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Appel à la république : Citoyens maliens, marchons vers une bonne connaissance de la République et un total respect de ses grands principes, pour le bonheur de notre Mali
Publié le mardi 5 janvier 2016  |  L’Indicateur Renouveau
Carte
© Autre presse
Carte du mali
Le pays fait partie de la Communauté économique des États de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) et de l`Union africaine




La République du Mali a proclamé solennellement son indépendance et son accession à la souveraineté sur la scène internationale, le jeudi 22 septembre 1960. Au Mali, nous existons donc, politiquement et juridiquement, en tant que République indépendante, il y a, aujourd’hui, plus d’un demi siècle.

Ne sachant pas ce que c’est que véritablement la République , a fortiori ses principes ou valeurs , très nombreux sont mes concitoyens qui la définissent par certaines figures symboliques ou signes distinctifs , tels que les armoiries , l’emblème , le drapeau , la devise , l’hymne …, qui ne sont pas , au demeurant , propres à la seule République .

C’est, cette terrible confusion et cette totale méconnaissance de cette forme de gouvernement, qui m’ont poussé à vouloir apporter ma très modeste contribution, pour une bonne connaissance de la République et de ses principes ou valeurs, afin que mes concitoyens se comportent donc en véritables républicains, au service de notre patrie pour son bien-être et son mieux-être. Le but principal donc, c’est de vouloir développer la conscience républicaine et l’esprit républicain de mes concitoyens, les Maliens.



Au préalable, il faut souligner que si “Rome a enseigné le droit à la République occidentale comme la Grèce lui a appris la politique et Israël la religion”, il faut le reconnaître, la France, elle aussi, a appris le droit moderne et son système politique au Mali, par le fait de la colonisation. Et c’est pour cette raison que, pour une bonne connaissance de la République, de ses principes ou valeurs, nous nous inspirons ici et fortement de l’histoire et de la doctrine françaises en la matière.

Pour la petite histoire politique, il faut rappeler succinctement, que selon le Professeur Blandine Kriegel, dans son livre “Philosophie de la République” publié en 1998 par Plon, en France, “la République s’est affirmée en France avec Robespierre, le révolutionnaire”. Elle s’est confirmée quatre-vingts ans plus tard avec Thiers , le libéral-conservateur , fait remarquer le Professeur Blandine Kriegel qui poursuit, en indiquant que, pratiquement , l’instauration définitive de la République , régime de l’intérêt général et du bien commun , s’est réalisée par un compromis qui a rassemblé un courant libéral-conservateur antibonapartiste[…] et un courant démocratique […]. En France, selon toujours le Professeur de philosophie politique à l’Université de Paris X –Nanterre, il n’y aurait pas eu d’institution de la République, sans la rencontre de la révolution sociale et de la conservation libérale. On peut donc soutenir que la République a son origine dans la Révolution. Fille de celle-ci, elle a été proclamée en France, les 21 et 22 septembre 1792. Elle a fait son “apparition sous des apparences, dit-on, pénalistes, bellicistes et populistes, sous le forceps de la Révolution ”.

NB : pour les besoins de la cause, nous nous arrêtons ici, en faisant l’économie du développement de tous les aspects historiques de la République.

Après avoir élucidé, succinctement, l’origine de la République en France, posons-nous maintenant la question suivante : qu’est-ce que la République ?

Fréquemment employé aujourd’hui, dans le vocabulaire politique, le terme de “République” possède une multitude de définitions :

– Le Dictionnaire le “Petit Robert”, nouvelle édition, 2015, définit la République comme suit : « forme du gouvernement où le pouvoir et la puissance ne sont pas détenus par un seul, et dans lequel la charge de Chef de l’Etat (président) n’est pas héréditaire. » p.2209 ;

