Pourquoi avons-nous eu deux revendications par rapport à la prise en otage du Radisson ? Pourquoi on ne sait toujours plus rien ? Et pourquoi on n’en parle plus ? L’attaque du Radisson a trainé en longueur parce que l’on attendait des forces étrangères ; et qui ont atterri avec des équipements spéciaux ? C’est que cette attaque était différente de toutes les autres ! Le jeu devait être à un niveau beaucoup plus élevés que d’habitude – la prise en otage d’un hôtel à Mopti par exemple.
En plus de toutes ces interrogations, des barbouses des grandes centrales d’espionnage et de contre-espionnage ont débarqué à Bamako à cette occasion. Ils ont minutieusement fouillé le Radisson de fond en comble et sont repartis une moisson dont nous ne saurons rien. C’est qu’il y avait du très gros calibre derrière cette opération qui a demandé une planification, une préparation et une logistique d’enfer. A telle enseigne que l’on se demande : combien d’entités en sont capables ? Combien en ont intérêt ? Et sont douées dans les renseignements et l’action sous-terrain ? Ils n’y en a pas une tonne et on les connait tous. En procédant par élimination, une puissance qui a une revanche à prendre, qui est acculée et qui est prête à jouer son va-tout : la Russie. A priori, elle n’a rien à avoir dans cette affaire. Seulement « à priori » est l’ennemi mortel de la recherche et de l’analyse. Dans ce domaine, il est parfois utile de procéder par le ’’raisonnement absurde’’ dont la pertinence est connue auprès de tous les chercheurs.
Et c’est ce que ce travail se propose de faire. Mais cela n’est qu’une analyse qui vise à élargir le champ de perception des uns et des autres et à les préparer au saugrenu. C’est au Mali que l’on s’écrie : « comment est-ce cela est possible ? » ou encore « hann, comment cela a-t-il pu arriver ? ». C’est parce que nous n’anticipons jamais. Et une nation qui n’anticipe pas est toujours prise au dépourvue et elle est perdante.
Du gaz d’orient à guerre Est-Ouest
Le village planétaire est sorti de la guerre froide (qui n’avait de froid que le nom) à la mono puissance américaine. L’Urss devenue Russie n’a jamais digéré sa défaite constatée par la chute du mur de Berlin. Au jour d’aujourd’hui, elle est dirigée par un leader puissant et capable. En face, l’ex Ouest est entre les mains de personnes sans leadership comme Obama, médiocre comme Hollande et une Grande Bretagne dont on ne sait plus depuis Tony Blaire le cancre politique qui la dirige. De vieux dossiers pendants depuis des décennies sous-tendent un conflit de géostratégie, d’intérêts économiques et surtout d’islam politique et guerrier (djihadisme ’’sunnite’’ dissident). C’est un vaste problème étalé dans le temps mais aussi dans l’espace où tout est lié. On peut la prendre par plusieurs bouts méthodologiquement parlant. Le biais choisi ici est celui du gaz.
En 1960, tous les pays d’Arabie et du Golf sont pauvres. Plus près de nous, la Libye était très pauvre. La hausse vertigineuse du prix du pétrole aux débuts des années 70 va tout changer. Ces pays s’enrichissent rapidement. Le lait ne gâtant pas la crème, un vaste gisement phénoménal de gaz, dans la foulée de la recherche du pétrole, va être découvert sur la frontière entre l’Iran (Perse et chiite). Le gisement représente 20 % des réserves mondiales de gaz. Les Ayatollah vont prendre l’ambassade des Usa en otage pendant plus de 50 jours. L’Iran sera sanctionné et mis sous embargo. Il ne pourra pas exploiter son gaz. Il regarde le voisin exploiter leur bien commun, s’enrichir immensément et devenir influent sur la scène internationale. Il devient un Emirat pleinement ‘’gazier’’ aux débuts des années 90. Il se fait énormément de dollars et est courtisé en Europe. On lui déroule le tapis rouge et un des signes le plus patents de l’introduction du Qatar en Europe est l’achat du Psg.
L’Iran de son coté va de sanctions en sanctions. Mais petit à petit, arrive à séduire les américains et les autres. Tentatives fructueuses d’autant plus que les pays occidentaux s’appauvrissent après une trentaine de politique calamiteuse. L’Iran arrive donc à briser l’isolement et à exploiter sa partie du gaz commun. Il se rattrapera rapidement. Pourquoi ?
Le gaz est le nerf de la guerre
L’Europe n’a pas de pétrole. Elle n’a pas de gaz. Pareil pour le Japon qui n’a même pas de terres pour cultiver. Les Usa ont du pétrole, mais des gisements limités et hautement problématiques. Son charbon est terminé. L’écologie idéologique et combattante condamne le nucléaire.
Le gaz, sans lequel l’Europe ne peut exister, se trouve où ? A la mer du nord (qu’exploitent la Norvège et la Grande Bretagne), en Russie et en Algérie. Et depuis, entre l’Iran et le Qatar : deux pays divisés par la race et l’histoire, unis par la religion et puis séparés à mort par la tendance religieuse (chiisme contre wahhabisme. Les anglais ont besoin de leur part de gaz et le Norvège en partage avec ses « frères » scandinaves ». L’Europe dépend donc du pétrole russe : problématique. L’Algérie, depuis son indépendance, compose avec la Russie son allié sûr : problématique pour l’Europe. Il ne reste plus que le Moyen-Orient pour trouver une source d’indépendance gazière : compliqué. Car il faut, pour accéder au gaz Irano-qatari, l’Europe doit construire un gazoduc (un gros tuyau pour acheminer le produit) : soit de l’Iran, soit du Qatar.
