Si on était en sport, on pouvait dire qu’il y a eu match nul entre l’imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique, et le ci-devant procureur général près la Cour d’appel de Bamako, Daniel Amagouin Tessougué, relevé de ses fonctions hier aux termes d’une session du Conseil supérieur de la magistrature.
Car, tout en se désolidarisant du président du Haut conseil islamique, qui a justifié les attentats du 20 novembre 2015 de l’hôtel Radisson Blu, comme la manifestation d’une colère divine contre les perversions importées par l’Occident, “qui entretiendrait le terrorisme”, le président de la République a obtenu la tête du grand patron du parquet de Bamako, Sikasso et Ségou, qui a qualifié les propos de l’imam d’”apologie du terrorisme”. Le bourreau et la victime sont frappés avec le même bâton, serait-on tenté de dire pour filer la métaphore.
Mais ce départ sur les chapeaux de roue du juge est une preuve que la religion, qui est normalement séparée de l’Etat, est en train de dictée sa loi au Mali, à s’installer solidement au cœur de l’administration publique. Aussi les leaders religieux qui acceptent de jouer le jeu des tenants du pouvoir ont-ils la possibilité de faire et de défaire des carrières comme bon leur semble. Certes, M. Tessougué est la victime de machinations au sommet de l’Etat, mais c’est la justice malienne, les justiciables qui perdent un grand défenseur.
Daniel Amagouin Tessougué est un magistrat réputé pour son franc-parler, d’un courage physique à toute épreuve et tout dédié à la justice, à l’équité, au respect des droits de l’Homme. Tant et si bien que tout en relevant directement du garde des Sceaux, il ne s’en laissait pas conter par sa hiérarchie.
Du temps de Me Mohamed Ali Bathily comme garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, il avait déjà eu maille à partir avec la chancellerie. Récemment encore, il avait démenti les propos du chef de l’Etat qui affirmait à la rentrée solennelle des cours et tribunaux qu’il avait transmis plus de 200 dossiers de corruption à la justice restés sans suite.
Après tout ce n’est peut-être qu’un au revoir M. Tessougué.
Maliki Diallo