– Le Dictionnaire de la politique par Jean-Noël Aquistapace, collection Seghers-Paris 1966, définit la République comme un « système politique dans lequel le Chef de l’Etat tient ses pouvoirs de la volonté populaire exprimée par le vote direct de tous les citoyens ou par le vote d’un collège restreint d’électeurs, eux-mêmes élus par le peuple »p.124 ;

– Le Dictionnaire de la Science politique et des Institutions politiques , 7ème Edition revue et corrigée , publié par Armand Colin-2010 , 21 rue de Montparnasse-75006-Paris, définit la République à son tour ainsi :«[…]la construction d’une res publica suppose, l’extension d’un espace public formé de citoyens vertueux se vouant exclusivement au seul bien public , méprisant du même coût la recherche individualiste de leur bonheur privé de même que la défense de cultures particularistes. La République s’identifie dans cette perspective propre au cas français, aussi bien à l’Etat qu’à la nation. »p.272 ;

– Pour le Professeur de philosophie politique, Blandine Kriegel, dans son livre « Philosophie de la République » Plon, 1998-France et à la page 13, la réponse semble aller de soi : « liberté, égalité, fraternité », ou encore la société politique où l’autorité s’exerce par la loi sur des individus libres et égaux. ». Il faut remarquer que cette définition de la République est également celle d’Aristote : « la société qui a en vue l’intérêt général et où l’autorité s’exerce par la loi sur des hommes libres et égaux. » Cf : Blandine Kriegel « Philosophie de la République », Plon 1998 –France -P.32.

Auteur de l’antiquité, l’énoncé d’Aristote est, cependant, toujours actuel, à en croire le Professeur Blandine Kriegel. Nous sommes du même avis que le Professeur .

Il est aisé de constater que dans cette multitude de définitions de la République, il n’y a pas une définition et une seule qui tranche, pour faire autorité sur toutes les autres définitions. Les définition, à notre avis, se recoupent et se complètent souvent.

Pour le besoin de la cause, nous retenons que la République qui a en vue l’intérêt général ou le bien commun, est conforme à la justice, à l’équité et à l’égalité entre les citoyens, sur la base du système de la méritocratie. Et nous pensons également, que le fondement de la République démocratique, c’est aussi l’Etat de droit et les droits de l’homme.

Après avoir compris ce que c’est que la République et son origine historique, voyons à présent la liste des grands principes de la République. Cette liste, sans être exhaustive, dénombre, à notre avis, trois (3) principaux principes républicains qui sont : la liberté, l’égalité et le mérite.

1- La liberté : en effet, les droits civiques concernent aussi les libertés suivantes :

a- Liberté de parole : elle est très importante. Sans elle, il n’y a pas de contestations, de débats et de désaccord et la vérité sera difficile à trouver ;

b- Liberté de presse : une presse libre pour que les citoyens aient le droit de dire leurs avis sur les affaires de l’Etat et sur la conduite du gouvernement, est une exigence républicaine et démocratique. Les journaux, la radio et la télévision …ne doivent pas être proches de certains partis politiques ou milieux politiques, pour œuvrer en leur faveur. Nous devons avoir une presse indépendante, objective, impartiale et neutre, dans la mesure du possible.

A nos hommes de presse, nous demandons de réfléchir sur ce qu’avait dit, dans son discours de réception à l’Académie française, Ernest Renan, le 3 avril 1879 : « le meilleur écrivain est celui qui traite un grand sujet et s’oublie lui-même pour laisser parler son sujet. » Cf : la thèse de Doctorat en Science politique, du Dr. Oumar Aba TRAORÉ, p.2. (Thèse soutenue le 1er avril 1987 à l’Université LAVAL – Québec City – Canada) ;

c- Liberté de réunion : les citoyens doivent être libres de se réunir pour réfléchir et débattre, en vue de prendre des décisions sur des sujets à caractère politique, social, culturel, économique etc. ;

