J’ai été libéré grâce à un découvert qu’Orabank m’a accordé pour le payement de la caution réclamée par la justice française»
«Seule mon épouse savait qu’en plus des contrôles médicaux, que je pourrais faire une déposition sur l’affaire Marck»
Dans une interview exclusive accordée au journal gabonais “Le Douk-Douk”, l’homme d’affaires Seydou Kane a répondu aux questions des journalistes, pour donner sa part de vérité si ce n’est la vérité sur tous les derniers évènements en rapport avec l’accident d’avion survenu au Mali, son interpellation suivie de sa dernière mise en garde à vue, de son audition par le juge, du paiement de la caution et de l’attitude controversée de Rober Bourgi. Seydou Kane livre sa part de vérité et remercie tous ceux qui lui ont témoigné leur soutien dans ces différentes épreuves.
Une fois de plus, l’affaire Marck défraie la chronique, il y a quelques mois vous nous conviez n’avoir rien à redouter de la justice française et pourtant vous avez été interpellé puis placé en garde à vue avant d’être auditionné par un juge qui a exigé le paiement d’une caution pour votre mise en liberté.
Seydou Kane : Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez pour que je puisse m’étendre sur cette affaire qui coure depuis quelques temps et qui visiblement semble glisser pour constituer une sorte de ténébreuse parmi tant d’autres qui ont caractérisé les relations des réseaux d’affaires séculaires entre la France et l’Afrique avec une jointure dans la sphère politique parce que de toute évidence, ce dossier n’a d’attrait que parce que les personnalités politiques de mon pays auraient joué un rôle de facilitation dans l’attribution de ce marché à l’entreprise française Marck.
Comme tout le monde le sait, je suis un homme d’affaires et il y a quelques années de cela, mon entreprise a servi de représentation à la société Marck, outre les transactions ordinaires de représentant et de partenaire, mon entreprise s’est également chargé des protocoles et des abattements douaniers, de l’entreposage, et de la livraison au client. Nous avons donc d’un commun accord arrêté mes honoraires comme représentant, auxquels sont venus s’ajouter tous les frais annexes. J’ai voulu avoir des disponibilités financières sur le long terme en France et pour disposer de devises j’ai donc demandé à être payer en euros par virement dans les comptes de mon entreprise qui sont en France. C’est le montant de ces virements qui à ce qu’il semble, poserait problème parce que jugé très élevé, il ne s’agit pas simplement des rétro-commissions comme pourraient le penser certains.
Les procédures de votre mise en liberté ont été longues parce que vous avez dû changer d’avocat, pourquoi ?
J’ai noté que mon avocat ne s’activait pas avec empressement pour aller à l’essentiel comme je le lui demandais. L’essentiel pour moi étant ma mise en liberté. Il a fait naître des lourdeurs et des pertes de temps inutiles dans une affaire aussi simple, chose étonnante, pour qui connaît l’entregent de Robert Bourgi qui, je dois le signaler, est mon avocat depuis quelque temps. Il ne faisait pas son travail, et c’est justement parce que je ne voulais pas que cette affaire connaisse une surmédiatisation, ce qui par contre semblait l’arranger, j’ai donc décidé de le congédier puis de prendre un autre avocat qui a conduit le dossier selon mes instructions et avec la plus grande diligence. Nous avons rapidement trouvé un accord avec le juge qui a fixé une caution. Vous savez l’adage populaire qui dit que le temps c’est de l’argent est une réalité pour les hommes d’affaires. Je ne supportais pas ces temps morts, alors que Robert Bourgi voulait je ne sais atteindre quel but, par sa faute, il y a eu beaucoup d’échos et de commentaires autour de cette affaire.
Le plus inadmissible c’est que je lui ai versé des indemnités spécialement consacrées à la défense de ce dossier en sus de ses honoraires habituels et il n’a rien foutu, absolument rien. J’ai même eu le vague sentiment qu’il cherchait à exploiter cette circonstance pour se frayer une voie vers monsieur Maixent Accrombessi et peut être même vers le Président de la République, attitude que je trouve déplorable de la part d’un avocat !
