BERLIN - Omniprésente sur la crise de l`euro, l`Allemagne se fait plus discrète sur la guerre au Mali, apportant à la France un soutien sans faille, mais purement politique, qui souligne ses limites militaires.
La chancelière Angela Merkel, souvent présentée comme la Reine de l`Europe, est silencieuse depuis le début de l`intervention française vendredi. Celle dont chaque discours sur l`économie est scruté dans le détail a laissé à ses ministres le soin de communiquer sur un conflit aux conséquences pourtant majeures sur la sécurité européenne.
Et l`Allemagne restait floue sur la nature concrète de son soutien à l`allié français, alors que les premiers avions de transport militaires britanniques convoyaient du matériel vers les zones de combat contre les groupes islamistes.
Berlin étudie un possible soutien "logistique", "médical" ou "humanitaire", a expliqué lundi le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, qui a multiplié les efforts pour dire "le soutien allemand à l`opération française".
Mais l`Allemagne donne encore l`impression de passer derrière le couple franco-britannique dès qu`il s`agit de questions militaires.
Dans la crise malienne, l`Allemagne "a fait grosso modo le maximum de ce qu`elle pouvait faire" en apportant "un très large soutien politique" à l`opération, estime Hans Stark, directeur du Comité d`étude des relations franco-allemandes (CERFA) à l`Institut français des relations internationales (IFRI).
Mais, selon lui, la relation franco-allemande reste marquée par "un double déséquilibre qui malheureusement se creuse: un déséquilibre économique au profit de l`Allemagne (...) et un déséquilibre géopolitique" au profit de la France.
une armée à bout de souffle
"L`Allemagne ne peut plus intervenir où que ce soit parce que l`armée allemande est sous-financée et à bout de souffle, ne serait-ce qu`avec l`opération en Afghanistan qui n`est pas une opération de combat. Les seuls pays européens qui ont encore la capacité de faire ce type d`interventions, c`est la Grande Bretagne et la France", affirme M. Stark.
"Dans ce conflit qui concerne l`Europe, où est Mme Merkel?", s`interroge un diplomate, sous couvert d`anonymat. "On présentait Angela Merkel superstar, la femme la plus puissante du monde et François Hollande n`était même pas dans la liste des dix personnalités les plus importantes... S`il réussit au Mali, il gagnera en crédibilité alors que l`Allemagne va montrer ses limites", souligne-t-il.
A une semaine des célébrations à Berlin des 50 ans du Traité de l`Elysée, qui a scellé l`amitié franco-allemande, Paris et Berlin affichent en tout cas leur entente sur ce dossier. "Le soutien politique (de Berlin) est très bienvenu", a déclaré à l`AFP une source diplomatique française.
Paris n`attendait pas d`appui concret immédiat. "Le Royaume-Uni, comme la France, quand il s`agit d`aligner des avions, ça se fait tout de suite. Mais l`Allemagne ne peut pas réagir vite. Même pour utiliser des (avions de transport militaire) Transall, il va falloir saisir le Bundestag", explique-t-on à Paris.
Les observateurs soulignent que la France et l`Allemagne semblent avoir tiré les leçons de leur mésentente sur l`intervention en Libye, quand Berlin s`était abstenu au conseil de sécurité de l`Onu au printemps 2011, se démarquant de Paris, mais aussi de Londres et Washington pour voter avec la Russie et la Chine.
Français et Allemands communiquent énormément sur le dossier malien, souligne-t-on des deux côtés du Rhin.
Pour franchir un cap, le député européen Daniel Cohn-Bendit propose de mettre à jour le traité de l`Elysée. Il plaide pour "un traité de défense et de sécurité qui agrégerait les politiques française et allemande afin qu`elles puissent s`exprimer ensemble".
