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Lutte contre la corruption : Hep, Monsieur le Premier ministre !
Publié le mercredi 23 decembre 2015  |  Le Reporter
Semaine
© aBamako.com par A.S
Semaine nationale de lutte contre la corruption
Bamako, le 09 décembre 2015 le premier ministre Modibo Keita a présidé la semaine nationale de lutte contre la corruption au CICB




Lors de la rentrée solennelle des cours et tribunaux, il fut beaucoup question de la lutte contre la corruption. Comme si ce phénomène date d'aujourd'hui, chacun a parfaitement joué son cirque.

Un marché de dupes

Le représentant des avocats a fait part de son étonnement à voir des arrêts trop différents émis par la Cour suprême, comme si celle-ci n'avait pas pour mission d'uniformiser la jurisprudence. Ce représentant sait très bien que notre haute juridiction, comme toutes nos autres juridictions, a des problèmes liés à la qualité de formation de nos magistrats et est gangrenée par la corruption.

Le président IBK a osé dire que depuis deux ans, il a transmis 200 dossiers à la justice et qu'aucun n'a été traité. En réalité, IBK et les juges, qui l'écoutaient, nous prennent pour des maboules. Comment Nouhoum Tapily, président de la Cour suprême, qui sait qu'IBK doit déclarer publiquement ses biens et qu'il ne l'a pas fait, va-t-il le respecter ? Les autres juges aussi. Ne nous racontons pas d'histoires. Si demain matin IBK décidait de lutter efficacement contre la corruption, les juges seraient obligés de le suivre sous peine d’être désignés à la vindicte populaire. Mais, pour IBK, lutter contre la corruption, c'est lutter contre lui-même.

Arrêtons nos égoïsmes

Une certaine opposition a compris les faiblesses d'IBK. Elle fait tout pour faire son entrée au gouvernement. C'est bien visible. Cela aussi, c'est la corruption, car il s'agit de s'agiter pour participer au pillage de nos ressources publiques. Le plus grave, c'est que des membres du gouvernement actuel paient des suppôts pour nous raconter des sottises afin de pouvoir être désignés Premier ministre.

Nos artistes

Rokia Traoré, la chanteuse, a eu des soucis de passeport pour sa troupe. Elle s'est levée, elle s'est battue pour que son business ne s’arrête pas. Si elle n'avait pas eu ce problème, elle n’aurait jamais intervenu par voie de presse sur ce dossier-là. C'est cela aussi le Malien. Le moi. La case du voisin peut brûler, on fait semblant de l'aider, mais on s'en fiche au fond.
Salif Keita, le chanteur, il a fallu qu'il y ait des problèmes avec sa femme au sujet de la ‘’maison blanche’’ pour qu'il dénonce sérieusement notre justice corrompue. ''Le mal du Mali''. C'est cela aussi le Malien.
Souleymane Cissé, le cinéaste. Ses sœurs avaient été expulsées de leur maison de Bozola. Elles se sont battues avec à leurs côtés leur frère cinéaste connu et reconnu. Elles ont eu gain de cause. Si elles n'avaient pas un frère connu, elles allaient mourir dans la rue dans l'indifférence générale. Voilà le Mali. Souleymane Cissé, pour l'occasion, vient d'accorder une interview à un journal français. Au-delà du journal, pourquoi ne cherche-t-il pas à rencontrer des députés et des sénateurs ?
Si Rokia Traoré, Salif Keita, Souleymane Cissé mettent leur énergie ensemble, appellent à une grande marche contre la corruption et l'impunité, demain matin, IBK sera obligé de faire quelque chose. Mais non, pourquoi vont-ils faire ça pour leur peuple ?
Non, au Mali, le patriotisme des artistes qui osent réellement affronter le pouvoir n'existe presque pas. Ils réagissent quand leurs intérêts personnels sont touchés. Le peuple peut crever. Hélas.

Monsieur le Premier ministre !

Voilà Modibo Keita, un Premier ministre, qui vient bras ballants au CICB dire que lui, avait préconisé 80 mesures pour lutter contre la corruption depuis 2008. Il nous parle d'intermédiaires et de «coxers» dans les marchés publics. Comment est-ce possible qu'un homme qui avoisine 80 ans, qui fut directeur national, ministre, ambassadeur, Premier ministre, haut représentant auprès de…. Puis, Premier ministre à nouveau, soit incapable de taper du poing sur la table et de dire non, ça suffit ? Quand on est Premier ministre d'un pays à terre, on ne pleurniche pas. On agit et si l'on est empêché d'agir, on s'en va en toute dignité. Si lui en fin de carrière, il ne vivra pas ce qu'il a vécu, n'est pas capable de jouer enfin pour le bien de son peuple, que va-t-il dire à Dieu ? Pourquoi à cet âge de la vie, a-t-il peur de se faire des ennemis ? Pour la quiétude de ses petits-enfants ?

Mon grand-père m'a dit un jour en peulh, ce que je traduis : «Bouba, tu sais, la véritable richesse est morale». Bien des décennies plus tard, par simple curiosité, j'étais parti voir et discuter avec le général Moussa Traoré en prison à Markala, le 06/05/2000. J'en ai tiré la leçon de toute une vie (les joies et les amertumes). J'ai observé et écouté la parole du Premier ministre sur la corruption. Ce que je retiens de tout cela est, en dépit des fastes du pouvoir, il y a des choses qui ne valent pas la peine d’être vécues.

Boubacar SOW
boubacarsow@hotmail.fr
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