WASHINGTON - L`intervention militaire française au Mali contre les islamistes armés fait les affaires de Washington, réticent à s`engager directement dans un nouveau conflit, préférant se cantonner à une aide logistique et à la formation de l`armée malienne.
Le Pentagone, une fois réglées les questions légales entourant le soutien à une opération militaire, a promis de fournir des avions de transport, de ravitaillement en vol et des avions espions en soutien de l`initiative française.
Mais les responsables américains ont fait clairement comprendre qu`il n`était pas question pour l`administration Obama de s`engager plus avant dansNun nouveau conflit alors que les Etats-Unis commencent à voir le bout du tunnel en Afghanistan.
"Les Etats-Unis ont fait très attention à ne pas s`engager dans une nouvelle opération complexe, qui a été vendue comme beaucoup plus simple qu`elle ne l`est réellement", explique à l`AFP Stéphanie Pezard, experte à la Rand Corporation.
"Ils ne veulent pas prendre le risque de s`embourber sur un nouveau front qui n`est sans doute pas pour eux du plus haut intérêt stratégique", ajoute-t-elle.
Pour autant, les Etats-Unis semblent pleinement satisfaits de l`intervention française et partagent la position de Paris sur le dossier, a fait savoir la Maison Blanche.
L`intervention française est même saluée par Washington. "Je félicite la France pour avoir mis en oeuvre ces actions", a affirmé le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta dans l`avion qui l`emmenait en tournée en Europe.
Jugeant "absolument crucial de stopper l`offensive de groupes terroristes vers le Sud", le département d`Etat a également dit mardi accueillir "très favorablement" l`action militaire française.
"Nous leur apportons déjà du renseignement et nous examinons de très près
aujourd`hui la question du transport aérien", a précisé sa porte-parole
Victoria Nuland.
Le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des
représentants, Ed Rose, a de son côté salué le fait que "Paris comprenne les
enjeux" dans la région et soit intervenu.
Embarras pour le Pentagone
Pour Washington, la percée des islamistes ayant entraîné l`intervention
française pose la question de l`efficacité de sa politique visant à contrer
les groupes extrémistes en Afrique par le biais de la formation des armées
locales.
Les Etats-Unis espéraient faire émerger une nouvelle génération d`officiers
maliens, mais certaines des unités formées ont fait défection, avec armes et
bagages, pour rejoindre les combattants islamistes.
Et en mars 2012, un officier formé par Washington, le capitaine Amadou
Sanogo, était à la tête du coup d`Etat au Mali, contraignant les Américains à
interrompre leur assistance militaire.
Un embarras pour le Pentagone. "J`ai été profondément déçu qu`un militaire
que nous avions formé participe au renversement militaire d`un gouvernement
élu. Il n`y a pas d`autre mot pour qualifier cela qu`inacceptable", a confié
en décembre le général Carter Ham, à la tête du commandement Afrique des
forces américaines.
L`expérience malienne a refroidi le Pentagone à s`engager plus avant sur le
terrain après plus d`une décennie de guerre.
"Les Etats-Unis, ayant été impliqués dans l`entraînement de l`armée
malienne pendant un certain temps, savent à quoi s`en tenir sur ses capacités
et le travail qu`il reste à accomplir", estime Stéphanie Pezard.
Mais la menace d`Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), perçue comme
relative par Washington, a pris une autre dimension après la mort de son
ambassadeur en Libye en septembre, les Américains prenant conscience qu`Aqmi
s`était renforcé et avais mis la main sur des stocks d`armes libyens après
l`effondrement du régime Kadhafi.
Et la prudence des Etats-Unis date d`avant l`offensive vers le sud du Mali
des islamistes, qui a entraîné la riposte française, rappelle Stéphanie
Pezard: "cela a changé pas mal de choses et pourrait avoir également changé la
vision américaine".