Mais en passant par où ? Le gazoduc doit traverser des tas de pays. Tous plus ou moins en conflit. Là, le problème change de nature et de dimension. Deux passages (et deux gaz) sont possibles : Qatar –Arabie –Turquie et France (en passant par les Balkans), par exemple. Problème : entre le Qatar et la Turquie se trouve l’Irak et la Syrie ! Ou encore : Iran – Irak – Syrie et Turquie. Donc, le Qatar et l’Iran ont vitalement besoin de passage, mais des problèmes de tendances religieuses (le même islam !) et d’alliance posent problème. L’Europe veut coute que coute trouver un passage pour le gazoduc et la Russie fait tout pour faire capoter les projets histoire de tenir l’Europe, de l’asphyxier et de la contrecarrer sur la scène internationale. Sans gaz, l’Europe est morte. L’hiver est déjà là et c’est avec le gaz que l’Europe se chauffe et fait la cuisine. Des millions d’européens mourront de froid et de faim si les russes arrivent à leur fin : priver le vieux continent de gaz. C’est une question de mort ou de vie. En 2007, le Qatar, chiite à 40%, a proposé à Assad un projet de gazoduc avec des intérêts colossaux à la clé. Bassar El Assad est d’accord. Pas son allié Russe qui dit : niet pour faire chanter l’Europe. Donc, en 2011, le Qatar et l’administration Obama financent les milices d’avenir pour faire tomber Assad : Al Qaeda, et Al Nousrah ; qui va vite enfanter Daech ou l’Etat islamique. Mais le chiite syrien résiste. En 2013, Obama est excédé : il intensifie la guerre. Mais Assad résiste. Alors, en 2014, il monte une alliance arabo-occidentale de 65 pays membres pour faire tomber Assad, mettre un président favorable et construire le gazoduc via la Syrie pour assurer le gaz à l’Europe. 13 mois après, Assad tient toujours et, excédé à fond, Obama augmente la pression. Daech a beau décapité, la presse, les ONG et les chefs d’Etat occidentaux ferment les yeux. Obama, en désespoir de cause a voulu faire intervenir les missiles Tomahawks sur les cotes pour bombarder de la mer. Poutine a vite installé une batterie qui aveugle les missiles américains. Les deux camps sont en ce moment comme deux boxeurs qui savent que bientôt la fatigue viendra et qu’il faut tout faire pour gagner par KO. Là, tous les coups sont permis, toutes les armes et toutes les fourberies aussi. C’est donc l’escalade dans la surenchère et les deux camps ont hâte d’en finir enfin ; car, cela fait quatre ans que cela dure et les conséquences s’aggravent de jour en jour. Sur le plan médiatique, les russes sont nettement en pole position et Poutine est une superstar aujourd’hui dans le monde ; y compris en occident.
Il est incontestable que les tueries de Paris, suivies une semaine jour pour jour, par cette prise en otage de l’Hôtel Radisson a fait nettement pencher la balance du coté russe. Et l’affluence, lors de cette attaque, de forces étrangères armées comme nous les avons vues, la venue avec elles des espions et des spécialistes du contre-espionnage occidentaux et le temps qu’elles ont mis pour prélever les indices montrent que l’affaire s’est déroulée au Mali mais dépasse de loin ce Mali là. A la question de savoir le crime a-t-il profité (celui de Paris et de Bamako confondu) ? Force est de croire que ces deux attaques ont nettement profité aux russes et à leurs alliés. Poutine tient le bon bout. L’occident est mortellement blessé et l’ours russe remue le couteau dans la blessure pour faire céder l’adversaire. Le Qatar, la Turquie, Al Nousra, Al Qaeda, Daech, etc. que la coalition Obama-Hollande soutient apparaissent désormais comme des monstres aux yeux de l’opinion mondiale (à commencer par celle occidentale) sont à ne plus fréquenter. Si l’occident accepte qu’Assad reste au pouvoir, il dira adieu au gaz qatari. Donc, d’un coté, les occidentaux sont obligés de cesser désormais leur soutien à Daech et aux autres et à leur écrasement par les Russes. Ils sont même obligés à aider les Russes à écraser Daech après Bamako et Paris. Donc à voir Bachar au pouvoir et donc à renoncer au gaz et de l’Iran et du Qatar : c’est la fin du monde tout simplement et des millions d’européens pourront mourir de froid cette fin d’hiver faute de gaz. Poutine lui sait qu’il tient l’ennemi et il continue à lui serrer la gorge pour l’achever. C’est pour cela qu’il est venu à la COP 21 pour dire que ses ennemis continus à aider Daech : cette idée que le monde n’accepte plus. Poutine continue à appuyer là où ça fait mal et où ça tue. Il est évident que ce sont les dernières tueries qui ont provoqué cette situation qui lui est favorable. Alors question : est ce que ce ne seront pas les services secrets russes qui ont fait ces coups pour les coller sur le dos des djihadistes de Daech et par ricochet sur le dos des occidentaux ?
Amadou TALL