Mardi 15 décembre 2015, le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, Me Mohamed Ali Bathily, a sacrifié à une tradition qui oblige un ministre à venir s’expliquer sur des sujets d’actualité devant l’Assemblée nationale si cette dernière en exprime le besoin. En réponse aux questions des députés sur la problématique du foncier au Mali, Me Bathily s’est tout simplement alarmé d’un État qui se délite.
Actualité oblige ! La journée du mardi a été mouvementée à l’Assemblé nationale, où la problé- matique du foncier au Mali a été l’objet de vifs débats entre le ministre en charge des Affaires foncières et les élus de la nation. Le ton fut donné par l’honorable Moussa Coulibaly du groupe APM (Alliance pour le Mali) qui demanda une mise au point sur des sujets, tels que l’expropriation des citoyens sans indemnisation préalable, le dossier de la place du cinquantenaire et les incitations des citoyens à la désobéissance civile de la part du Ministre. A cela s’ajoutent l’annulation des titres fonciers mal acquis, les mesures suspensives prises par le ministère en charge des Domaines (la suspension des géomètres et des maires), la démolition de Souleymanebougou, la problématique de la mise en œuvre du cadastre, etc. Dans ses réponses, le ministre des Domaines a d’abord mis l’accent sur la nécessité de la création d’un cadastre digne de ce nom. Ensuite, il dira que la problématique du foncier au Mali se résume au non-respect des textes en la matière. Le ministre note également le traitement des dossiers par une certaine justice sélective. Le Ministre Bathily s’est alarmé d’un État qui se délite en exprimant son souci pour une meilleure application de la loi. «Aucun pays ne survivrait en tournant le dos à sa loi. On veut défendre des squats et non le droit. Je veux que mon pays soit un État de droit et non un État où on s’amuse à falsifier l’application de la loi», s’est-t-il indigné. En outre, il dira que l’État ne peut pas être indiffé- rent face à certains manquements à la loi, surtout lorsque celle-ci s’attache à la propriété privée et au respect de l’ordre public. Le triste constat, selon lui, est que tous les agents de l’Etat ayant pris sur eux de pervertir l’application de la loi ont été l’objet d’une plainte bien avant que son dé- partement entreprenne les annulations. Force est de reconnaitre, selon lui, qu’aucune de ces plaintes n’a été instruite, y compris au niveau de la police judiciaire. Il se pose la question de savoir pourquoi bloquer aujourd’hui encore ces dossiers avec toutes les preuves. «Certaines de ces plaintes datent de janvier, elles n’ont pas bougé de la police, excusez-moi, c’est un disfonctionnement, une fracture grave de l’Etat. On le dit parce qu’il faut être responsable», déplore le Ministre. Faisant le point sur l’annulation des titres fonciers mal acquis et la suspension des géomè- tres et des maires, il a fait savoir que c’est une mesure pour assainir le secteur foncier qui, selon lui, est une bombe à retardement. Pour arrêter l’hémorragie et maîtriser le terrain, le Ministre dira que des mesures suspensives ont été prises par sont département. Selon lui, il fallait un moyen d’arrêter une fré- nésie de spéculation foncière qui était née, sans compter les places publiques qui étaient vandalisées. Pour la place du cinquantenaire, le Ministre Bathily a souligné qu’il a été saisi par la Commission d’organisation du sommet Afrique-France de 2016 qui avait été aussi approchée par une société pour construire un hôtel sur la parcelle. Il affirme cependant avoir instruit le dossier au niveau du gouvernement, ajoutant que la place du cinquantenaire, en tant utilité publique, ne pouvait être cédée par un décret présidentiel. Des révélations de Bathily sur l’affaire Souleymanebougou Le temps a semblé trop court pour le Ministre, lorsqu’ils ont dû débattre la question de la dé- molition des maisons à Souleymanebougou et d’autres à Kalabambougou. Sur ce chapitre, le Ministre Bathily a fait des révélations sur le dossier relatif à la dé- molition de Souleymanebougou. «Souleymanebougou, quand j’y pense, c’est avec un sourire. Parce que, tout simplement, on a fait fi de la solidarité gouvernementale pour désigner une personne qui doit assumer. La police et la gendarmerie qui étaient sur place n’étaient pas sous ma responsabilité. Les bulldozers qui ont cassé n’étaient pas des Domaines. Je ne dirais pas qui a donné l’ordre, mais je dis que c’est la solidarité gouvernementale. Une réunion s’est tenue au cours de laquelle le mot démolition n’est pas venu de moi. Mais j’assume ce que je fais et la part que j’ai prise dans la mise en œuvre d’une décision gouvernementale», a-t-il révélé. Le Ministre Bathily a, en outre, donné des précisions sur l’arrestation du clerc d’huissier ayant procédé à la démolition des maisons de Kalabambougou, quand il était à l’époque ministre de la Justice. Selon lui, l’affaire Kalabambougou est une décision de la Cour d’appel qui a ordonné de casser deux maisons bien identifiées. Mais malgré cette décision, l’huissier a été dé- molir 309 maisons au lieu. Son arrestation, ditil, était pour des raisons liées à sa propre sécurité, en ce sens qu’il encourait la colère d’une foule prête à le châtier. En réponse à la question de savoir pourquoi avoir dénoncé la démolition de Kalabambougou et ordonné celle de Souleymanebougou pendant l’hivernage, le Ministre Bathily a été on ne peut être clair : «C’est là ou les mots ont leurs sens en droit. Il ne faut pas faire d’amalgame entre l’expulsion et la démolition. A Kalabambougou, j’ai bien dit qu’on ne peut pas parler d’expulsion pendant l’hivernage. On est encore en hivernage et si j’aurais l’occasion de démolir je le ferrais. La démolition s’adresse aux murs que la loi ne protège pas. Et l’expulsion concerne la vie humaine et la loi doit la protéger. C’est cela la nuance», explique Bathily. Après un bon moment passé à répondre aux questions des députés, le ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, Me Mohamed Ali Bathily, at-il réussi à convaincre les députés sur la problématique du foncier au Mali ? C’est fort probable, même si certains élus ne lui ont pas fait de cadeau au cours de cette interpellation.
Ibrahim M.GUEYE