Selon le patron de la Coordination des mouvements prônant l’inclusivité et signataires de l’Accord du 15 mai (Compis 15), si la mise en œuvre de l’Accord issu du processus d’Alger accuse du retard, c’est parce qu’il y a un blocage dans la mise en place du Comité de suivi dudit accord (CSA). Aussi, Mohamed Ousmane estime-t-il que le cantonnement des ex-combattants pourrait être un échec s’il intervenait dans des conditions qui ne respectent pas le principe de l’inclusivité. Nous vous proposons l’interview qu’il nous a accordée en marge de l’assemblée générale de la Comode. C’était ce samedi 12 décembre, à la Pyramide du Souvenir.
Le Prétoire : Plusieurs acteurs du processus s’accordent à reconnaitre que la mise en œuvre de l’Accord accuse du retard. Certaines parties accusent même le gouvernement d’être de mauvaise foi. Qu’en pensez-vous à la Compis 15 ?
Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune: Effectivement, le processus accuse du retard parce qu’on n’arrive pas à mettre en place le Comité de suivi de l’Accord. On cherche à cacher que ça bloque. C’est vrai qu’il y a des choses qui avancent, mais cela ne suffit pas par rapport aux six mois qui se sont écoulés. Mais le gouvernement ne doit pas être accusé, à mon avis. Le gouvernement a certaines difficultés pour lesquelles il a besoin du soutien du peuple pour s’imposer. Souvent, on l’oblige à rester au rang de simple partie à l’Accord. On oublie que le gouvernement n’est pas une partie ordinaire au même titre que la Plateforme ou la CMA. Çà, c’est fausser les données et cela risque de mettre le Mali en difficulté. En tant qu’Etat, le gouvernement a des prérogatives. Et de ce point de vue, est l’acteur principal pour préserver la participation de l’ensemble des Maliens au processus et assurer l’inclusivité de l’Accord.
Cela fait quelques mois que vous vous battez pour siéger au Comité de suivi de l’Accord (CSA).
Où est-ce que vous en êtes avec ce combat ?
Nous ne sommes pas les seuls à nous battre, même la Plateforme et la CMA se battent aussi pour siéger. Mais le problème, c’est qu’il y a un certain nombre d’acteurs qui pensent qu’on peut facilement violer les articles 58 et 67 de l’Accord. Cela va être difficile, parce que si on le fait, c’est l’Accord qu’on remet en cause. Si on donne l’occasion au CSA de mettre en place un CSA qui soit contradictoire avec les dispositions de l’Accord, on viole ainsi les dispositions de l’Accord. Cela est important à savoir
Je crois vous avoir entendu dire dans votre exposé que vous aviez saisi l’ONU à effet, non ?
Effectivement, à la création de la Compis 15 nous avons saisi les Nations Unies. Mais les choses ont évolué entre temps. La médiation et même les autres parties qui s’opposaient sont aujourd’hui conscientes qu’il n’est pas nécessaire de créer une quatrième partie, mais qu’il faut créer toutes les conditions nécessaires pour que l’inclusivité de l’Accord soit sauvegardée. Et c’est cela que nous défendons.
Au cours d’une récente visite qu’il a effectuée récemment à Tombouctou, le patron de la Minusma, Mongi Hamdi, a exprimé son impatience face au retard accusé dans le processus du DDR. Il a même annoncé le 15 décembre 2015 pour le début du cantonnement des ex-combattants rebelles. Qu’est-ce que vous en dites ?
J’avoue que si on démarre un cantonnement avant de créer toutes les conditions qui assurent le caractère inclusif de l’Accord, on va échouer. Cela est très important. Déjà, ce n’est pas évident que les sites répondent au souci de tout le monde. Jusqu’à présent, on est en train de chercher les conditions pour que l’ensemble des acteurs qui avaient été responsables des négociations soient également acteurs dans la mise en œuvre de l’Accord, notamment au niveau du suivi. Ça n’est pas réglé et pourtant on veut aller au cantonnement. Ça va être difficile de cantonner si ces aspects ne sont pas réglés, parce que si on fait des choses sans les autres, cela veut dire que ceux-ci ne sont pas concernés. Cela veut dire aussi que même ceux-là qui donnent l’impression d’être impliqués pourraient profiter de la situation alors qu’ils ne sont pas forcément de bonne foi pour cantonner. Or, ceux qu’on tente d’exclure aujourd’hui constitue peut-être l’alternative pour réussir un vrai cantonnement.
