1. Le Président Modibo Kéita est mort sans avoir cessé d’être un Etalon humain.
Selon le sage Ampaté Bâ «Un Etalon humain, est un homme dans toute l’acception du terme, celui qui est Homme pour lui-même, et qui à son tour forme d’autres hommes» (l’étrange destin de Wangrin, p.379). En quoi ce statut d’Etalon du président Modibo Kéita devrait-il inspirer le leadership actuel du Mali ? Evidemment Modibo n’est plus physiquement. Le corps périssable de Modibo, comme tous les corps périssables de tous les humains de tous les temps, n’est plus pour qu’on le touche, qu’on lui parle, qu’on savoure la beauté et la grandeur de son physique. Mais en fait Modibo est-il vraiment mort ? Nous pourrions sans le moindre doute répondre par la négative et dire distinctement et clairement que Modibo est vivant et bien vivant si l’on s’en tient au dire du philosophe Français Blaise Pascal « L’homme est roseau pensant ». Modibo par sa capacité intellectuelle, sa modestie et son humilité, continue d’inspirer des vies. La célébration du centenaire de Modibo est une preuve suffisante qu’il est bien vivant dans nos têtes et nos esprits. Modibo aura marqué les esprits par son goût moins affiché pour le luxe, son sens de partage, son patriotisme et l’acceptation du sacrifice. Modibo est vivant dans nos esprits parce qu’il a été un martyr, mais pas un martyr ordinaire. Son engagement pour la cause de la patrie l’a conduit à n’épargner aucun sous pour lui-même. Modibo est un étalon humain parce que certains fils et filles du pays ont été contaminés par son dévouement pour la cause de la Nation. Cependant interrogeons-nous : tous ceux qui se réclament des idéaux de Modibo, épousent-ils ses attitudes et ses comportements ? Aujourd’hui, il y’a beaucoup d’hommes politiques qui se font apologètes des idées de Modibo, mais leurs comportements trahissent leurs discours. Les Modiboistes d’aujourd’hui utilisent, pour la plupart, les idéaux de Modibo pour mieux spolier les ressources du pays, s’accrocher vaille que vaille au pouvoir même s’il leur faut mépriser les intérêts du peuple au profit de leur propre égo. Quel enseignement pour nos autorités d’aujourd’hui ? Nos autorités devront, si elles veulent faire honneur aux idéaux du président Modibo Kéita, réduire leur train de vie au quotidien, avoir un goût prononcé pour la justice. Ainsi elles serviront de modèles pour les citoyens qui maintiendront en elles leur confiance. Si le refrain « nous sommes ici pour servir la nation » doit être traduit en acte, les autorités devront donner le bon exemple dans toutes les choses, petites soient-elles. Si elles veulent inspirer de bonnes manières d’être aux citoyens, qu’elles donnent elles-mêmes des exemples dans leur vie de famille, dans la gestion correcte et transparente des ressources mises à leur disposition au niveau de leur département.
Et le Modiboisme ?
Si aux âmes bien nées le bonheur n’attend pas le nombre des années, aux esprits bien bâtis, la nation n’attend pas des milliards et des actes de compromission pour prendre son envol vers le développement! Justement le président Modibo Keita dont l’esprit était bien bâti, n’a pas fait 10 ans au pouvoir pour prouver qu’avec un cœur intègre et un esprit socialement et intellectuellement construit, on peut bien amorcer le processus du développement réel d’une Nation. En 8 ans, il a relancé l’Ecole en la décolonisant à travers la réforme de 1962. En 8 ans il a lancé les unités industrielles, engagé le processus de la Maliannité dans son sens valeureux et patriotique. En 8 ans, le président Modibo Keita, a mis la barre économique du pays plus haute par la création du franc malien, l’une des voies pour réellement être indépendant. Modibo a refusé le contentement, une manifestation de l’esprit statique, de la pensée unique. Il a accepté de sortir hors des sentiers battus pour innover non seulement la pensée en tant qu’être malien, mais aussi et surtout engager par la pratique la démonstration de sa grandeur d’esprit. On pourrait aujourd’hui parler de Modiboïsme, courant ou doctrine qui valorise le mode de pensée et d’action du président Modibo. Cette doctrine, tirant son essence et sa légitimité dans son patriotisme, devrait servir de source d’inspiration et de motivation pour la jeune génération. La pensée de Modibo n’est plus pour la génération en perte de vitesse, génération rongée par la vieillesse, qui n’a d’autres soucis aujourd’hui que de penser à comment arrondir financièrement leurs angles. La jeune génération doit se battre et inviter les autorités actuelles à insérer dans les programmes de formation du primaire à l’université, la pensée de Modibo. Les disciplines concernées pourraient être : l’éducation civique et morale (ECM), l’économie, la philosophie et la politique. Dans la discipline «Histoire », on pourrait intégrer la période du consciencisme malien, de 1960-1968, dans l’étude des époques historiques. La meilleure façon de poursuivre l’œuvre de Modibo, n’est autre que d’intégrer le Modiboisme dans la formation des élèves et étudiants.
