«Nous ne sommes pas une agence de transmission d’images… Arrêtons l’autosatisfaction. Personne n’est fier ici… Le programme bas de gamme de l’Ortm ne peut pas être compétitif… ». Les travailleurs de Bozola n’ont décidemment pas été tendre avec leur ministre de tutelle le 02 Décembre dernier.
Lors d’une rencontre avec le ministre Choguel Kokala Maiga à la date indiquée, les membres du comité syndical de l’office de radiodiffusion télévision du Mali ne sont, en effet, pas allés mains mortes. Ils ont craché sur le visage du ministre et du DG de l’ORTM. Les échanges ont porté sur les conditions de vie et de travail et l’avenir de l’office qui tend vers un changement de statut.
Ce changement d’EPA en EPIC n’arrange pas le personnel qui exprime son ras-le bol et envisage une cessation de travail à partir du 22 Décembre prochain. Ils déplorent n’avoir été associés à aucun moment au projet. Et ce n’est pas seulement le statut de la boîte qui les effarouche. Il y a plus grave et les travailleurs n’ont pas manqué de tout déballer en présence du Ministre et du DG. Ils sont câbleurs, monteurs, chauffeurs, journalistes, animateurs, techniciens, cadreurs… Morceaux choisis.
Les intervenants s’adressent directement au DG et Ministre de l’Economie numérique, de l’Information et de la Communication, porte-parole du gouvernement, Dr. Choguel Kokalla Maïga, tous deux présent dans la salle.
« Vous venez de féliciter des journalistes qui ont eu l’initiative pendant l’état d’urgence de faire une animation qui sied à la situation. Quand on responsabilise les gens, voilà le résultat qu’on obtient. Aujourd’hui, l’Ortm est géré au téléphone entre le ministre et le directeur général. Cela est inacceptable. Nous ne pouvons pas continuer dans ce sens. Il faut que l’on sache que nous sommes des journalistes, nous avons étudié pour exercer ce métier. Nous avons la technicité et la compétence intellectuelle pour faire ce travail correctement, pour servir l’Etat…»
«Le DG (Ballyq) ne peut pas prendre d’initiative sans se référer au ministre. Ce qui freine la bonne marche de la boîte. Aujourd’hui, nous sommes dans le pluralisme médiatique. Nous avons les réseaux sociaux qui nous envahissent. Quand l’information de l’Etat arrive, ça a déjà été dispatché à travers le monde. Le communiqué du gouvernement qui arrive, ceux qui en ont besoin, l’ont déjà su, pendant que nous nous sommes là…».
«Nous ne sommes pas une agence de transmission d’images. Nous sommes une télévision. Une télévision se doit d’informer la population. Nous avons fait quelques flashs pendant que des pays qui sont à 6000Km d’ici ont fait du direct. Si le directeur général de l’Ortm avait l’assurance qu’il pouvait prendre des initiatives, on aurait fait des émissions spéciales ici, pour parler et traiter l’information de manière professionnelle. Cela n’a pas été le cas. Il n’y a pas un seul journaliste ici dans la salle qui soit fier du traitement que nous avons fait de l’attentat. Arrêtons l’autosatisfaction. Personne n’est fier…».
«Qu’on nous laisse la liberté de faire ce travail. Vous avez toujours les moyens de sanctions. Si le travail n’est pas bien fait, faites recours aux sanctions. Mais qu’on laisse la liberté aux gens de faire ce qu’ils ont envie de faire, ce pour quoi ils sont allés à l’école, ce pour quoi ils se sont engagés à l’Ortm».
«Nous sommes pétris de compétences. Nous avons soif de transmettre nos savoirs, nos compétences. Mais nous en sommes empêchés. Aujourd’hui, ceux qui font le reportage, ce sont ceux qui sont corvéables et malléables à souhait par le DG. Tout le reste croise les bras, parce qu’on ne peut accepter d’aller souffrir sur le terrain et que cela soit transformé, dénaturé. Vous voyez votre reportage à la télé, vous ne vous reconnaissez pas là-dans. Ça, ce n’est pas une télévision».
«Alors que notre directeur peut donner 2 millions de FCFA au ministre chaque mois ; alors que l’Etat ne nous paye pas. L’Etat nous exploite. On ne veut pas qu’on nous dépouille des maigres ressources qui nous permettent de fonctionner un peu… Cela est inadmissible, monsieur le ministre ! Si nous voulons aller à la transition numérique, qu’on nous mette sur le même pied d’égalité avec les autres, qu’on aille à armes égales vers cette concurrence-là. Elle est inévitable, nous en sommes conscients. Mais on ne peut pas créer une structure pour que celle-ci se taille la part du lion sur ce que l’Ortm génère comme fonds propre. On ne va pas se contenter des maigres ‘sous’ que l’Etat donne, qui ne viennent d’ailleurs plus. Avec quoi, nous allons produire. C’est inadmissible !»
«Le programme bas-de-gamme de l’Ortm ne peut pas être compétitif. L’Ortm ne peut pas proposer un espace publicitaire à un commerçant sachant que juste après le journal télévisé, il y a l’intégralité du discours du président de la République ou du ministre de la communication. Ce n’est pas ça, la télévision, monsieur ministre… C’est autre chose ! ».
Signalons qu’à la suite de cette rencontre, le syndicat a déposé un préavis de grève de 48 heures, initialement prévue pour les 22 et 23 Décembre prochains. L’on nous signale que les négociations sont désormais ouvertes.
Coulou