La période d’intérim du président de la République prend fin ce soir à minuit. Dioncounda Traoré endossera-t-il aussi facilement les atours du président de transition ou aura-t-il à compter encore avec la résistance des pro-putschistes ?
Le président par intérim, Dioncounda Traoré (D) et le Premier ministre Cheikh Modibo Diarra, le 18 avril 2012. AFP
L’Accord-cadre du 06 avril 2012 est devenu tout à la fois la Bible et le Coran. Livres révélés donc sacrés, parole divine donc immuable, ce document est invoqué selon les circonstances et les intérêts des différents camps. Il y a quelques jours, pour justifier son refus de se plier aux diktats de la Cédéao de maintenir vaille que vaille Dioncounda Traoré comme président de la transition pendant une période de douze mois au moins, le capitaine Amadou Haya Sanogo a rappelé que l’Accord-cadre qu’il a signé avec la Cédéao ne prévoit pas une durée pour la transition et ne fait nullement allusion à un président de la transition en particulier. Ce qui est dit est dit, ce qui est signé est signé. Il faut s’en tenir à ça. Conciliant, il consulte ses nombreux « amis » et collaborateurs puis fait injonction au Premier ministre d’organiser d’urgence une convention nationale présidée par le président de la République par intérim.
Ce dernier, Dioncounda Traoré, ne perd pas de temps et saute dans le 1er avion à destination d’Abidjan (pour on ne sait quelle raison) afin d’y recevoir ses « ordres » Le voyage sera fructueux et le conseil, judicieux car il n’attend même pas son retour à Bamako pour entonner le même couplet que le capitaine : l’Accord-cadre ne prévoit pas de convention nationale, mais de concertation entre le Cnrdre et la Cédéao à l’expiration des quarante jours d’intérim. Ce qui est dit est dit, ce qui est signé est signé. Il faut s’en tenir à ça.
Un nouveau dialogue de sourds est ainsi entamé entre les deux chefs du pays. Lesquels savent tous deux qu’ils sont pris en otage.
Amadou Haya Sanogo, non pas seulement parce qu’il s’est constitué un regroupement de partis politiques, associations, syndicats et personnalités qui l’épaulent (lui et ses camarades qui veillent au grain), mais parce qu’il a placé grand espoir dans la médiation du président burkinabé, Blaise Compaoré.
Dioncounda Traoré, non pas parce que lui aussi compte sur un regroupement de partis politiques, associations, syndicats et personnalités qui le poussent à la résistance, mais parce que, investi depuis peu mais ayant réussi à se faire adopter par le « syndicat » des chefs d’Etat, il est chouchouté par Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire et Blaise Compaoré du Burkina Faso.
Le sort du Mali, sur requête de la junte ou plainte de la classe politique, se discute et se joue ainsi au gré de rencontres de rejouissances dans diverses capitales de la sous-région. Consacrant de fait le transfert de souveraineté nationale concédé par le Mali de Dioncounda Traoré et d’Amadou Haya Sanogo.
Le Premier ministre est chargé, pour sa part, de faire le majordome. Mais même plein de pouvoirs, un majordome est avant tout un domestique dont le premier devoir est d’exécuter ordres et instructions donnés par le maître. Il y en a deux. Auquel le chef du gouvernement de la transition obéit-il ? Selon des indiscrétions, Cheick Modibo Diarra serait presque tous les jours sur le chemin de Kati. Est-ce pour y rencontrer la junte ? Peut-être. Toujours est-il qu’il aurait récemment discuté avec le putschiste en chef. Et qu’après cette entrevue, le capitaine Sanogo est apparu à la télé nationale pour se plier à la volonté de la Cédéao d’imposer Dioncounda Traoré comme président de la transition pour douze mois et plus, si affinité.
Mais selon des rumeurs captées ça et là, son camp (la Copam dont le MP22) et une certaine frange de ses troupes ne seraient pas près d’accepter aussi facilement la reddition de leur maître. Ils n’auraient pas renoncé à tenir « leur » convention nationale contre vents et marées, et ne seraient prêts à aucune concession en faveur de l’autre camp, le front du refus.
Et ce n’est certainement pas les forces en attente de la Cédéao qui les empêcheraient de manifester demain, comme ils en ont l’intention, afin d’entretenir le chaos.
La venue à Bamako d’une délégation de la communauté internationale (Nations unies pour l’Afrique de l’ouest, Union africaine et la Commission de la Cédéao) servira-t-elle à quelque chose ?