En plus de franchir pour la première fois la barre des 2 000 milliards Fcfa, la Loi des finance 2016 se singularise par une ascendance exceptionnelle du volume des investissements sur les dépenses de fonctionnement. Et, contexte et volonté obligent, l’essentiel des investissements repose sur des ressources propres comme pour afficher une affirmation de souveraineté qui à commencer par une réduction de notre dépendance budgétaire.
Les lapions de la session budgétaire ouverte en début Octobre se sont éteints, Vendredi, à l’Assemblée nationale, après deux jours d’échanges intenses entre le gouvernement représenté par l’Hôtel des finances au grand complet et les différentes composantes parlementaires. Les débats se sont finalement conclus par une majorité sans appel de 117 suffrages parlementaires en faveur de la Loi des finances contre 21 voix dissidentes exprimées par l’opposition. La représentation nationale a ainsi validé le projet de budget arrêté en ressources et en dépenses à la somme 2 002,873 Fcfa, un seuil exceptionnel et hausse essentiellement dues au clin d’œil du gouvernement en direction de certains domaines prioritaires comme le développement rural auquel plus de 15 % des dépenses sont consacrées pour la mécanisation de l’Agriculture, le secteur des équipements et infrastructures de désenclavement avec l’avènement du deuxième pont de Kayes ainsi que la poursuite des travaux d’aménagement de la RN 4, le domaine de l’éducation avec la finalisation de certains ouvrages universitaires, etc. Ce n’est pas tout. Les dépenses publiques sont par ailleurs grevées par le montant de 264,535 milliards Fcfa représentant la tranche annuelle de mise en œuvre de la Loi d’orientation et le Programmation militaire, sans compter les incidences des concessions faites à l’Untm en termes d’augmentations des salariales ou en encore celles en rapport avec la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, entre autres.
Avec une prévision haussière de 1 828,106 milliards Fcfa imputables essentiellement à une augmentation substantielle du taux de pression fiscale, les ressources budgétaires de 2016 vont reposer pour une grande part sur les services des impôts pour 679,003 milliards Fcfa, soit une augmentation de plus de 14 %, la Douane pour 488 milliard Fcfa, ainsi que la direction nationale du trésor et de la comptabilité publiques qui devra contribuer pour 30 milliards Fcfa. Tandis que les 84 milliards Fcfa attendus de domaines et du cadastre semblent hypothétiques compte tenu de la suspension des activités domaniales. Parmi les poches de recettes figurent, par ailleurs, dans une moindre mesure, la direction générale de la dette publique et la direction générale de l’administration des biens de l’Etat, sans compter les différents appuis budgétaires.
Il se dégage, en tout état de cause, un déficit prévisionnel de 174,296 milliards Fcfa que le ministre de l’Economie et des Finances a présenté comme un déficit soutenable à cause de la capacité de l’économie à le supporter par une croissance prévisionnelle de 6 %, ainsi que les opportunités certaines de création d’emplois qu’offre une nette ascendance du volume des investissements sur le fonctionnement, a soutenu le ministre de l’Economie et des Finances.
Face aux députés, Mamadou Igor Diarra s’est en outre réjoui que 40 % des 700 milliards Fcfa consentis aux investissements proviennent des ressources endogènes, une première parmi tant d’autres, qui marque pour le moins une certaine souveraineté financière du pays.
L’adoption de la Loi des finances a été précédée d’intenses échanges et questions de clarifications avant que les consignes de vote qui a vu l’opposition se démarquer en évoquant essentiellement le niveau élevé du déficit, des ambitions qu’elle juge en deçà des énormes besoins et attentes, ainsi que le caractère hypothétique de certaines prévisions de recettes, car tributaires du cours mondial des hydrocarbures.
Ces réserves rament naturellement à contre-courant des atouts mis en avant par l’Hôtel des finances et la majorité écrasante des députés qui soutiennent, au contraire, un budget en phase avec les engagements internationaux et communautaires du Mali dans son cadrage et inspiré des grandes priorités de la déclaration de politique générale ainsi que des promesses de développement socio-économie faites par le président de la République.
En attendant de départager les parties à l’étape exécutoire, on peut d’ores et déjà noter que le Trésor public sera privé pour cet exercice d’importantes ressources promises lors de la Table ronde des bailleurs. Sur la question, le ministre de l’Economie et des Finances, Mamadou Igor Diarra a répondu par la prudence en disant vouloir se rassurer davantage sur leur effectivité avant de les traduire en inscriptions budgétaires.
ENCADRE
Les rapports du Végalsont à relativiser, selon Igor
Pourquoi le recouvrement des manques-à-gagner relevés par les missions de vérification n’est pas pris en compte dans les prévisions de recettes budgétaires ?
Cette question vicieuse figure en bonne place parmi celles évoquées par les parlementaires, lors des débats sur la loi de Finances 2016 défendue par le ministre de l’Economie et des Finances, le jeudi et vendredi derniers. De la réponse apportée par Mamadou Igor Diarra, on peut retenir que le trésor public ne peut attendre aucun profit des chiffres faramineux que le Bureau du Vérificateur Général considère comme pertes imputables à la mal-gouvernance financière des structures administratives.
Pour le patron de l’Hôtel des Finances, en clair, les rapports du Vérificateur sont à relativiser sur la question, pour la raison toute simple que les conclusions reposent parfois sur du fictif avec des sommes astronomiques retenus parfois sans discernement. Des véhicules sont souvent comptabilisés comme manques-à-gagner tout simplement parce qu’ils sont momentanément absents au passage des vérificateurs, a- t-il argumenté d’un ton ironique. Et le ministre Diarra d’en tirer la déduction suivante ; «pour que les manque-à-gagner soient recouvrables, il faut d’abord un audit des prestations du Végal».
Une telle approche de la question ravive pour le moins la vieille polémique ayant jadis mis opposé l’ancien Vérificateur Sidi Sosso Diarra et le Premier ministre en son temps, Modibo Sidibé. Sauf que depuis 2011, le BVG version Amadou Ousmane Touré n’a jamais utilisé le concept ‘’manque-à-gagner’’ pour désigner les pertes occasionnées par les mauvaise gestions.
Par ailleurs, la sortie du ministre des Finances survient à un moment où des procédures judiciaires sont engagées sur les pertes concernées, mais dont l’issue ne semble guère l’importer pour ce qui est de sa conviction qu’aucun espoir de projection budgétaire ne doit reposer sur un hypothétique recouvrement des évasions du genre.
Abdrahmane KEITA