d- Liberté de la religion : cette liberté fait l’objet de la théorie très controversée de la laïcité, « principe juridique et institutionnel désignant la séparation de l’Eglise et de l’Etat » et donc, “ la neutralité confessionnelle de la République », pour les uns, c’est-à-dire les occidentaux, et la jonction de l’Etat (la politique) à la religion, selon les autres, c’est-à-dire, les musulmans et donc l’islam. Les uns et les autres doivent s’accepter et se respecter, dans la plus grande tolérance. Théorie, encore une fois, très controversée de la laïcité, Allah pour les uns – Dieu pour les autres – jugera de ce qui les oppose. En attendant, à la conscience de chacun d’en juger différemment dans la tolérance et dans la paix ;

e- Liberté de circulation : les citoyens ont le droit de se déplacer librement à l’intérieur de leur pays. Au Mali, parfois, on fait entorse à ce principe républicain. Ainsi , à titre d’illustration , sur de nombreux grands axes de la circulation routière, dont la route Bamako-Mopti que nous connaissons bien , les policiers et les gendarmes arrêtent, souvent, les autocars à l’entrée ou à la sortie des agglomérations rurales et urbaines , pour demander aux citoyens-passagers de présenter les cartes nationales d’identité. Ces policiers et gendarmes font descendre des autocars les citoyens-passagers qui ne possèdent pas de cartes nationales d’identité, pour les arnaquer , en leur faisant payer de l’argent sans reçu , l’argent sale condamné par la loi , qui va dans leurs poches.

Ces gendarmes et policiers et beaucoup de citoyens maliens ignorent, que la carte nationale d’identité n’est pas un document de voyage. Elle est exigée seulement à l’occasion de certaines opérations à caractère administratif, financier, bancaire…pour identifier le citoyen. C’est le passeport seul qui sert de document de voyage, pour les citoyens qui veulent se rendre à l’étranger.

Ces gendarmes et policiers violent délibérément l’article 5 de la Constitution malienne du 25 février 1992 qui reconnaît aux citoyens « la liberté d’aller et venir », dans leur pays.

Les états-majors de la Gendarmerie et de la Police doivent prendre des dispositions, pour faire cesser la violation de l’article 5 de la Constitution malienne du 25 février 1992, qui est un grand principe de la République.

Par ailleurs, il faut souligner que cette arnaque de la Police et de la Gendarmerie sur les grands axes de la circulation routière ne date pas d’hier ou d’aujourd’hui. Elle vient de loin. Elle a voyagé sous les cieux de la 2ème République et de la 3ème République du Mali et devient inquiétante de nos jours, faisant obstacle à la liberté de circulation des citoyens.

Comme on peut le remarquer aisément, il s’agit ici des libertés précises, bien réfléchies et définies légalement , en un mot, des principes républicains , véritablement. Il ne s’agit donc nullement, de cette forme de liberté indigne où l’homme se déshumanise totalement, en se rapprochant de la bête sauvage. Il ne s’agit non plus, de cette forme de liberté inqualifiable qui frise l’anarchie et le désordre , le laisser aller , le laisser faire , le laisser agir et le laisser dire n’importe quoi , qui permet tout et qui offense même l’autre pour le blesser dans sa dignité . A cette forme de liberté indigne et inqualifiable, l’adage donne la réponse suivante : « ma liberté s’arrête là où commence la liberté de l’autre. »

Tous les hommes étant libres et égaux, nul n’a le droit, cependant, de nuire à un autre, dans sa vie, sa santé, sa liberté, son bien, sa culture et sa façon de vivre sa vie, son mode de vie.

La liberté, celle qui a valeur d’un principe républicain, suppose en effet, l’égalité, l’égalité naturelle du droit naturel […] et l’égalité juridique de la liberté de conscience ;

2- L’égalité : la Déclaration des droits de l’Homme affirme : « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux [aux yeux de la loi] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon les capacités et sans autre distinction que celles de leurs vertus et de leurs talents. »Cf : Blandine kriegel dans son livre « Philosophie de la République », Plon – France 1998, p.198.

