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Présidence « Dioncounda » / Pourquoi Sanogo a lâché
Publié le lundi 21 mai 2012   |  Le Républicain




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C’est un Capitaine Sanogo émouvant qui a dit aux médiateurs « nous ne serons pas, nous non plus, un problème pour le Mali ». S’il a parlé au nom de son groupe dont l’homogénéité n’est pas la qualité majeure et si la junte a la garantie qu’elle n’est pas jetée dans la fosse aux lions, le Mali peut dire ce lundi : « Dieu merci ».
Il est minuit passé quand, dans la nuit du samedi au dimanche, les médiateurs de la Cedeao, Djibri Bassolé et Adama Bictogo accompagnés de Django Cissoko, le Médiateur de la République du Mali, partent voir le Premier ministre pour lui dire : « le capitaine a lâché ». En clair : Amadou Haya Sanogo n’a plus rien contre le fait que Dioncounda Traoré assure la présidence de la transition conformément aux décisions du sommet de la Cedeao. Les émissaires de l’organisation sous-régionale depuis samedi après-midi à Bamako, étaient il est vrai, plus sereins que lors des visites précédentes. Car depuis deux semaines, la pression est montée contre la junte. « Les négociateurs ont mieux compris le fonctionnement du groupe qui a renversé ATT le 22 mars et par conséquent, analysé et pris en compte ses appréhensions » confie une source proche du dossier. Vendredi, tous les députés présents -ils sont 122- ont amnistié les faits relatifs au putsch du 22 mars. Une analyse très discrète de la constitution malienne a été faite pour le Capitaine Sanogo et ses collègues. Ceux-ci ont compris que « Dioncounda Traroré n’est pas imposé par les Chefs d’Etat de la sous Région mais par la constitution du Mali » poursuit notre source. Et cette constitution à en croire un constitutionaliste de la diaspora malienne ne parle « ni de président intérimaire ni de président de transition mais du président de l’assemblée assurant les fonctions de président de la République jusqu’à l’élection du nouveau président ».
« La junte a mieux compris »
Quid du délai de quarante jours au plus mentionné dans la constitution pour tenir cette élection ? Que ce délai ne puisse pas être respecté, surtout dans les circonstances actuelles du Mali ne peut pas être une raison pour démettre le président dit intérimaire, selon ce juriste. Bien sûr, au Mali, d’autres spécialistes avaient déjà battu en brèche cette interprétation. Quant à eux, les juristes sollicités par la Cedeao trouvent que la seule solution constitutionnelle c’est le « président intérimaire ». Point barre. Le capitaine Sanogo lui-même confiait il y a peu qu’il n’avait aucun problème avec Dioncounda Traoré qu’il appelle « tonton » en privé et devant lequel il se met au garde-à vous. Mais qu’en fin avril à Abidjan, le sommet de la Cedeao ait décidé de la durée de transition et de son président a été une grosse couleuvre pour certains milieux à Bamako. Ce sont notamment les acteurs de la COPAM et du M22 pour qui Dioncounda Traoré n’a pas de « légitimité révolutionnaire » après le tsunami qui a emporté « son allié » ATT en quelques heures. Les vases communiquent et Kati n’était pas content, non plus. Dès la diffusion de la décision d’Abidjan, la troupe qui garde encore une grande influence en tant qu’initiatrice de la mutinerie-putsch du 22 mars, le Capitaine Sanogo fut assaillie par ses hommes dont certains lui reprochèrent « son double jeu avec les civils ». Son rejet tonitruant des décisions du sommet d’Abidjan était-il une manière de se dédouaner vis-à-vis du très collégial Cnrdre qui pensait avoir la preuve de la « déloyauté de Dioncounda Traoré ». Le pauvre ! Car, les heures précédentes, redoutant la réaction de ses compatriotes parfois au nationalisme ombrageux, Dioncounda Traoré implorait : « s’il vous plaît, ne mettez pas dans le communiqué final que le président de la transition ce sera moi ». Devant Goodluck intraitable, Ouattra désabusé, Compoaré passablement amusé mais tous se demandant si le sérénissime « intérimaire » malien est l’homme de la situation !