La présence de cet avocat plus habitué à fréquenter les couloirs des palais présidentiels africains que les salles d’audiences des tribunaux peut faire penser qu’en lieu et place d’une décision de justice, vous auriez peut-être préférez un arrangement, c’est sa spécialité ?
Une fois pour toute, je voudrais que les choses soient claires, je suis un homme d’affaires, les circonstances ont voulu que je rencontre des compatriotes qui occupent aujourd’hui des responsabilités très élevées dans mon pays, non seulement notre amitié est vraie, mais en plus, je ne suis pas homme à nuire à la réputation d’un ami, qu’il s’agisse de Maixent Accrombessi ou de monsieur Ali Bongo Ondimba qui plus, est le Président de la République. Comme tous les autres citoyens gabonais je suis son obligé, l’inverse n’est pas possible et c’est pour cela que je trouve méprisable que Bourgi ait tenté d’exploiter cette posture et comme ça n’a pas marché, il se fait la source de mensonges et de calomnies des journaux proches de l’opposition.
Il reste tout de même le fait que vous possédez trois passeports diplomatiques ?
Je voudrais d’abord lever l’équivoque sur mon passeport gabonais, pour dire que je suis devenu gabonais à ma demande, parce que j’aime profondément ce pays et je ne vis donc pas ma citoyenneté gabonaise à moitié ni par opportunisme. Je connais beaucoup de personnes qui font des affaires dans des pays sans y résider, moi, ça fait plus de trente ans que je vis dans ce pays, en dehors des voyages d’affaires, je demeure au Gabon en permanence et c’est justement parce que j’ai une fréquence de déplacements à l’international très élevée et parce que je me suis également engagé à faire la promotion du climat des affaires au Gabon dans des forums économiques où se rencontrent les entrepreneurs à l’instar du NYFA qui se tient chez nous chaque année, que l’on m’a fait bénéficié d’un passeport diplomatique, pour une obtention rapide des visas.
Le Mali, j’y suis né, mais tout le monde connait les relations solides de fraternité entre nos deux pays, et le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta m’a fait l’honneur parce qu’il trouvait justement ridicule que je sollicite un visa pour entrer au Mali. Il m’a délivré un passeport diplomatique me rappelant au passage que mon pays le Gabon n’interdit pas la double nationalité, pour moi ce ne sont que des accommodements de voyage.
Et le passeport diplomatique sénégalais ?
J’allais en parler pour vous dire que son excellence le Président Macky Sall m’a nommé Ambassadeur itinérant pour le Sénégal et croyez-moi, tout ceci est à l’actif de son excellence monsieur le Président de la République Ali Bongo Ondimba qui a su mettre en valeur un climat d’affaires propice au développement des échanges entre les entrepreneurs africains. Et puis, pour la petite histoire, je me permet de vous livrer un pan de la migration des ” Kane “, mes arrières grands parents viennent du Sénégal, ils étaient venus au Mali pour faire la guerre sainte, puis, ils ont choisi d’y vivre, c’est comme ça que nous sommes devenus maliens, en réalité, nous sommes des peuls venus du Sénégal et dans quelques années, mes petits-enfants raconteront leur histoire, bref, ainsi va la vie d’une génération à une autre.
Toutefois, je peux vous dire que si vous allez au Sénégal aujourd’hui, vous trouverez des Kane imams toujours de ma famille.
Mais pourquoi c’est le chargé d’affaires de l’Ambassade du Sénégal à Paris qui vient vous chercher à l’aéroport ?
Pour une raison toute simple, quelques jours auparavant, nous avions eu un crash, un accident, l’avion a fait une sortie de piste au moment du décollage et a terminé sa course hors des limites du terrain d’atterrissage, heureusement qu’il n’y a pas eu de victime même si l’appareil a subi des dommages importants. C’est donc suite à cet accident d’avion que j’ai décidé de me rendre à Paris pour faire des contrôles, parce qu’il faut dire que le choc était violent, et parce que l’appareil battant pavillon sénégalais que mes amis ont demandé au chargé d’affaires de l’Ambassade de venir me chercher à l’aéroport, n’oublions pas que je suis Ambassadeur itinérant pour le Sénégal.
