La FIDH et l’AMDH se félicitent de la décision de la justice malienne de renvoyer devant une cour d’assises l’ex-général putschiste, Amadou Aya Sanogo et 17 autres responsables militaires pour l’exécution de 23 militaires « bérets rouges » en avril 2012 lors de la tentative de contrer le coup d’État militaire de Amadou Aya Sanogo et le CNRDRE. La FIDH et l’AMDH qui accompagnent et représentent les familles de victimes des militaires exécutés appellent à la tenue d’un procès rapide, public et équitable pour garantir le droit des victimes à la vérité et la justice.
Le 22 décembre 2015, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako a ordonné le renvoi devant une cour d’Assises de 18 militaires, dont plusieurs hauts gradés, pour répondre de l’arrestation arbitraire et l’exécution de 21 militaires du corps des parachutistes dits « bérets rouges » début mai 2012.
« Le renvoi devant une cour d’Assises de Amadou Aya Sanogo, ex-putschiste et de ses 17 co-accusés est une grande avancée pour la justice au Mali qui fait ainsi un pas supplémentaire dans la lutte contre l’impunité des crimes commis par l’ex-junte au pouvoir en 2012. » a déclaré Me Patrick Baudouin, avocat des victimes et président d’honneur de la FIDH.
La cour a estimé qu’étaient « suffisamment établies les préventions des crimes d’enlèvements et d’assassinat » contre 6 accusés, dont l’adjudant-chef Fousseyni Diarra dit Fouss ; 10 autres dont le général Amadou Aya Sanogo sont renvoyés pour « complicité d’enlèvement et d’assassinat » et 2 généraux, Yamoussa Camara et Dahirou Dembelé respectivement ancien ministre de la défense et ancien chef d’Etat-major des armées sous la junte, devront faire face à l’accusation de complicité d’assassinat. 9 des 27 personnes qui avaient initialement été inculpés dans ce dossier ont bénéficié d’un non-lieu, dont le Général Sidy Alassane Touré, ancien directeur de la Sécurité d’État. Nos organisations regrettent que le général Touré ait bénéficié de cette mesure en raison du manque de « preuves suffisantes » sur son éventuelle implication en tant qu’auteur ou complice dans ces faits. La cour a par conséquent prononcé la mise en accusation de 18 personnes pour les faits ci-dessus mentionnés.
« En tant qu’avocat des parties civiles qui attendent depuis de longs mois l’issue de cette procédure aussi emblématique méritant un traitement impartial et indépendant, je me réjouis de cette avancée majeure. Les proches des victimes demandent la justice, la vérité et la réparation des préjudices subis, et espèrent qu’un procès pourra se tenir dans les plus brefs délais », a déclaré Me Moctar MARIKO, avocat des victimes et Président de l’AMDH.
Dans le cadre de leurs enquêtes, la FIDH et l’AMDH avaient recueilli en 2012 les témoignages de 23 membres et proches des familles des bérets rouges disparus, ainsi que des mandats pour être représentés par le collectif d’avocats de la FIDH et de l’AMDH en tant que parties civiles dans la procédure judiciaire ouverte au Tribunal de Grande Instance de la Commune III de Bamako, le 7 mai 2012 pour enlèvement et complicité d’enlèvement. Le 28 novembre 2013 et dans les mois qui ont suivi, la FIDH et AMDH se sont constituées parties civiles aux cotés de 23 familles et proches de victimes.
Rappel des faits :
Le 22 mars 2012, le président Amadou Toumani Touré (ATT) était renversé par un coup d’État militaire dirigé par le capitaine Amadou Haya Sanogo, qui prenait la tête du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNDRE). Ce comité est resté l’autorité suprême du pays jusqu’au 12 avril 2012, date de la désignation de Dioncounda Traoré comme président de la transition.
Le 30 avril 2012, les bérets rouges fidèles au président déchu, tentaient de reprendre le pouvoir. Après 3 jours de combats, les pro-Sanogo arrêtaient, détenaient et torturaient de nombreux militaires pro-ATT. Selon les enquêtes menées par la FIDH, l’AMDH et d’autres organisations de défense des droits humains, le 2 mai 2012, 23 militaires, majoritairement des bérets rouges, détenus au camp militaire Soundiata Keïta de Kati, le quartier général des forces de Sanogo, ont été emmenés dans des camions militaires et sont depuis portés disparus.
Le 26 juillet 2012, la justice malienne ouvrait une procédure judiciaire dans cette affaire dite « des bérets rouges disparus ». Les 23 et 30 octobre 2013, trois suspects, le capitaine Amassango Dolo, le Lieutenant Issa Tangara et l’Adjudant-Chef Oumarou Sanogo étaient placés sous mandat de dépôt.
Début novembre 2013, le juge d’instruction en charge de l’affaire inculpait 17 militaires, dont le général Amadou Haya Sanogo.
La 26 novembre 2013, la FIDH, l’AMDH et 21 familles de victimes des militaires des bérets rouges disparus s’étaient constituées parties civiles dans la procédure.
Le 27 novembre, à l’issue de son audition par le juge d’instruction, le Général Amadou Haya Sanogo était inculpé de “complicité d’enlèvement” et placé sous mandat de dépôt. Il avait été arrêté quelques heures plus tôt à son domicile en compagnie du capitaine Christophe Dembelé, l’adjudant-chef Fousseyni Diarra et une vingtaine d’autres militaires. D’autres dont le Colonel Blonkoro Samaké, conseiller à la sécurité de Amadou Aya Sanogo, les sous-lieutenant Soïba Diarra, Lassine Singaré et de hauts gradés comme les généraux Yamoussa Camara et Sidi Touré respectivement ancien ministre de la défense et ancien Directeur de la Sécurité d’Etat, étaient également arrêtés et placés sous mandat de dépôt. Certains dont le général Dahirou Dembelé étaient, eux, placés sous contrôle judiciaire.
Le 3 décembre 2013, le juge d’instruction découvrait un charnier et procédait à l’exhumation de 23 corps dans le village de Diago, non loin de Kati, qui correspondraient aux 23 militaires bérets rouges disparus le 2 mai 2012.
Le 4 décembre 2013, la FIDH et l’AMDH déposaient auprès du juge d’instruction une demande de requalification des charges retenues à l’encontre des inculpés pour « assassinat et meurtre » ainsi que « complicité » des crimes, prévues et réprimées par les articles 199 et suivants du Code pénal.