Le président Modibo Keita : quel exemple de leadership !
Le leadership c’est « la capacité de faire que les choses se passent, d’agir de manière à aider d’autres à travailler dans un milieu dans lequel chacun de ceux qui sont sous vos ordres se trouve encouragé et stimulé… ». Le leader est celui qui sait où il va ; il sait aussi emmener les autres à faire chemin avec lui.
L’on ne cessera de d’apprécier les différentes qualités du président Modibo Keita. Une qualité qui attire l’attention est son leadership caractérisé par l’esprit de service et de don de soi. Un jour, un vieux disait : « moi, je suis du Mali de Modibo Keita ». Ce que l’on peut interpréter derrière une telle déclaration, c’est le modèle que le président Modibo a pu être pour lui. Justement la qualité morale de Modibo a inspiré son leadership. Il a fait sien ce proverbe : « la meilleure façon de se servir, c’est de servir les autres ». Modibo avait cette capacité d’action pour réaliser son projet pour le Mali. Il a démontré cette qualité le choix des hommes de qualité en les plaçant là où il fallait. Il n’avait aucune envie de faire entourer d’hommes de son entourage ou procéder à un partage de gâteau. Non ! Comment pouvait-il mettre les uns et les autres au travail, et au travail bien, si ce ne fut par son propre exemple ? Comme le dirait Antoine De Saint-Exupéry, le président Modibo a mené le Mali avec son « esprit ». On dirait que Modibo était vraiment un responsable, en ce sens qu’il voyait plus loin et agissait en fonction des effets prévisibles. Sans avoir l’envie de taper la table et menacer, le président a su mobiliser les esprits et les engager à la construction de la Nation. Pourquoi sous son régime, il y’avait plus de goût pour le travail bien fait et moins d’envie de voler ? Ce fut à cause de sa vie exemplaire. Par son exemple, le président a accepté d’être martyr pour le Mali. Son don de soi lui vaut encore aujourd’hui le mérite d’être célébré et pris comme modèle pour l’actuelle génération et les générations à venir. Grâce à son leadership, il a mis en place le processus de libération du Mali de la tyrannie de l’ancien colonisateur, à travers la création du Franc Malien. Persuadé du pouvoir que la monnaie joue dans l’autonomie d’une Nation, le président Modibo a vite vu cette nécessité. Mais le processus d’autonomie du Mali a été interrompu grâce une classe de militaires non patriotes. Depuis 1968 jusqu’à nos jours, aucun autre régime n’a pu relancer le processus d’autonomisation du Mali. Jusqu’ici nous avons ce qu’on peut qualifier de Managers du pouvoir, mais d’hommes d’Etat.
Président Modibo Kéita, peux-tu encore nous parler ?
Ibrahima Baba Kaké, dans son ouvrage « L’Afrique coloniale », précise ce qui suit : «Afin d’éviter les contestations et les affrontements, les Européens décidèrent d’établir un règlement international sur le partage des territoires africains ; ce qui fut le rôle du Congrès de Berlin. Les Américains envoyèrent un observateur à la Conférence ; celle-ci se déroula du 15 novembre 1884 au 26 février 1885 ; aucun représentant africain n’y fut invité » (P.26).
