Après plus de 30 ans de carrière musicale, notre compatriote Kalori Sory vient de ranger le micro et quitter la scène. Il a perdu son dernier combat de la vie hier mercredi à l’âge de 65 ans.
De son vrai nom Ibrahim Sory Kouyaté, ce griot bon teint est venu tout naturellement à la musique dès l’âge de 12-13 ans. Il nous confiait il y a quelques années que son talent de chateur précoce était déjà reconnu à l’école fondamentale de Ké-Macina dans la Région de Ségou.
Mais c’est sur un terrain de football qu’il reçut le surnom de Kalori Sory. Pendant les vacances de l’année scolaire 1968-1969 qu’il passait à Bamako, plus précisément dans le quartier populaire de Bamako-Coura, le jeune Kouyaté fut affublé du sobriquet de Kalori Sory par son entraineur. Ce dernier avait constaté que le jeune homme était hyperactif et qu’il débordait d’énergie.
Plus tard, Kalori Sory abandonnera le Lycée en classe de 11è lettres pour se consacrer à son groupe de musique amateur qu’il venait de créer à Lafiabougou. Puis il est recruté en 1980 par l’orchestre national Badema où il évolue pendant quatre ans aux côtés de feu Amadou Ba Guindo, chef d’orchestre et de Kassé Mady Diabaté.
Il participera ainsi à de nombreux enregistrements, représentations et tournées à travers l’intérieur du pays. C’est à Kayes et Ségou que le public apprécia en avant-première son titre fétiche « Petchèkè ». Ce qui l’encouragera plus tard à sortir le morceau.
En 1985, l’administration décide de l’envoyer à l’Institut national des arts (INA) pour qu’il se perfectionne. C’est en 1989 qui trouve enfin un producteur pour son premier album, intitulé « Pètchèkè » ou l’argent dans le jargon populaire.
Dans cet album, l’artiste fustige le pouvoir déjà alors grandissant de l’argent dans notre société. Le titre fut un grand succès. L’artiste reconnaîtra d’ailleurs plus tard que cette première création fut l’une de ses plus grosses ventes.
Puis c’est le casse-tête du transport en commun dans la ville de Bamako qui l’inspire avec son 2è album en 1994. A l’époque les véhicules de transport en commun des Peugeots 404, communément appelés « Dourouni » posaient d’énormes problèmes aux usagers, comme c’est le cas d’ailleurs maintenant des minibus « Sotrama ».
Le troisième album vint en 2000 avec « Louancé Kalifa » dans lequel décrivait avec une grande inspiration les conditions de logement des Bamakois en location que les propriétaires de maison considéraient comme moins que rien. Il y évoquait aussi les difficultés de cohabitation entre locateurs.
Lassana Igo Diarra, membre du Mouvement des rastas du mali (MORASMA), estime que Kalori Sory était une figure importante du reggae et du mouvement du rastafarisme au Mali. Ses créations comme « Ambè yé Rasta yé » a beaucoup contribué à faire comprendre le sens du mouvement ratafarisme à nos concitoyens.
C’est dans cette œuvre que l’artiste soutient que toutes les grandes figures de la décolonisation et les pères des indépendances africaines sont des rastas. Pour notre interlocuteur, le reggaeman était aussi un précurseur de l’adaptation de cette musique aux rythmes maliens et africains. Il fut l’un des premiers à parler du Donso-reggae. C’est-à-dire qu’il utilisait le rythme de la musique des chasseurs dans ses arrangements. Le responsable du MORASMA tient à lui rendre un hommage mérité pour tout ce qu’il a fait dans ce domaine.
Un moment Kalori Sory s’absente de la scène musicale pendant cinq bonnes années. A son retour il sort N’Ta (ce qui m’appartient en langue nationale bambara) en 2008. Dans cet album, les mélomanes redécouvrent sa sensibilité face aux souffrances des populations et aux maux qui minent notre société. L’artiste dénonce encore une fois l’égocentrisme qui gagne du terrain chez nous.
Ce album contient 7 titres que sont : N’tori, Anderezo, Demissenw, Afrique-France, Djogo, Nounia et Bakary Djan. Les remix de Petchéké et Walata complètent cet album. Presque tous ces morceaux sont dans style de reggae à la sauce bambara, une sorte de conte-chanté.
Le chanteur estimait que ce « 4è album est celui du mensonge ». Face aux énormes difficultés matérielles qu’il connaissait, le ministère de la Culture avec alors à sa tête, Cheick Oumar Sissiko décida de lui donne un coup de main, en prenant en charge les frais de production de « N’ta ».
Y. D.