1915-2015, si le président Modibo Keita avait survécu au malheureux coup d’Etat du 19 novembre 1968, il aurait eu 100 ans cette année. C’est donc en souvenir du père de la Nation de l’Homme et de son œuvre que le président de la République SEM Ibrahim Boubacar Keita avait, à juste raison, décrété six mois de commémoration. L’essentiel des activités commémoratives vient de connaitre son pinacle avec la tenue du symposium sur la vie et l’œuvre de Modibo Keita ces 17, 18 et 19 décembre 2015. Pour faire le point sur le centenaire de l’homme, nous avons approché le Ministère de la culture, chef d’œuvre de l’organisation du centenaire. Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, le Directeur du Mémorial Modibo Keita, l’historien et le journaliste, M. Modibo Diallo, nous parle entre autres de la situation du Mémorial, de ses relations avec la famille biologique et politique du Président et les perspectives du service qu’il dirige. Il revient aussi sur le bilan des activités qui ont pu être menées jusqu’ici, des difficultés rencontrées dans le cadre de cette commémoration et des activités à venir qui clôtureront le premier centenaire du père de la Nation.
Infosept : Comment se porte aujourd’hui le Mémorial Modibo Keita ? L’endroit ne semble toujours pas mobiliser grand monde à Bamako, ni auprès de la population ni auprès des touristes ? À quoi cela pourrait être dû ?
Modibo Diallo : Le Mémorial Modibo Keita se porte bien, malgré que nous ayons traversé une phase difficile. Nous sommes entrain d’en sortir avec la dernière phase des travaux qui ont pris du temps à se réaliser. Je crois que d’ici le premier trimestre 2016, on sera sorti entièrement de cette situation. Comme vous avez pu le constater, les travaux se poursuivent parce que c’est un endroit qui accueille du monde. Et pour accueillir du monde, il faut un certain nombre de commodités actuellement. Même si certaines infrastructures sont terminées, tant qu’il n’y a pas les commodités qui les accompagnent, l’endroit n’est pas fonctionnel. Nous avons aussi été frappés comme beaucoup de services publics d’une réduction de crédits, mais nous avons aujourd’hui retrouvé notre voie et nous nous acheminons pas-à-pas vers une situation qui fera que le Mémorial Modibo Keita redeviendra ce que les uns et les autres ont connu dans le temps. Déjà, ce que nous avons, nous permet de commencer les activités. Comme on peut le constater, nous avons abrité la biennale photographique africaine. Comme quoi, le Mémorial commence à revivre.
Infosept : Existe-il des passerelles de collaboration entre le Mémorial et la famille biologique et politique du président Keita ?
Modibo Diallo : Depuis la création du Mémorial, cette institution a été ouverte à la famille chaque fois que l’occasion s’est présentée. Les constats qui sont déjà établis sont renoués dans un sens ou dans un autre. Je ne pense pas qu’il y ait des problèmes à ce niveau. Et cela est valable pour avec la famille biologique.
Infosept : M. le Directeur, six mois après le lancement en juin 2015 des festivités marquant la commémoration du centenaire du Président Modibo Keita, qu’est-ce qu’on peut retenir comme bilan des activités qui ont pu être menées ?
Modibo Diallo : Je ne peux pas parler de bilan dans la mesure où on n’est pas à la fin de cette commémoration. Je peux seulement parler des activités qui ont été menées comme le lancement officiel, suivi de concerts et de manifestations festives. Après cela nous avons organisé récemment (ndlr : samedi 5 décembre 2015) une course cross-country. Avant cela, c’était la course cycliste à Sikasso, la course de pirogues à Mopti, la conférence de Presse ici même au Mémorial. Des conférences-débats ont commencé aujourd’hui même (ndlr : interview enregistrée le jeudi 10 décembre 2015) dans les lycées. On peut ajouter aussi le concert-défilé du samedi 12 décembre 2015 sur la musique du temps de Modibo Keita et les habitudes vestimentaires de cette époque. Il y a eu un symposium sur la vie et l’œuvre de Modibo qui est annoncé pour les 17, 18 et 19 juin 2016. Voici un paquet d’activités que nous avons réalisé depuis le début.
Infosept : Peut-on savoir à ce jour quelles ont été vos plus grandes satisfactions mais aussi les difficultés que vous avez rencontrées dans la mise en œuvre de cette commémoration ?
Modibo Diallo : Les activités que nous avons entreprises ont connu des difficultés mais nous en sommes venus à bout. Dans ce centenaire, le temps n’était pas notre meilleur allié. Mais chaque fois, grâce à l’engagement des membres de la Commission nationale d’organisation et des sous-commissions, nous avons pu parvenir à bout de ces difficultés. Ma plus grande satisfaction est que tous ceux à qui nous avons parlé de Modibo Keita ont trouvé des raisons de se mobiliser pleinement pour cette cause. Parce que la cause de Modibo Keita se vend toujours bien.
Infosept : A-t-on pu bâtir finalement un consensus national autour du Président Modibo Keita et sur le bilan de son régime que de mauvaises langues trouvent entaché de crimes politiques ?
Modibo Diallo : Il n’y aura pas de consensus autour d’un être humain. Il y aura toujours ses fans, ses adversaires et ses détracteurs. Modibo Keita a régné pendant 8 ans ou un peu plus si on inclut la période du Gouvernement de la Loi Cadre. Comme tout pouvoir, il y a eu des points noirs. Mais, je pense que si on doit faire un bilan sur la présidence de Modibo Keita, il est globalement positif. Parce que jusqu’ici, nous nous sommes rendus compte qu’avec moins de moyens que les autres, le président Modibo Keita et ses compagnons avaient une vision, un engagement sans faille pour ce pays. J’en veux pour preuve que chaque fois on dit que tout ce qui se réalise a été emmanché du temps de Modibo Keita. Nous avions là un régime, des hommes qui n’avaient pas d’autres agendas que le pays, d’autres engagements que de sortir le pays de l’obscurité, de la pauvreté et des difficultés dans lesquelles il se trouvait. A-t-il réussi ? Moi je dirais OUI. A-t-il eu des points noirs ? Moi, je dirais forcément comme dans toute œuvre humaine. Les crimes politiques dont on parle, pour moi, il y a très peu de dirigeants qui ont pu régner sans qu’on leurs attribue des crimes avérés ou pas. Mais, ce qui est certain, Modibo Keita n’apparait pas pour son époque comme un criminel. A le comparer avec d’autres contemporains, Modibo Keita n’apparait pas comme un dirigeant qui a eu un régime particulièrement dur. Comme je l’ai dis, toute œuvre humaine comprend des insuffisances, mais son bilan est largement positif.
Infosept : Le centenaire se termine vive le centenaire, quel est votre dernier message ?
Modibo Diallo : Le centenaire se termine. Tant mieux, si le peuple a consenti à célébrer le centenaire du Président Modibo Keita en guise d’hommage qu’il a mérité. Je pense que ce centenaire permettra aux maliens de savoir qu’un Peuple n’oublie jamais ceux de ses fils qui ont travaillé pour lui et qui se sont dédiés à lui. Même, après leur mort, il se trouvera des bonnes volontés pour les célébrer pour ce qu’ils auront fait de bien pour le pays.
Propos recueillis
Par Dieudonné Tembely