Si, au cours de sa récente visite dans la région de Ségou, le président Ibrahim Boubacar Keïta a regretté le manque criard d’infrastructures socioéconomiques à Mandiakuy, l’ex-Premier ministre estime que la situation de ce village du cercle de San ressemble malheureusement à celle de plusieurs autres localités du Mali. En effet, à l’ouverture de la Convention nationale de son parti, samedi, Modibo Sidibé, l’un des principaux leaders de l’opposition, a dénoncé le «manque de vision politique structurée en programmes socio-économiques cohérents» du pouvoir en place.
Ce 19 décembre 2015, le parti Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (FareAnkaWuli) a tenu sa toute première Convention nationale. Cette rencontre qui intervient deux ans après la création du parti en 2013, s’est penchée essentiellement sur le processus de paix et de réconciliation, ainsi que les futures élections communales et régionales, notamment leurs défis et enjeux pour les Fare.
La cérémonie d’ouverture des travaux, présidée par Modibo Sidibé, président du parti, a enregistré la présence des membres du Secrétariat exécutif national, des délégués de différentes sections de l’intérieur et de l’extérieur du Mali et une foule de militants. Plusieurs partis dits amis, dont l’Adema, l’URD, le RPM, le Parena, le Pids, le PS Yelen Koura, le Modec, l’ADP-Maliba, l’Ancd, la FCD, entre autres, y ont également pris part.
Dans la salle des 1000 places du Centre international de conférence de Bamako qui, à l’occasion, a refusé du monde, le président des Fare a estimé que ce rendez-vous était un espace propice qui leur permet d’évaluer leur parcours depuis le Congrès tenu en mars 2014, de faire l’état du parti et de tracer les perspectives. Il a ensuite eu une pensée pieuse pour les victimes des attaques au Mali et ailleurs, avant d’appeler une conjugaison des efforts pour venir à bout du fléau qu’est le terrorisme.
L’initiative riz ferait toujours des effets
Selon Modibo Sidibé, le contexte de cette convention, c’était aussi les récoles. Partant, il a laissé entendre que les importantes productions céréalières dont le riz-2.451 millions de tonnes faisant de notre pays le 2ème producteur de l’Afrique de l’Ouest (Agence Ecofin)-, s’inscrivent dans l’élan imprimé par l’Initiative riz qu’il a initié lorsqu’il occupait encore le poste de Premier ministre sous le président ATT.
«En rendant grâce au Tout-Puissant pour la bonne pluviométrie, nous disons Janjo à nos producteurs et remercions les différents gouvernements qui ont maintenu ce dispositif de subvention des intrants», a ironisé M. Sidibé. Il a toutefois estimé qu’au-delà de l’effet «mécanique» de cette production sur notre taux de croissance, «un prix rémunérateur aux producteurs est une exigence, de même qu’une véritable volonté de prendre une part du marché du riz dans notre sous-région».
Non à un «gouvernement dans les affaires» !
Au sujet de la situation économique du pays sur laquelle il s’est largement penché, le président des Fare a affirmé que la relance tant attendue depuis les élections générales de 2013 se fait encore désirer. Et le Premier ministre Sidibé d’expliquer cette situation par non seulement le «manque de vision politique structurée en programmes socio-économiques cohérents», mais surtout le «ralentissement des afflux d’investissements étrangers, qui ont pourtant culminé à 31% du PIB dans les années 2000». Tant nos compatriotes ont la nette impression d’une action publique sans but et d’un exercice du pouvoir qui tourne à vide, les jeunes basculent dans l’attrait de l’exil, a déploré Modibo Sidibé qui nie toute ambition et tout projet au pouvoir en place.
«On s’est récemment apitoyé sur Mandiakuy. C’est certes bien, mais le Mali compte mille et un Mandiakuy qui interrogent l’Etat et ses démembrements, leurs capacités à délivrer les services de base, sur les spoliations, les multiples tracasseries dont ils sont l’objet et où les populations ne se reconnaissent pas dans l’Etat tel qu’il fonctionne», a entonné le président des Fares. Il faisait ainsi référence à la visite que le chef de l’Etat a effectuée dans la région de Ségou, du 7 au 12 décembre dernier, au cours de laquelle visite Ibrahim Boubacar Keïta a regretté l’inexistence d’infrastructures socioéconomiques dans certaines localités, notamment à Mandiakuy, dans le cercle de San. Partant, l’orateur a appelé le gouvernement à sortir de l’immobilisme dans lequel il se trouve et à redonner espoir aux Maliens.
«Nous voulons un Gouvernement qui fonctionne, un Gouvernement qui est aux affaires et non dans les affaires ! Qu’il cesse d’affaiblir la République, d’abaisser l’Etat ! Nous voulons un Etat qui ne soit plus le monopole d’un clan, ni l’affaire d’un seul homme», a-t-il interpellé.
Quelle vision de l’avenir des institutions du pays ?
Se prononçant sur le processus de réconciliation nationale, Modibo Sidibé, ‘’préoccupé’’ par la dégradation de la situation sécuritaire, ne semble pas sûr du caractère refondateur de la conférence d’entente nationale, prévue par l’Accord de paix. «La Conférence d’entente nationale n’a aucun pouvoir de modification ou de réécriture de l’Accord au regard de l’exigence de refondation institutionnelle et républicaine.
Sauf à convenir avec les parties que sont le gouvernement et les mouvements d’une telle démarche et de ses implications sur l’Accord», a-t-il souligné, avec la ferme conviction que la «refondation républicaine» est essentielle au devenir de notre nation. Dans cette démarche, le président des Fare met l’accent sur le rôle de la République, elle qui sert de ciment entre toutes mes communautés.
Il a par ailleurs exprimé son regret du fait que le gouvernement, depuis des mois, n’arrive toujours pas à expliquer sa vision de l’avenir des institutions de notre pays, et comment il entend conduire les implications constitutionnelles, législatives et règlementaires du dispositif institutionnel de l’Accord. «La Déclaration de politique générale du Gouvernement actuel parle de révision constitutionnelle sans préciser la réforme qu’il entend proposer et, à date nous n’en savons toujours rien. A ce rythme, le risque est élevé de précipiter le pays dans une succession de consultations électorales jusqu’en 2018», soutient M. Sidibé. Partant, il a invité le gouvernement à dire clairement à notre peuple quelle est la perspective, «au lieu de s’égayer dans de prétendues relectures de textes au niveau de différents ministères».
Pour lutter contre l’insécurité dans la zone sahélo-saharienne, il a mis l’accent sur la coordination des efforts, notamment à travers la Charte de fonctionnement du partenariat militaire de coopération transfrontalière (Pmct) des forces armées des pays du G5 du sahel. Selon lui, la réponse au terrorisme n’est pas que sécuritaire; elle doit être aussi économique, culturelle et sociale.
Bakary SOGODOGO
Source: Le Prétoire