Le bâton mais aussi la carotte
Tout cela, semble t-il, se sait aujourd’hui à Kati dont les arguments contre Dioncounda Traoré proche du contre-coup du 30 avril n’ont pas prospéré non plus. Surtout, le mathématicien sait que plusieurs de ses proches lui feraient la peau pour l’étrange baraka qui le propulse toujours en avant à chaque crise de son parti ou du pays. De sorte qu’une semaine avant, avec le texte de sa démission en poche, il avait fait venir l’Ortm pour enregistrer son discours d’adieu. Panique donc à bord. C’est pratiquement, manu militari que Cheik Modibo Diarra l’en avait empêché. Les coups de fil ont plu de partout contre le projet de démission. Les « partenaires du Mali » s’étaient fait entendre, notamment avec la sortie musclée de l’administration Obama. Pour en arriver là, il aura fallu taper du poing sur la table. Les ambassadeurs occidentaux à Bamako avaient même dû annuler une rencontre avec la junte prévue à Kati qui, pour eux, est le siège de l’inconstitutionnalité qu’ils dénoncent. En plus, samedi, la junte savait la fermeté renouvelée de la CEDEAO contre toute manœuvre visant à lui donner les premiers rôles dans la transition malienne. Le président burkinabé, médiateur critiqué de la crise malienne, a fait savoir à Sanogo que le cas échéant, il ne pouvait pas compter sur lui. Même fermeté chez le président ivoirien à la tête de l’organisation sous-régionale qui précise que toute la panoplie de sanctions serait appliquée. Compte BCEAO bloquée, restriction des mouvements entre les banques y compris commerciales, embargo commercial, isolement diplomatique en plus d’une aide internationale de plus de mille milliards de FCFA toujours suspendue, sans compter que l’Otan, les Nations-Unies, l’Union africaine et l’Union Européenne saisies de la question du Nord-Mali se montrent moins patientes que la CEDEAO : le Capitaine Sanogo devait faire un choix. Il l’a fait. En contrepartie, il pourrait diriger une mission consacrée au renforcement des capacités de l’armée pour que plus jamais ne se répète la grosse humiliation du front du Nord. Cette tâche commanderait à la fois « la restructuration et la modernisation des forces armées pour qu’elles soient aussi efficaces que républicaines » à en croire les indiscrétions et des compétences civiles seraient requises pour les besoins de la cause. Les « partenaires » appuieront volontiers ce projet et Kati le sait. D’autres membres de la junte pourraient aller dans des missions internationales de paix. Mais le renoncement de la junte ne fera pas que des heureux, comme on le verra dans les heures qui suivent la déclaration de Kati.
Médiateur pour la médiation
Parce qu’au-delà de sa personne, Dioncounda Traoré, figure emblématique pose aux yeux de certains partis dont le Rpm, la question de la neutralité vis-à-vis des candidats à la…prochain présidentielle. Peu de doute, que tous ceux qui le peuvent se mobiliseront contre la prorogation du mandat du mathématicien à la tête de l’Etat. Pour l’instant, il faudra bien reconnaître que les lignes ont théoriquement bougé au Mali. Deux hommes ont peut-être fait basculer le destin dans le bon sens. Le « Chérif de Nioro, fils du grand leader spirituel Hamamoullah et personnalité respectée du pays : il a parcouru quatre cent kilomètres pour venir bénir Sanogo et ses camarades mais il leur a dit ceci : « ne vous accrochez pas, choisissez votre pays » ! Il y a aussi, Django Cissoko, le Médiateur de la République. Prudent et sans doute malade d’être dépeint en « Talleyrand malien », il a fait irruption, il y a deux semaines, dans la médiation de cette crise à la demande insistante de plusieurs chancelleries et du Premier ministre. Son rôle n’était pas facile car il était devenu le mur des lamentations. Kati, Koulouba, Ouaga et Abidjan ont fini par voir en lui un « passage obligé » et Cheik Modibo Diarra ne devait pas être peu fier de lui en félicitant, aux aurores ce dimanche, les désormais Maliens Bassolé et Bictogo « for a job well done ». Le bout du tunnel enfin ? Les péripéties récentes du pays obligent les Maliens à être des Saint Thomas. Ils savent que des angles restent à arrondir, des garanties à être prises et données. Mais au moins, il est vrai que le Mali s’est réveillé avec un peu plus d’espoir ce lundi. Il sait qu’il est encore capable de transformer ces tristes pages de son histoire immédiate en opportunité refondatrice de sa démocratie surestimée. Et sauf à être durablement maudit, il sait qu’il ne peut plus faire semblant.
Adam Thiam

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