Bouclant sa visite à Ségou par un point de presse au pied à terre, le président IBK a répondu à certaines interrogations des Maliens, notamment celle relative à la capitale de l’Adrar des Iforas, Kidal. Faut-il aller à Kidal pendant que les groupes armés ne sont pas revenus en de meilleurs sentiments? La question se pose quand on sait que des missions du gouvernement d’IBK ont été éconduites, aussi bien sous le Premier ministre Oumar Tatam Ly, que sous Moussa Mara. Des manifestations de femmes et de jeunes sur l’aérodrome sont utilisées pour empêcher l’avion d’atterrir, si ce ne sont pas des menaces armées. Ce qui n’a pas empêché l’ex-Premier ministre Moussa Mara d’entreprendre le forcing hasardeux pour aller à Kidal, malgré les mises en gardes de plusieurs voix qui comptent. La rencontre au gouvernorat entre le Premier ministre et l’administration s’est terminée dans un bain de sang, avant que Moussa Mara ne quitte le gouvernorat puis Kidal sur la pointe des pieds, laissant derrière lui des dizaines de victimes. Comme si cela ne suffisait pas, le Premier ministre de l’époque jetait dans la bataille les Forces armées maliennes, occasionnant de nombreuses pertes civiles et militaires. Le propos d’IBK : « aucune fanfaronnade politicienne ne me fera prendre mon avion pour débarquer à Kidal et créer un incident… des tueries entre maliens », 19 mois après cette visite calamiteuse, sonne comme une déclaration de désaveu de son ancien Premier ministre Moussa Mara, qui a été remercié en janvier 2015. Doit-on vraiment croire que Moussa Mara est allé à Kidal le 17 mai 2014, et y a lancé les Fama dans la guerre (sans consultation de l’Assemblée nationale) sans la bénédiction d’IBK ?
Ceux qui veulent voir IBK se rendre à Kidal dans le contexte actuel, doivent se le tenir pour dit, car le président IBK a été très clair à Ségou, lors du point de presse qu’il a donné à la fin de sa visite dans la région : « Moi, j’aime mon pays, je souhaite que mon pays soit dans une situation de paix durable, réelle, l’accord a prévu des étapes. Ses étapes seront rigoureusement respectées et aucune fanfaronnade politicienne ne me fera prendre mon avion pour débarquer à Kidal et créer un incident. Et c’est tellement facile que toute l’armée va me protéger. Quelle gloire ? Quelle gloire ? Et amener ainsi éventuellement des tueries entre maliens. Alors que je peux attendre tranquillement les effets de l‘accord qu’on a signé nous même et qu’on attend et qui va se déployer. L’armée malienne va se déployer dans tout le Mali également, c’est convenu, c’est acté. Déjà c’est un bonheur absolu qu’une patrouille mixte Fama-Mouvements de l’Azawad et Plateforme, ait pu aller jusqu’à Bordj ».
Pourquoi le président IBK a-t-il donc laissé son Premier ministre Moussa Mara s’aventurer, sur ce terrain combien glissant ? Celui qui voulait être brave, en est sorti sur la pointe de pieds, en laissant d’autres y mourir. Le challenger d’Ibk aux élections législatives de 2007, en commune IV, s’en tire complètement grillé. IBK enfonce le clou : « … ce n’est qu’une question de temps, la gestion d’un pays n’est pas une question de bravade…Je peux, si je veux, je prends l’avion et je vais, et dire à l’armée : à vous de vous débrouiller ! Ils vont le faire, Mais à quel prix ? Et c’est une gloire pour moi ça ? »
Pour le président IBK, une telle visite relève tout simplement de l’irresponsabilité qui ne sied pas à la haute autorité : « Mon orgueil et ma vanité, je crois que je n’ai pas le droit d’être là où je suis, où vous m’avez mis là d’avoir ce genre de comportement irresponsable ».
Interrogé sur l’éventualité d’une visite à Kidal, lors de la présentation des vœux à la presse qu’il a organisée en janvier 2015, Me Mountaga Tall du CNID avait soutenu qu’il ne serait pas bienséant d’exposer les personnes qui viennent vous écouter. « Nous irons quand notre présence n’exposera pas ceux qui viennent nous écouter », avait-il dit. Cette réponse a rappelé une page noire de notre histoire récente, le 17 mai dernier, où le Premier ministre a entrainé dans un carnage, ceux qui étaient venus l’écouter.
Quand au Parti pour la renaissance nationale (PARENA), son Comité Directeur s’était réuni en session extraordinaire le dimanche 18 mai 2014 à son siège, soit le lendemain de la visite de Moussa Mara à Kidal. Le parti a constaté avec amertume que « suite à la visite du Premier ministre à Kidal, le Gouvernorat de la 8ème région est passé sous commandement de la rébellion, au moins une trentaine de nos concitoyens dont des administrateurs civils et des éléments des forces armées et de sécurité sont pris en otage ». Ces graves problèmes posent la question de l’opportunité de cette visite dont le Gouvernement doit tirer tous les enseignements et toutes les conséquences, avait suggéré le Parena. Ce n’est que 19 mois après, que le président Ibk fait connaitre ainsi, son opinion sur la question.
B. Daou