir la justice.
Les empiètements judiciaires les plus flagrants et de la plus haute indignation ont été bel et bien vus au Mali sous l’ère Ibrahim Boubacar Kéita. Par conséquent, quelles ont véritablement été les actions du procureur visant à tordre le cou à un système judiciaire aussi mafieux que farfelu, incontestablement entretenu par IBK et sa famille politique ?
Et même avant l’installation de l’actuel régime, quel acte patriotique réel, Daniel Tessougué a eu le courage de poser dans l’unique souci de prévenir au mieux, les dérives suicidaires du régime laxiste et ploutocrate de l’ex-président ATT ? En substance, quelle est la proportionnalité entre les actions judiciaires franchement entreprises par le procureur général et les nombreuses violations de la Constitution malienne, faites bien en sa présence, par le pouvoir exécutif, au mépris du peuple ?
Nul doute que la réponse est bien connue de tous ː nous n’avons qu’un magistrat bavard qui ne cherche qu’à être vu plutôt que de faire son travail dans les règles de l’art.
Quid de l’imam Dicko ?
Mahmoud Dicko gagnerait à mieux exploiter l’influence de la plus haute représentation religieuse au Mali dont il est le premier responsable et parvenir à faire le maximum de pression sur les autorités de l’Etat contre les abus de pouvoir et malversations, au bénéfice d’une meilleure justice sociale ; s’il s’engageait dans un combat sans merci contre tous ces centres d’enseignement islamique littéralement transformés en de véritables entreprises d’exploitation d’enfants, livrés de force, à la mendicité et aux pires formes d’insécurité sociale, au nom d’un Dieu qui n’ait absolument jamais demandé à personne de faire souffrir son prochain.
S’il réussissait à élaborer une meilleure stratégie de lutte, en synergie avec les autres associations musulmanes, contre la prolifération effrénée de vrais-faux prédicateurs et autres charlatans sans scrupule, s’employant librement à arnaquer de pauvres gens. Et ce, en se servant, d’une des manières les plus impudiques, du nom de Dieu et le Saint Coran.
Par ailleurs, plutôt que de rester formellement cramponnées à des problèmes de mœurs qui ne sont essentiellement imputables qu’à la désagrégation de notre système éducatif ainsi qu’à la pauvreté généralisée, les associations musulmanes, à l’instar de l’extraordinaire mobilisation dont elles ont su faire montre lors du vaste mouvement de protestation contre le vote parlementaire du Code de famille et des personnes en 2010 (mouvement à l’issue duquel, elles sont sans faille parvenues à faire plier l’Exécutif), joueraient un rôle social plus bienveillant et réussiraient un pari majeur, si elles s’étaient aussi organisées pour apporter une meilleure riposte aux problématiques de l’éducation et l’emploi des jeunes. Le mal ne se soignant réellement que par les racines, l’on est fondé de dire, sans risque
de se tromper, que l’ignorance, la pauvreté et le chômage resteront, des terreaux fertiles de l’endoctrinement terroriste, aussi longtemps qu’aucune action collective sincère n’aura été entreprise par l’Etat, en étroite symbiose avec les organes de la société civile, et adossée, en particulier, à un engagement sans équivoque des leaders religieux. Car, d’un point de vue statistique, l’on peut noter avec certitude, que la plupart des zones où prospère, de façon vertigineuse, le phénomène du terrorisme, sont en même temps, celles qui connaissent les taux les plus élevés en termes de pauvreté et d’analphabétisme.
Le cas de l’Etat fédéral du Nigéria avec la tristement célèbre secte « Boko Haram », en est un franc témoignage. En définitive, une lutte sincère et responsable des groupes religieux du Mali contre l’extrémisme et ses implications terroristes, ne passera forcément que par une lutte acharnée contre les tares de l’ignorance et la misère au sein des populations.
Voilà, fondamentalement et objectivement, ce qui devrait être le sens du combat de nos responsables religieux, notamment, la première personnalité de la plus haute instance religieuse de notre pays, le professeur-imam Mahmoud Dicko. Car, selon un dogme essentiel de la théologie ː « l’œuvre de celui qui se bat énergiquement pour le bien-être d’une collectivité, est beaucoup mieux prise en compte par Dieu, que celle d’un simple adorateur ». Et voilà, en vérité, ce dont peinent encore à comprendre, l’écrasante majorité de nos croyants, les Chefs religieux, particulièrement.
Comme on le voit, entre Daniel Amagoin Tessougué, procureur général près la Cour d’appel de Bamako et l’imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali, nul n’a strictement de leçon à recevoir de l’autre. Car, si l’un semble plus populiste que légaliste, l’autre semble avoir perdu de vue, le principe cardinal de la laïcité tel que clairement stipulé par la Loi fondamentale, tout en ignorant les vraies racines de l’extrémisme religieux.
En conséquence, les deux personnalités, au regard des différentes institutions qu’elles incarnent, semblent manifestement se tromper de cible.
Dougoufana Kéita