Lundi 21 décembre 2015, Ladji Bourama convoque son gouvernement dans la plus extrême urgence. A voir le défilé des limousines ministérielles à Koulouba, on aurait juré que l’armée malienne venait de capturer Iyad Ag Ghali et que l’on organisait, au palais présidentiel, le jugement du chef terroriste. Mais le but du Conseil des Ministres extraordinaire était tout autre: il s’agissait de décréter l’état d’urgence.Nous autres, illettrés, avions pensé que le gouvernement entendait, comme en France, interdire les rassemblements lors des fêtes de fin d’année et ainsi ôter aux éventuels terroristes des cibles de choix. Mais voilà: à peine l’état d’urgence fut-il décrété que les ministres se sont succédé au parloir pour dire qu’il a pour but de ne…rien empêcher. Et de fait, l’état d’urgence n’a nullement empêché le prêcheur Ousmane Madani Haidara de célébrer, comme chaque année, le “Maouloud” devant des milliers de fidèles réunis au Stade du 26 Mars. Parmi les personnalités présentes au Stade, devinez qui ? Thierno Diallo, le ministre des Affaires Religieuses en personne ! Haidara révèlera même que pour l’occasion, Ladji Bourama lui a fait parvenir quatre boeufs et du poisson. L’histoire ne dit pas si le véhicule transportant ces sacrés colis a été fouillé en route par les forces de l’ordre…Les chrétiens ont, de leur côté, fêté Noël dans la plus grande ferveur. Quant aux cortèges de mariage, ils n’ont pas cessé de pétarader dans la capitale toute la journée du jeudi. Sans compter les fêtards du 31 décembre et les noceurs de l’élection “Miss ORTM”. Pourquoi, diable, les foules se seraient-elles gênées quand le ministre de la Sécurité lui-même assure en conférence de presse, le 23 décembre 2015, que “l’état d’urgence n’est pas institué pour empêcher les fêtes” de “Maouloud”, de Noël ou de la Saint-Sylvestre ? Alors, question à mille dollars azawadiens: pourquoi le gouvernement a-t-il attendu la veille du “Maouloud”, de Noël et la Saint-Sylvestre pour décréter l’état d’urgence ? Pourquoi avoir convoqué, pour édicter cette mesure d’exception, un conseil des ministres extraordinaire ? L’état d’urgence, version Ladji Bourama, vise-t-il simplement à interdire la chasse aux oiseaux ? En tout cas, avec le fameux décret d’état d’urgence, les enfants ont un objet d’un nouveau genre: un décret-jouet !
Au moment l’état d’urgence amuse la galerie, que voyons-nous ? Le vice-président du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) en meeting! Dans l’Azawad ? Que non! Quelque part dans le désert algéro-maliano-nigérien? Vous n’y êtes toujours pas ! Le meeting se tenait en plein Bamako, samedi 19 décembre 2015 ! Eh oui ! Après que son mouvement a endeuillé le nord, liquidé nos soldats et, aux dernières nouvelles, égorgé 7 préfets et sous-préfets, Mamadou Djery Maiga rassemble la jeunesse de la commune 6 sur le terrain de basket des 1008 logements sociaux de Yirimadio. Spectacle étonnant, dites-vous ? Maiga est le premier à le reconnaître: “Il fut un moment où personne ne pouvait imaginer que Djery Maiga serait à Bamako, à fortiori viendrait discuter avec les populations de Bamako: cela veut dire tout simplement que le processus de paix est en marche !”. Aux dires du grand chef dont le mandat d’arrêt est, depuis belle lurette, rangé au panier, sa démarche n’est pas solitaire: “C’est une démarche que les responsables de la Coordination des Mouvements de l’Azawad et de la Plateforme ont entreprise depuis quelques jours. Le général Gamou et Algabass Ag Intallah se trouvent à Hanour et Bilal Ag Cherif au camp de refugiés de M’béra pour sensibiliser les populations” aux accords de paix du 15 mai et du 20 juin 2015. Selon le compère azawadien, ceux qui ont refusé de signer ces accords sont “ennemis de la paix, de la CMA et de l’ensemble du peuple malien”. L’orateur, qui sait sans doute de quoi il parle, conseille: “Nous devons tourner le dos aux anciennes pratiques : que de l’argent soit versé aux anciens rebelles et que le reste de la population ne sente pas de changement après la crise.”.Désireux d’écarter par avance les intrus du festin annoncé (postes de ministres, de douaniers, de colonels et autres machins), Maiga prévient: “L’accord de paix, c’est tous les Maliens, mais le Comité de suivi de l’accord, c’est trois entités : le gouvernement, la CMA et la Plateforme. Aucun autre mouvement créé à la va-vite n’en fera partie”.Et si la jeunesse de Yirimadjo fondait un mouvement de soutien aux accords de paix ? Réponse du très affamé Maiga qui ne veut rien partager: “Ce serait une bonne chose, mais il est impossible que ce mouvement siège au Comité de Suivi!“.
Voyez-vous, l’Etat malien n’existe plus que sur le papier et dans de vieux manuscrits archéologiques comme le programme de Ladji Bourama intitulé “Mali d’abord, inch Allah”. Comment en douter quand les décrets de l’Etat servent de jouets et que des souris enturbannées, comme le MNLA, viennent danser dans son nez ?Il ne reste plus qu’à transformer la CMA elle-même en parti politique: deux leaders de ce groupe de bandits ne siègent-ils pas déjà au parlement ? Et au lieu d’état d’urgence, le Mali éprouve plutôt l’urgence d’un Etat. Il lui faut d’urgence se doter d’un Etat sur le museau duquel les souris ne feraient pas la fête.
Tiékorobani