Peut-on avoir une idée du nombre de combattants que la Compis 15 aura éventuellement à cantonner ?
Nous sommes dans les dernières minutes de regroupement des combattants. Tous les mouvements de la Compis 15 n’ont pas encore déposé leurs listes. Mais, en ce qui concerne la Coalition du peuple pour l’Azawad dont je suis le Secrétaire général, officiellement nous avons déposé une liste de 1 500 combattants et leurs armes, qui sont prêts à cantonner dès que les conditions sont réunies. Je crois que c’est le seul mouvement qui a fait ce travail et qui est en conformité avec l’Accord. Les autres mouvements de la Compis 15 le feront également, inch’Allah.
Vous disiez tantôt, au cours de l’assemblée, que la Compis 15 est courtisée par certains au même moment où d’autres la rejettent. Qui sont-ils, ceux qui vous courtisent ?
Je prends l’exemple sur mon propre mouvement, la CPA. Elle a aujourd’hui, indépendamment de tous les hommes qui sont dans la nature, à peu près 500 combattants aux côtés des forces armées maliennes et des forces internationales pour la sécurisation des personnes et de leurs biens, notamment dans la région de Tombouctou. Aujourd’hui, il n’y a pas un dispositif politique qui permet à ceux-ci de s’inscrire dans une dynamique où ils sont confortés, notamment à travers la CPA. Dans ces conditions, quelles seront les conséquences s’ils sont récupérés par d’autres forces. Si je dis que nous sommes démarchés, je fais allusion à ces combattants parce qu’il y a une situation qui fait qu’aujourd’hui, il y a de l’intox sur le terrain. Il y a des gens auxquels on fait croire que ces mouvements ne sont pas impliqués dans le processus, ils n’ont pas voix au chapitre. Il y a donc un risque qu’ils soient manipulés. L’Etat doit faire en sorte que personne ne se sente frustré, que tout le monde se sente conforté et honoré dans sa position.
Quels commentaires avez-vous par rapport à l’attentat terroriste qui a visé l’hôtel Radisson-Blu le 20 novembre dernier et le grand banditisme qui prend de l’ampleur dans notre pays ?
J’avoue que c’est un acte condamnable. Il y a eu au moins 22 personnes qui sont mortes pour rien, sans avoir commis de crime. Ce sont des situations qui ne nous font pas honneur. Si chacun de nous, depuis six mois, avaient mis du sien dans le cadre des patrouilles mixtes pour faire un travail professionnel et voir où il y a les malaises, peut-être qu’on aurait circonscrit beaucoup de ces problèmes et créé de meilleures conditions de sécurité. Cette situation est vraiment regrettable.
Ne pensez-vous pas qu’il faille aller un peu plus vite dans la mise en œuvre de l’Accord pour mieux isoler les terroristes et contrer les bandits ?
C’est ce que nous avons toujours dit. Par le passé, j’avais dit qu’au lieu de perdre le temps sur des choses qui n’en valent pas la peine, il faut aller avec ceux qui sont disposés à mettre en œuvre l’Accord. Tout le monde n’a pas la volonté d’appliquer l’Accord, mais on perd plus de temps avec ceux qui font de la diversion que ceux qui sont engagés et qui ont les moyens militaires et sécuritaires et qui sont représentatifs des populations. L’Accord doit être appliqué le plus tôt possible. C’est extrêmement important et c’est à cette condition qu’on peut éradiquer le banditisme. Ce qui se passe sur le terrain, c’est beaucoup plus du banditisme qui, à la longue, produit de la terreur. Il faut donc aller rapidement vers la mise en œuvre de l’Accord.
Réalisée par Bakary SOGODOGO
IBK AU CAMP AMADOU CHEICKOU TALL DE SEGOU
«La totale faillite de l’Etat avait rendu l’armée méconnaissable, mais aujourd’hui elle donne de nouveau envie»
Au 5ème jour de sa tournée dans la région de Ségou, le vendredi 11 décembre 2015, le Chef suprême des armées, Ibrahim Boubacar Keïta a pris un repas de corps avec les militaires au camp Amadou Cheickou Tall de Ségou. Lors de cette rencontre, il a rassuré l’armée de son engagement de la doter en équipement sophistiqué afin qu’elle mène à bien sa mission de défense nationale.