Cela étant établi, nous disons que le concept général de l’égalité englobe et traite, à notre avis, cinq (5) types d’égalités :

a- Egalité politique : elle signifie, un droit égal à élire et à se faire élire. Tout citoyen qui jouit de ses droits civiques et politiques, peut être élu à une fonction publique dans le respect de la loi ;

b- Egalité devant la loi : tous les citoyens seront traités de la même manière par le système judiciaire. Les citoyens doivent accepter de respecter la loi, sous peine de sanctions. Le système judiciaire doit être impartial et régler les litiges entre les citoyens conformément à la loi.

La justice digne de ce nom, est le respect même de la dignité humaine et de l’égalité des citoyens devant la loi, sans aucune distinction ou préférence. Indépendante, elle doit être rendue, au nom du peuple malien et de manière impartiale. Aujourd’hui, il faut le dire, notre justice est beaucoup attaquée dans sa réputation. A prêter une oreille attentive aux justiciables, beaucoup de citoyens ne semblent pas faire confiance en la justice. Ils ne semblent pas être fiers de notre justice. Il va falloir donc, pour répondre aux légitimes attentes des citoyens de la République du Mali, procéder à des réformes de la carte judiciaire de l’organisation de la justice et même, de changer surtout le comportement total des gens de justice, pour le seul bonheur de notre société et de notre République.

Le principe d’égalité implique, ipso facto, l’égalité devant la loi. La République, en rendant la justice, en administrant le pays, en réalisant l’ordre et la distribution des revenus, doit observer l’égalité et l’équité entre les citoyens. La bonne justice et la bonne administration doivent être la règle de la bonne conduite de la République. Nous disons que si le peuple se cherche un miroir, c’est bien dans sa justice qu’il le trouvera ;

c- Egalité des chances : les citoyens doivent pouvoir gravir ou descendre les échelons sociaux, selon les capacités. L’égalité des chances, suppose un système de mobilité sociale : aucune barrière artificielle ne devrait empêcher un citoyen de passer d’une classe sociale à une autre.

Au Mali d’aujourd’hui, pour être déclaré admis à un concours ou à un examen, le citoyen doit payer une certaine somme d’argent ou être appuyé, protégé, recommandé et pistonné. De la même manière, il arrive parfois que le fonctionnaire qui veut être muté à un « bon poste », paye de l’argent ou bénéficie d’un coup de pouce, d’une recommandation. Il est pistonné par un haut responsable. Dans ces conditions, l’égalité des chances qui est un principe républicain est délibérément violée.

Des dispositions doivent être prises pour faire cesser ce fléau social endémique et cette injustice criarde qui, à moyen ou long terme, peuvent faire mal à la République et ternir son image, voire sa réputation de forme de gouvernement moderne de qualité, et très appréciable ;

d- Egalité économique : il ne s’agit pas de donner le même revenu à tous les citoyens de la République. Cette égalité complète des revenus serait une injustice, car elle ne tiendrait pas compte des différences des besoins et des compétences des individus, des citoyens de la République. L’égalité économique dont il s’agit, signifie que tous les membres d’une société doivent jouir d’un minimum de sécurité économique, car un niveau de pauvreté excessive peut empêcher le citoyen de jouer pleinement son rôle et de participer activement à la vie même de la République ;

e- Egalité sociale ou égalité de respect : ce type d’égalité, suppose l’absence de distinction d’ethnies, de classes ou de rangs. Les gens d’origines, de situations et de revenus fort divers…doivent accepter de vivre harmonieusement dans la République.

La République, la Nation et la Démocratie ne connaissent –il faut le dire –ni le Bambara, ni le Malinké, ni le Peulh, ni le Targui , ni le Sonrhaï , ni l’Arabe , ni le Soninké , ni le Senoufo , ni le Dogon…ni le blanc , ni le noir.

