L’insécurité généralisée, avec à la clé des crimes ignobles, la mauvaise gouvernance et son cortège de scandales, une presse bâillonnée ; ce sont là quelques réalités contenues dans le bilan rétrospectif des faits marquants de l’année 2015 au Mali. Un tableau presque catastrophique, selon Soumaïla Cissé, président du parti Urd et non moins chef de file de l’opposition malienne, qui, pour présenter ses vœux aux hommes de média, a animé une conférence samedi 9 janvier dernier à la maison de la presse. Occasion pour l’opposant en chef de revenir sur les dérives du pouvoir en place, de dénoncer l’insécurité qui gangrène le pays et la lenteur dans laquelle baigne le processus de paix. Le tout assorti d’une série de recommandations susceptibles de faire bouger les lignes.
En 2015 comme en 2014, la déception est grande pour notre peuple face aux promesses non tenues sur le plan de la sécurité, du retour de la paix, de l’amélioration des conditions de vie et de l’emploi des jeunes. En effet, la situation sécuritaire s’est plutôt dégradée en 2015. La preuve ? Au moins 346 personnes ont été tuées au cours d’une centaine d’incidents. Aujourd’hui, du nord au sud, « l’insécurité s’est installée de façon presque permanente », aux dires de Cissé. Et la peur a gagné les Maliens qui ont encore en mémoire l’atrocité commise le 20 novembre 2015 à l’hôtel Radisson.
Face à cette situation de détresse généralisée, le parti Urd, hier comme aujourd’hui, exige du gouvernement plus d’efforts pour doter nos forces armées et de sécurité en équipements adéquats leur permettant d’assurer efficacement leurs missions de protection des personnes et de leurs biens. Au-delà, le parti recommande à la communauté internationale d’accélérer le processus de cantonnement et de désarmement des groupes armés du Nord.
En ce qui concerne le processus de paix, le temps semble donner raison au parti Urd, qui avait (dès les premières heures) redouté la signature d’un accord dont l’application entrainerait le pays vers une autre crise. « Nous ne sommes pas loin d’un tel scénario aujourd’hui dans la mesure où les formats et les calendriers ne sont pas tenus, la confiance se fait attendre et nous sommes devenus tributaires des évènements », selon Soumaïla Cissé. Qui en veut pour preuve ces faits palpables : le cantonnement n’est toujours pas effectif; le comité de suivi piétine; l’administration n’est toujours pas de retour; et les réfugiés tardent à regagner leur foyer.
Quant à la gouvernance, que dire de plus ? L’Urd continue et continuera, selon son président, à dénoncer avec force le pilotage à vue sans cap, ni vision; les scandales financiers à répétition; l’impunité érigée en système; la politisation de l’administration; la caporalisation des médias d’Etat; le népotisme et la patrimonialisation des moyens de l’Etat…et la gestion désastreuse des logements sociaux.
Aujourd’hui, « les discours d’autosatisfaction prononcés çà et là, au-delà des promesses toujours renouvelées et jamais tenues, la réalité, celle vécue au quotidien par les Maliennes et les Maliens est de plus en plus intenable et le cri des habitants de Mandiakui et de Bla est celui de tous nos concitoyens des campagnes et des villes », martèle Soumaïla Cissé. Aussi, déplore-t-il, la cacophonie autour de la communication gouvernementale sur l’Etat d’urgence, et l’éternelle attente des suites judiciaires réservées aux nombreux scandales de corruption révélés en 2014.
Le Mali, un pays malade de sa gouvernance
À en croire Cissé, le peuple malien a les ressorts pour rebondir. Faudrait-il cependant qu’il voie le bon exemple, venant notamment de nos gouvernants. Mais hélas ! Le pays est malade de sa gouvernance, toutes choses qui plongent notre économie dans une dangereuse léthargie.
En somme, l’année 2015 a été l’année de la déception et de la désillusion. Cependant, « ce tableau presque catastrophique de notre pays ne doit pas nous faire perdre de vue que notre peuple aspire à la paix, à la quiétude dans la solidarité et le partage », dixit Soumaïla Cissé. Qui promet que son parti luttera pour la satisfaction des aspirations du peuple. « C’est notre credo, c’est notre mission, nous les assumerons inch Allah, jusqu’au bout ! », dit-il.
Ainsi, le parti invite le président de la République et son Gouvernement à mieux tenir le gouvernail du bateau Mali en constante perdition. Pour ce faire, l’Urd suggère, entre autres, l’instauration d’un véritable dialogue républicain autour des sujets d’intérêt national; l’assainissement de la gestion des fonds publics, en général, et l’attribution des marchés publics en particulier. Aussi, le parti recommande une lutte implacable contre la corruption et l’indiscipline budgétaire ; la fin des dépenses de prestige; et le renforcement des moyens des forces de sécurité.
Un des points saillants de la rencontre aura été l’hommage rendu à la presse nationale et internationale par le président de l’Urd. Ces hommes de média qui ont également vécu une année particulièrement éprouvante, dont le bilan se chiffre à 110 (chiffre fournit par Reporters Sans Frontières) journalistes tués ou décédés de mort suspecte. « C’est triste et inadmissible…Aucun démocrate, épris de paix et de justice, ne doit rester simple spectateur face à une situation aussi préoccupante qu’intolérable », commente Soumaïla Cissé, dont le parti se dit disposé à approfondir et à appliquer toutes les initiatives visant à protéger les journalistes contre les exactions.
Pour le conférencier, une presse de qualité, disposant de moyens adéquats et de personnels bien formés est un gage de saine information. « C’est pourquoi, l’inscription budgétaire pour 2016 de l’aide à la presse de 190 millions de francs CFA dont 90 millions logés à la Présidence de la République et 100 millions au département de tutelle nous laisse perplexe quant à la sincérité et à la transparence de l’utilisation de cette aide », indique-t-il. Avant de saluer la mise en place effective de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (Haac) qui, souhaite-t-il, contribuera au confort de la démocratie en faisant de la presse et des médias une tribune de débats d’idées, exempte d’invectives et d’injures.
I B Dembélé