Se rapprocher des militaires, s’enquérir de leurs conditions de vie et de travail, les rassurer et les galvaniser pour relever les défis de l’heure sont, entre autres, objectifs de cette rencontre. Après avoir décerné à une vingtaine de soldats des médailles de la croix de la valeur militaire, du mérite militaire et des blessés de guerre. Le Président de la République s’est adressé aux militaires. Dans son discours, il a tenu des propos rassurants au sujet de l’’équipement et l’amélioration des conditions de vie et de travail de nos troupes.
A l’entame de ses propos, le Chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta s’est plaint de l’état de dégradation des bâtiments du camp. Mais, réconforte-t-il, cela sera du passé dans un bref délai, Incha Allah. « L’armée malienne revient de loin. Elle revient de très loin. La totale faillite de l’Etat l’avait rendue méconnaissable. Aujourd’hui, quand on voit les soldats, quand on les voit en uniforme, ils donnent de nouveau envie. Il est agréable à voir et rassure nos citoyens », déclarera le Président Keïta. Et ce n’est pas fini, poursuivra-t-il, nous ne baisserons pas les bras tant que vous, armée du Mali, ne seriez pas dans les conditions les meilleures, dignes de la mission qui est attendue de vous, dure, ardente, rigoureuse, difficile à souhait, mais souvent sans les moyens. Ces moyens, méthodiquement, laborieusement, sans jamais nous fatiguer, nous les réunirons au fur et à mesure, a indiqué IBK.
Pour lui, la zone de défense N°2 a payé le prix cher pour la défense de la patrie, dans une zone agitée, difficile.
Des hélicoptères de transport des troupes pour l’armée
Au regard des interventions multiples auxquelles la zone de défense N°2 a fait face, le Président IBK veut passer à la vitesse supérieure en terme d’équipement. Dans son intervention, il affirmera que Loi d’orientation et de programmation militaire ou pas, un hélipad n’est pas un luxe à Ségou. Un hélicoptère non plus. Car il permettrait une projection rapide des hommes sur le terrain. «C’est le commandant Supérieur des forces armées maliennes qui parle. Je veux un hélipad à Ségou. Je veux des hélicoptères de transport de troupes, de projection rapide, efficace sur le terrain, l’évacuation des blessés en cas de besoin. Ce n’est pas un luxe, c’est aujourd’hui une exigence. Et les restes qui sont en commande suivront selon les délais de fabrication et de mise à disposition.
C’est vous dire ma totale dédicace à faire en sorte que notre armée redevienne non seulement ce qu’elle fut mais meilleure encore. Quand elle était portée par des hommes comme le Général Abdoulaye Soumaré, le Colonel Sékou Traoré et autres. Cette armée dont nous étions si fiers quand on la voyait parader, jeunes lycéens nous donnait envie d’être les Sékou Traoré et autres. Cela doit revenir. Il faut que l’on cultive également l’amour de l’armée malienne au cœur des jeunes enfants maliens. Cela peut se faire à travers la connaissance de vos exploits. Car vous en connaissez tous les jours. Les jeunes viennent de recevoir les croix de la valeur militaire. D’autres ont reçu également des médailles de bravoure et de mérite. Tous des jeunes maliens prêts au sacrifice pour la nation malienne, pour la patrie. Cela doit faire école pour être su, magnifié et diffusé», recommande le Président IBK.
IBK ordonne de nouveaux recrutements.
Au regard du défi sécuritaire, le Chef Suprême des armées a exprimé son impatience pour le recrutement des jeunes qui ne demanderaient qu’à servir leur patrie avec ardeur, foi et engagement constant. «C’est pourquoi, monsieur le ministre, les recrutements doivent survenir ; ils tardent, ils tardent. Nous avons besoin d’effectif dans tous les domaines. Je viens de Bla, carrefour stratégique, quant j’ai su l’effectif qui est là-bas, c’est ridicule ! C’est ridicule! Ridicule», s’indigne le Chef de l’Etat. Partant, il a appelé les soldats à faire en sorte que chacun au niveau où il est appelé à servir cette nation là, donne le meilleur de lui-même, toute sa capacité dans tous les domaines et sache chaque jour faire le point ou que nul ne nous fasse de rapports tronqués. Que je sache à chaque instant où j’en suis. De quels outils je dispose, quels hommes je dispose dans telle ou telle zone pour des besoins pour le salut des populations. Cela doit être constant, et je serai rigoureux et là-dessus, je serai très regardant, instruira IBK
IBK veut des recrutements mais de qualité et pas comme avant.
