Au lendemain de la chute de Konna, appelée ligne de démarcation vendredi 11 janvier, la gare routière de la compagnie SONEF de Bamako a été saccagée par la jeuneuse de la commune VI. Les raisons sont toutes simples : la compagnie serait en connivence avec les rebelles et serait à la base de la chute de Konna entre les mains des jihadistes.
Après de violents affrontements le mercredi 09 janvier entre l’armée malienne et les Djihadistes qui tentent d’étendre leur domination vers le sud, dans la ville de Konna, ligne de démarcation, les jihadistes ont remporté la bataille le lendemain, jeudi 10 janvier.
Par la suite, l’armée malienne impuissante face aux gros moyens (humains et logistiques) déployés sur le terrain par les rebelles, s’est repliée vers sevaré. Ville stratégique que les rebelles visaient à cause de la capacité de son aéroport à recevoir les gros avions. Dans cette localité, la panique était à son comble. Mais la frayeur n’a été que de courte durée. Avec l’intervention en urgence des troupes françaises et celles d’autres pays africains, le Sénégal et le Nigéria.
Mais, quelles sont les raisons de cette perte si facile de Konna des mains de l’armée malienne ? Les gens ne cessaient de se poser la question. Le même soir du jeudi, des rumeurs faisaient croire que les rebelles sont entrés dans la ville de Konna à bord des cars sous l’identité de simples passagers. Selon des informations les cars seraient ceux de la compagnie SONEF. Info ou intox ? En tout cas avant vérification de la rumeur, la jeunesse de la commune VI a montré sa colère par la destruction de la gare routière de la compagnie sise au quartier Sogoninko.
Vendredi après la mosquée, ils étaient très nombreux à prendre d’assaut la gare. Au moment de notre arrivée sur le terrain, un nombre considérable des forces de l’ordre était sur place : gendarmerie nationale, la police du 15ème Arrondissement, la garde nationale, la Brigade Spéciale d’Investigation. Le constat sur place était amer et les dégâts inestimables. Stations et bureaux saccagés, matériels (téléviseurs, ordinateurs et autres) emportés, documents déchirés et éparpillés dans la cour. Malgré la présence massive des forces de l’ordre (jet de gaz lacrymogène), la jeunesse résistait avec comme moyen de défense, des cailloux qu’elle jetait sur les toits de la station et des bureaux et magasins de la gare.
On entendait un seul mot. « Depuis longtemps, cette compagnie est soupçonnée d’être de mèche avec les rebelles. Cette fois-ci, nous allons en finir une bonne fois pour toute. »
Dans la cour, nous avons trouvé le responsable des lieux, Oumar Touré et son neveu Fodé Keïta accompagnés de quelques uns de leurs proches.
Nous nous sommes approchés de M. Touré, mais il n’a pas voulu se mettre à notre disposition. Remuant la tête, le téléphone collé à l’oreille, il nous dit : « adresser vous à mon neveu. »
M. Keïta lui aussi n’a pas voulu trop commenter : « je suis venu trouver que les manifestants ont tout cassé. Ils disaient que les Maures (propriétaires de la compagnie SONEF) sont en complicité avec les rebelles. »
Pour ce qui est du cas des armes découvertes dans les locaux, il dit ne pas être au courant de cela. Il nous a confié aussi que rien de ce qui est dans la cour n’appartient à la compagnie, tout est en location. « Nous avons loués tout ce qui se trouve dans la cour, stations bureaux et magasins. Rien n’appartient aux propriétaires de la compagnie SONEF. »
Dans la cour, deux jeunes aussi étaient là. Un passager, et un travailleur de la compagnie Ghana Transport, Kassim Sangaré.
Le passager à qui nous nous sommes adressé a préféré garder l’anonymat. Il nous dira que les évènements ont commencé quant il était aux toilettes et il ne peut nous en dire beaucoup : « je suis venu prendre le billet pour Diéma où je comptais me rendre. Quand je suis arrivé, j’étais surpris de voir la gare vide. Pas de cars et le personnel aussi de la compagnie était presque absent. Mais je suis resté qu’à même. Et c’est après la mosquée que les manifestants ont tout saccagé. »
Quant au second, Kassim Sangaré dira que l’information est parvenue de Konna que les propriétaires de SONEF sont en connivence avec les rebelles : « hier soir, jeudi 09 janvier, un nombre important de jeunes était devant la gare de la compagnie dans l’intention d’y faire irruption. Ils racontaient aux gens que l’information est parvenue de Konna que les rebelles sont entrés dans la ville à bord des cars SONEF. Ce qui explique leur complicité (propriétaires SONEF) avec les rebelles. Ils n’ont pas pu. Mais le lendemain, vendredi dans l’après midi, ils sont passés à l’acte. »
Le samedi matin à notre passage, les hommes en uniformes y étaient toujours.
Aucun personnel de la compagnie n’a été blessé. Tout le monde avait déserté la gare avant l’arrivée des manifestants. Pour ce qui est du cas des cars, pas de dommage. Ils étaient tous garés dans une grande cour de la compagnie sise à 300 mètres de la gare. Nous nous sommes rendus là-bas. La cour était fermée et les forces de l’ordre n’ont pas accepté qu’on ait accès.
A titre de rappel, le Président Directeur Général de la compagnie SONEF, un Nigérien, est depuis belles lurettes soupçonné être de mèche avec les rebelles qui opèrent dans le nord du Mali. Et ce qui a concrétisé le doute sera la découverte des armes dans un de ses cars qui font le trajet Bamako Mauritanie via le nord ; l’arrestation du Franco-Tunisien, qui avait perpétré un attentat contre l’ambassade de France au Mali en 2010, dans un car de cette même compagnie à l’entrée de Gao en partance vers le nord pour rejoindre le groupe de Salafistes. Autre accusation, le Nigérien serait mêlé à des réseaux de trafic de drogue dans le désert. Ses cars ravitailleraient les rebelles en carburants et en vivres. Selon d’autres informations, ses cars seraient aussi les seuls, depuis que les islamistes sont maîtres du nord, à rallier Bamako- Nouakchott via cette zone qui est devenue le cartel des narco trafiquants.
Boubacar Yalkoué