La République, la Nation et la Démocratie ne connaissent que, la citoyenne malienne et le citoyen malien. C’est tout. La République, la Nation et la Démocratie ont pour but, de détruire toutes les barrières artificielles et négatives qui séparent les hommes, afin de créer un espace de rencontre et de rapprochement convivial pour les membres de la société, société où il fait bon vivre. Telle doit être la philosophie politique et sociale de notre peuple et c’est vers tel objectif noble et juste que doit évoluer la République du Mali. Inch Allah.

NB : tous les grands principes de la République sont identiques, à une exception près, aux principes classiques et universels de la Démocratie pluraliste. Cf : Dr. Oumar Aba TRAORÉ, in « Mon combat pour le Mali » publié par l’Harmattan à Paris en 2005. p.64 à 67.Il faut dire que les principes républicains énumérés ici, sont tirés du même livre parce que identiques, à une exception près, encore une fois, aux principes de la Démocratie pluraliste.

« Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs» dit l’article 2 de la Constitution malienne du 25 février 1992. Pour transformer cela en acte, nous devons instituer le système de mérite, dans notre tradition administrative et républicaine avec des règles du jeu bien définies, acceptées et respectées par tous les citoyens de la République .

3- La méritocratie : ce « système méritocratique organise la sélection aux emplois à partir d’un contrôle strict des compétences de chacun. Impliquant un déclin du mode d’attribution patrimonialiste, une remise en question de tout mode de répartition des emplois de type clientéliste […], dans la mesure où les acteurs occupent désormais les emplois, en dehors de tout lien communautaire. […] ».Cf : le Dictionnaire de la Science politique et des Institutions politiques –Armand Colin, 2010-Paris-France p.176.

En clair, et sur la base de ce système fondé sur le mérite, les agents et cadres de l’Etat doivent – citoyens de la République – occuper des emplois et obtenir des promotions, selon leur capacité, sans aucune distinction sociale, politique ou partisane, que celle de leurs vertus et talents, uniquement.

Et dans cette optique, en République du Mali, pendant que nous vivons à l’ère du multipartisme intégral, l’Administration doit être totalement dépolitisée, comme nous l’écrivions, déjà, en 1999, et publié dans notre livre « Mon combat pour le Mali » l’Harmattan – Paris 2005. Nous avions écrit ceci :« Nous ajoutons pour notre part qu’une administration neutre et apolitique digne de ce nom , composée de fonctionnaires dotés de plans de carrière et des garanties d’impartialité en matière d’avancement et de promotion, est une administration digne d’une Démocratie pluraliste, respectueuse de la tradition républicaine, basée essentiellement sur les critères d’équité , de justice et d’égalité entre citoyens »p.93.

Pour Bernard Gournay, Jean-François Kesler et Jeanne – Swek ponydesseau « lorsque le critère intellectuel l’emporte, les agents de l’Etat sont jugés sur leur intelligence et leurs connaissances. Les hauts fonctionnaires ne sont pas fournis par les partis politiques, ils sont recrutés par l’Université. » Cf : le livre « Administration publique », PUF –Paris 1967 , p.361.

Et Bernard Gournay, d’écrire encore ce qui suit : « une administration composée de fonctionnaires inféodés à un parti est une menace pour les libertés publiques […]. Une administration politisée constitue par elle-même une violation du principe démocratique de l’égale admissibilité des citoyens aux emplois publics, sans autre distinction que celle de leurs vertus et leurs talents. ».Cf : le livre « Introduction à la Science administrative » Armand Colin 1966 Paris – pp.236-237.

Nous devons aujourd’hui, mettre en place au Mali, une administration républicaine, sans ambages. Cependant, « il faut éviter l’inamovibilité des titres et des postes de notre administration : il y a des responsables administratifs et techniques qui restent à leurs postes pendant plus de dix (10) ans. Dans ce cas, il s’agit, véritablement, d’une appropriation privée de la puissance publique. Ces titulaires de postes finissent par croire qu’ils sont indispensables et qu’ils sont même les possesseurs légitimes de la souveraineté de l’Etat. Ils vont jusqu’à nommer les siens, leurs fidèles et ils dépensent l’argent public comme ils veulent. Cela fausse la tradition républicaine. ». Si nous n’évitons pas cela aujourd’hui, nous risquons d’instituer au Mali ce que l’ancien Premier Ministre français, Monsieur Dominique de Villepin appelle « la République des camarades ». Alors, il faut adopter, dès aujourd’hui, le principe de renouvellement, de rotation, de contrôle, de récompense du mérite et de sanction en cas de faute.

