L’enlèvement de la ressortissante suisse à Tombouctou la semaine dernière rappelle les moments ayant précédé la descente aux enfers en début 2012. Mais il n’y a pas que ce rapt, d’autres faits montrent que le nord du Mali évolue lentement vers une prolongation de la terreur et la naissance d’autres velléités. La preuve, des phrases récemment prononcées par des acteurs pour décrire le processus de paix.
Mettant à profit une conférence, Maitre Harouna Touré affirmait sans retenue que la prochaine rébellion sera décisive au Nord du Mali, car l’accord de paix d’Alger n’aurait pas répondu aux attentes des populations du septentrion malien. L’avocat natif du nord, ayant (ou presque) pris le maquis pour faire pièce à l’irrédentisme Touareg né en 2012, a surpris du monde avec cette déclaration un peu osée en décembre dernier.
Harouna comme d’autres défenseurs de l’intégrité du territoire national incarnait pourtant l’espoir de tout un peuple en donnant un visage aux milices d’autodéfense. C’est contre vents et marées qu’ils se sont battus pour figurer sur la liste des groupes armés invités à la table des négociations de paix à Alger, mais toujours opposés aux sécessionnistes du Mouvement national de libération de l’Azawad(MNLA) et alliés.
La question est de savoir ce qui s’est passé pour que la belle communion d’idée entre Harouna et les autorités soit mise à mal. En réalité, c’est la méthode d’IBK pour réinstaurer la paix qui a été vertement critiquée par celui dont l’action de « sauvetage » a été saluée en juin dernier lors de la signature de l’accord de paix. « Merci de n’avoir pas franchi la ligne rouge », s’exclamait le président Keïta lors de la cérémonie de signature de l’accord à Bamako.
Si récemment les rebelles du MNLA sont restés relativement silencieux sur le processus de paix, ils demeurent pour la plupart méfiants quant à la suite de l’accord. Le tonitruant représentant du MNLA en Europe, Moussa Ag Assarid, n’a pas une seule fois soutenu l’accord et le fait savoir chaque fois qu’il en a l’occasion. La branche qu’il représente pourrait applaudir à l’idée que le désenchantement se soit emparé des signataires de l’accord d’Alger.
Les déclarations inquiétantes au sujet de la fragilité du processus de normalisation viennent également de la société civile qui attend aussi que les autorités revoient leur façon de travailler. Même les organisations patronales arrivent quelques fois à lancer des pics contre le pouvoir dont les soucis sont ailleurs, selon des syndicalistes n’attendant que le bon moment pour contraindre le gouvernement à engager des réformes sociales. Par ailleurs, les leaders politiques et d’organisations de la société civile jugent nécessaire la formation d’un gouvernement d’ouverture pour une période transitoire permettant d’aplanir les difficultés du pays.
Le ton était particulièrement hostile chez les enseignants du « Supérieur »qui menaçaient d’aller en grève illimitée dès le début de l’année. Si l’école venait à renouer avec cette méthode radicale, ce serait la fin d’un « Gentleman Act » qui a permis au pays de connaître une accalmie sur le plan académique depuis la transition politique dirigée par Dioncounda Traoré.
Soumaila T. Diarra