Inviter le président Modibo Kéita à nous reparler n’est pas une nostalgie passéiste, mais plutôt un rappel des idéaux nobles et patriotes qui ont caractérisé le Père de l’indépendance du Mali. Aujourd’hui comme hier, la méthode coloniale est en pleine marche dans notre pays. En effet la puissance coloniale procède à l’occupation militaire afin de piller les ressources économiques. Pour réussir cette tâche elle met à contribution des âmes maliennes qui malheureusement partagent les mêmes loges maçonniques que des dirigeants Français. Et puisque nos dirigeants sont assoiffés de pouvoir, et vue que la France peut garantir leur sécurité pendant un temps, alors ils n’hésitent pas à nous endormir à travers des discours dont le but est d’aliéner le peuple. J’invite le Président à nous reparler sur deux plans : éducatif et économique. Educatif parce qu’aussi longtemps que le Mali continuerait de garder le Français comme langue nationale, nous n’aurions aucun moyen d’échapper à leur domination. Economique, parce que aussi longtemps que le Mali n’aurait pas sa propre monnaie, nous serons toujours dépendants des niaiseries françaises. Par cette invite je voudrais attirer l’attention du président de la République sur l’affirmation de son patriotisme à s’engager résolument à faire sortir le Mali de la Francophonie et amorcer la création de la monnaie nationale malienne.
Le Président Modibo Kéita : Un leadership sacrificiel !
Spéculer sur la qualité du président Modibo Keita, est tout simplement une tentative de restaurer l’histoire, et aussi de stimuler la jeune génération à suivre son exemple. L’esprit de sacrifice de Modibo frôlerait l’extrême. Pour cause, le 19 novembre 1968, ce jour-là, jour où la démocratie malienne a pris un sérieux coup d’arrêt, le président Modibo s’est donné, on dirait même qu’il s’est livré à ses bourreaux comme un mouton qu’on conduit à l’abattoir sans dire mot et sans garder rancune même contre ceux qui lui ont annoncé de visu sa destitution par des militaires instrumentalisés et peu patriotes. Quelle grandeur d’esprit ! Le besoin de restaurer l’histoire réside dans ce fait historique que le président Modibo a été trahi pas parce qu’il mettait mal le peuple à l’aise, mais parce que certains leaders de partis d’opposition qui avaient vendu leur âme à l’ancien colonisateur, se sont ligués avec lui contre le président MODIBO. Et les militaires incultes ont été mis à contribution pour achever la sale besogne. A la mort de Modibo le 16 mai 1977, les militaires ne le reconnaissent pas comme ancien président, mais laconiquement un « Instituteur à la retraite ». A l’Ecole normale de Gorée, Modibo est considéré par ses professeurs comme « Instituteur d’élite, très intelligent, mais antifrançais. Agitateur de haute classe, à surveiller de près » (Jeune Afrique, No 856 du 3 juin 1977).Le besoin de stimuler la jeune génération tient au fait que l’exemple du président Modibo devra l’inspirer quant à la gestion et au goût du pouvoir. Son sens élevé de responsabilité et son humilité lui ont valu d’être mort en martyr pour son pays. Il ne pouvait en être autrement pour qui sait le combat qu’a livré Modibo pour l’indépendance de sa patrie. La jeune génération devrait apprendre à moins désirer le pouvoir qu’à aimer leur patrie. Le témoignage de son rival Sénégalais Mamadou Dia, est une forte illustration. Le 20 janvier lors de la proclamation de l’indépendance de la fédération du Mali, Mamadou Dia déclare «Modibo fut un élément déterminant non seulement pur l’indépendance de a fédération du Mali, aussi pour celle de l’Afrique de l’Ouest toute entière ». Plus loin Mamadou continue en ces termes « Qu’on le veuille ou non, la silhouette de Modibo Keita émerge de cette histoire encore trouble des premières années des indépendances africaines » (Jeune Afrique, No 856 du 3 juin 1977). Certains dirigeants du Mali ont abandonné le pays pour se sauver et sauver leur famille. L’important pour eux, c’était pour leur propre vie. D’autres, tombant sous le piège de l’illusion de leaders politiques ont pris le pays en otage pendant 23ans avant de se rendre compte de leur ignorance. Et que dire des dirigeants de nos jours ? Peuvent-ils faire preuve de sacrifice pour la cause de la patrie malienne ? L’histoire nous le dira.
J.DJIRE