Par ailleurs, il faut préciser qu’il y a la haute sphère politique et la haute sphère publique (administrative) qu’il ne faut pas confondre, et dont il faut respecter les champs. Cela étant établi, le cabinet présidentiel et les cabinets ministériels sont des structures qui relèvent de la haute sphère politique. Là, dans l’entourage immédiat des dirigeants, on peut trouver des militants des partis politiques, des amis politiques, des hommes de confiance et même des compétences techniques, en récompense de leur fidélité ou pour le service rendu. Cela dépend du pouvoir discrétionnaire du dirigeant. Les directions nationales et autres structures purement administratives et techniques sont réservées exclusivement aux agents et cadres de l’Etat, pour leur technicité, leur expérience et leur professionnalisme. Ces hauts fonctionnaires, doivent être recrutés et promus, non pas sur la base des critères politiques ou partisans, ou d’un quelconque pouvoir discrétionnaire, mais bien en raison de leur seul mérite. Ils doivent être sélectionnés, suite à un appel à candidature, un test, un concours ou un plan de carrière…qui sont, il faut le dire, des symboles républicains de l’équité, de justice et d’égalité. A cet effet, ce sont des textes juridiques, réglementaires ou législatifs, qui doivent être adoptés, pour officialiser ces dispositions rendant leur application ou exécution obligatoire. La sélection étant ainsi opérée, sur la base des symboles républicains, le gouvernement de la République, doit l’entériner, par un décret pris en Conseil des Ministres. Telle est la règle du jeu, pour conforter la méritocratie républicaine.

Appel : nous devons revendiquer, et à juste raison, la méritocratie républicaine, véritable grand principe de la République, car au Mali, la culture de faveur, de népotisme et de relation basée sur l’argent est enracinée au plus profond de la conscience populaire, faisant de l’inégalité la règle du jeu dans notre société. La conviction des citoyens maliens d’hier et d’aujourd’hui est que, seule la faveur basée sur les relations de famille, d’amitié et des alliances… « décide et non le mérite. ».On dit souvent chez nous : « un coup de pouce vaut mieux que cent ans d’études », pour justifier et favoriser l’avancement et la promotion d’un individu. «Pour avoir ce que l’on veut, il faut passer par la recommandation, les démarches, les interventions, les pressions et le piston. »Il y a même des citoyens-cadres qui obtiennent « des faveurs ou privilèges au prix de mille bassesses ». Quelle honte ! Honte à eux ! Ces citoyens-cadres ignorent complètement le DESTIN, et c’est pourquoi, ils se prostituent pour tenter d’obtenir des faveurs ou des privilèges de la vie.

Alors, il est ainsi créé deux catégories de citoyens en République du Mali : ceux qui savent faire la cour, qui se mettent à genoux, s’humilient et qui gagnent des faveurs et privilèges, en perdant leur dignité et ceux qui tiennent à sauvegarder leur dignité et qui perdent des faveurs et privilèges. On est donc en droit de se poser la question suivante : dans quelle République sommes-nous ? Les principes et valeurs de la République étant bafoués ! Nous devons redresser la situation, et faire la promotion de la méritocratie républicaine, en faisant prendre des textes règlementaires ou voter des lois allant dans ce sens.

NB : il faut signaler par ailleurs, que le Malien, culturellement parlant, est très sensible à la flatterie, et le responsable malien est suspendu aux lèvres de son laudateur à qui, souvent, il accorde ses faveurs, nous rappelant ainsi, le corbeau et le renard de la fable de La Fontaine.