Après avoir recommandé le recrutement des jeunes dans l’armée, il a fait savoir qu’il ne s’agit pas que de recrutements en quantité, mais en qualité. Pas comme dans un passé récent. «Donc, il faut que nous fassions des recrutements de qualité. Pas comme autrefois, je suis le neveu du Président. Point. Terminez ça. Je suis lié à telle ou telle personnalité où à tel dignitaire, terminez ça. J’ai des compétences, des capacités, je suis Malien, je veux servir le pays et je réponds aux critères que vous demandez, avez défini. Seul cela compte et doit compter. Les écoles militaires, pareille. Je suis fils d’officier supérieur, je suis fils de ministre, je suis fils de tel ou tel dignitaire du pays. NON.
Je suis en capacités intellectuelle, physique, morale de servir le Mali, OUI. Je peux aller au prytanée militaire, je peux aller à l’EMIA. Le mérite, le mérite et lui seul doit être désormais le critère fondamental, essentiel et définitif des choix. A l’homme idoine, la place idoine. Seulement là, le pays sera sauvé», précisera IBK. Si tous les fils du royaume venaient par leurs mains rassemblées boucher le trou de la jarre perchée, le royaume sera sauvé. Chacun doit venir boucher sa part de trou pour que la nation étanche, pour que ceux qui cherchent à la noyer ne réussissent point leur sale besogne, soutiendra-t-il.
Sur ce, il a magnifié les hommes de la 2e région militaire pour leur bravoure, leur dévouement sans faille.
L’augmentation de la grille indiciaire
Naturellement hostile à la médiocrité et à se contenter du peu, le Président de la République ambitionne de mettre nos troupes dans les conditions les meilleures. En bon chef militaire, il dira: «Votre chef est un chef, pas un orateur à la petite semelle, pas un verbeux». Avant d’annoncer qu’il aura un soin particulier pour l’amélioration des conditions de vie de nos forces de sécurité et de défense. Tout en reconnaissant les efforts faits sur la grille indiciaire, le Président veut faire plus.
Car il estime que l’armée et ses chefs méritent plus qu’on leur donne aujourd’hui, comme miette. Je ne le dis pas pour faire plaisir, je le dis parce que c’est mon intérêt, c’est l’intérêt de mon pays, expliquera-t-il. Nous avons le devoir de faire en sorte que nos soldats aient des logements décents, ajoute-t-il. «Mes visites, seulement dans certaines casernes sont difficiles. Quant on voit ce que la puissance coloniale avait laissé, qui n’a guère proférer depuis, auquel on a ajouté tant bien que mal (ka tougou ka bari, ka tougou ka bari) comme on le dit dans un mélimélo dangereux même pour les vies des enfants». Pour le Chef des armées, ces casernes ne sont pas dignes des hommes qui donnent leur vie pour la République du Mali.
Des conditions de vie de l’homme joue forcement sur sa morale, sa psychologie. C’est pourquoi, laisse entendre le Président IBK , son régime ne ménagera aucun effort pour redonner à l’armée son lustre d’antan. En attendant de réaliser ses ambitions, il estime que le fait simplement d’avoir donné à chacun des militaires trois uniformes a fait un effet. Je vous sens fiers désormais, je vous sens fiers de porter ces uniformes, parce que vous aimez le Mali, se réjouit-il. « Je suis de ceux qui avaient dit en un temps pas très lointain, quant il y avait le débat, faut-il rappeler à des forces extérieures, ce temps j’avais dis NON.
Si cela veut dire que l’armée malienne est incapable, si l’on veut se baser sur ce qui s’est passé par la faute des politiques, NON. Elle est compétente, qu’on lui donne les moyens. C’est pourquoi, venant aux affaires, j’ai commencé par faire ce que j’avais dis. Que je continuerais contre vents et marée, que je continuerais INCHALLA », indique IBK. Vous aurez militaires du Mali les moyens de vos missions, les conditions d’existence, de dignité, laquelle seule est conforme au sacrifice auquel vous consentez quotidiennement; dès lors quel sacrifice la nation malienne ne pourra faire à votre endroit ? conclura le Président IBK.
Oumar KONATE
Envoyé spécial à Ségou