A l’esprit de cour, doit se substituer l’esprit républicain. Une véritable méritocratie républicaine est fondée sur le droit, l’égalité et la capacité. « A chacun selon, selon ses talents et mérites ». La flatterie et la courtisanerie sont des moyens moralement bas, vils et sans dignité pour parvenir à ses fins. Lorsque l’homme perd sa dignité, qu’est-ce qui lui reste dans la vie ? Etre une bête sauvage ?

L’ancien Premier Ministre français, Monsieur Dominique de Villepin écrivait : « Que l’on compare le bonheur ressenti lorsqu’on obtient un résultat par son mérite plutôt que par la faveur (courtisanerie).Le premier ennoblit et donne confiance en soi, le second dégoûte et avilit. » Cf : Dominique de Villepin in « De l’esprit de cour la malédiction française » les Editions Perrin -2010, p.222.

Nous disons donc : sauvons la dignité du citoyen. Car, il faut rappeler qu’une des caractéristiques du peuple malien, c’est son sens très élevé de la dignité, et donc le malien digne de ce nom doit être jaloux de sa dignité. Restituons donc au citoyen sa dignité, en instituant la méritocratie républicaine au Mali. Ne reconnaissant que le principe méritocratique, jugeons les agents et cadres-fonctionnaires de l’Etat, à l’aune de leur valeur uniquement, et de leur capacité uniquement, pour le bonheur du Mali.

Après ce survol de la République et de ses grands principes ou valeurs, on peut maintenant affirmer et soutenir que la République, est une forme de gouvernement qui, tout en visant l’intérêt général ou le bien commun, est conforme à la justice. La forme moderne de la République, c’est le droit de l’homme et c’est l’Etat de droit, son fondement.

On remarque aussi, que les grands principes ou valeurs de la République s’entremêlent et se recoupent parfois, dans l’harmonie. C’est le cas de l’Egalité et de la Méritocratie.

Il faut souligner avec pertinence, que la célèbre Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et la prestigieuse Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée , le 10 décembre 1948, par l’Assemblée générale des Nations Unies, entre autres, constituent la sève enrichissante de la République démocratique de notre époque.

Mentionnons aussi, après analyse, que la République, l’Etat, la Nation, la Démocratie, la Citoyenneté, les Droits de l’Homme et l’Etat de droit…se côtoient, harmonieusement, et se complètent aussi parfaitement. L’un ne peut pas aller sans les autres, et vice versa.

Nous souhaitons, du fond du cœur, que dans notre future Constitution, la Constitution malienne, l’accent soit mis davantage sur les principes universels de la République et la définition du citoyen, ainsi que les droits du citoyen malien. Nous devons veiller à l’application correcte et rigoureuse de ces droits, après une large diffusion.

Enfin , après plus d’un demi siècle d’indépendance de notre République , nous pensons tout haut, que la refondation et la modernisation de l’Etat au Mali s’imposent à notre génération, d’où la proposition de mettre en place une commission pluridisciplinaire de réflexion sur la refondation et la modernisation de l’Etat et partant de la République, qui, aujourd’hui , plus que jamais , restent d’actualité en ce 21ème siècle.

Citoyennes et citoyens du Mali…, connaître la République…, respecter ses principes…, pour le grand bonheur de notre Mali.

Citoyennes et citoyens du Mali, il est nécessaire d’acquérir une bonne connaissance de la République et de ses valeurs, une culture républicaine et un comportement républicain pour être véritablement républicain, au service exclusif de la République. Soyons républicains, de toute notre âme, au nom de la justice et du bonheur de tous !

Vive la République !!!

Bamako, le 5 janvier 2016

Dr. Oumar Aba TRAORÉ, Ph.D.

Docteur en Science politique

Diplôméde L’Université LAVAL – Québec city – Canada

Domicilié à Banankabougou – SEMA
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