Il n’y a donc pas une volonté nourrie de faire prévaloir une nationalité plutôt qu’une autre. Naturellement, je savais qu’une fois en France, il y a des possibilités que je sois interpellé puisque j’avais été cité dans cette affaire, ensuite, j’avais prévu cette possibilité, et j’étais parfaitement prêt à dire au juge les faits tels que je les connaissais pour éviter les commentaires annexes, mon épouse était la seule personne qui savait qu’en plus des contrôles médicaux, que je pourrais faire une déposition sur le dossier Marck. Les choses ont connu un tout autre développement, c’est d’ailleurs tant mieux comme ça, c’est fait.
Revenons, ce dossier, vous concernant, à quel niveau se trouve l’évolution de l’instruction et pourquoi, le juge a-t-il requis une caution ?
Il se trouve que, mon entreprise, du moins mon témoignage constituait une avancée importante dans l’instruction dossier, ma collaboration était donc importante pour permettre à l’instruction d’évoluer, il s’est agi de vérifier les justificatifs compatibles suivant mes déclarations, l’ensemble des documents ont été présentés au juge et il m’a libéré. Je dois simplement dire que la caution était la garantie que je collabore, en mettant à la disposition de la justice française les actes comptables, il est évident que j’avais besoin de plus de marge de manœuvre pour faire parvenir tous les justificatifs, la caution a servi à cela. Le juge a examiné les documents et m’a libéré. Ce qu’il faut comprendre dans cette affaire, c’est qu’ils font leur travail et c’est normal, il ne s’agit pas d’actes destinés à nuire à tel ou à un tel, il y a des soupçons, il faut les lever, j’avoue que c’est un peu dérangeant parce que ça opère sur mon agenda, mais que voulez-vous.
Vrai ou faux la rumeur dit que votre caution aurait été payée par le Chef de l’Etat gabonais ?
Encore une antienne, il doit y avoir du Robert Bourgi, la dessus, je sais que c’est lui qui a servi de source à vos collègues (confrères, ndlr), ce type de grossiers mensonges sont malheureusement souvent pris pour de la vérité, je vous invite à vous rendre à Orabank, vous pouvez consulter mon compte et vous verrez que le montant qui a servi au paiement de la caution a été en partie prélevée sur mon compte. Je ne disposais pas de la totalité de la somme et ma banque m’a accordé un découvert que je rembourserai évidement. Tout de même, de vous à moi, pourquoi, l’Etat payerai ma caution ? Comment peut-on se faire l’écho d’une chose aussi grotesque, je vous le répète, j’ai moi-même payé ma caution.
Je comprends que la nécessité de vendre peut faire dire n’importe quoi, mais il faut se garder du ridicule et dans le cas d’espèce, un avocat sait que tout est consigné sous procès-verbal, et on y mentionne l’origine de l’argent qui a servi à payer la caution.
Outre l’assistance de votre avocat, les mêmes sources font état de l’intervention en votre faveur des personnalités politiques gabonaises ?
Je vous demande à vous, si vous pensez qu’un juge français se laisserait dicter une quelconque procédure par un homme politique. Une telle chose serait d’ailleurs le moyen de prouver qu’il y a effectivement des passerelles entre les faits examinés et les mis en causes. Aucune intervention n’est possible à ce niveau, il ne s’agit pas de faire sauter une pénalité pour stationnement illégal, mais une enquête sur une affaire de corruption dans le contexte de la France d’aujourd’hui avec la tension qui prévaut depuis les attentats, la justice française est indépendante et ne peut subir de pressions d’aucunes sortes, seuls les faits comptent.
Faites-moi un peu le scénario d’une intervention politique dans une enquête judiciaire, si c’est le mode opératoire de monsieur Bourgi de frapper à toutes les portes, les magistrats français sont de vrais professionnels qui font leur travail.
C’est vraiment lassant l’habitude que nous avons prise de vouloir tout politiser, il y a des domaines où la politique est absente, impuissante, inopérante et inenvisageable. Mais face à des gens comme Bourgi et Echos du Nord qui versent systématiquement dans la recherche du sensationnel, manquant d’éthiques et de probité, il ne faut pas compter sur eux pour dire la vérité, c’est tout simplement dommage !
C’est la première fois que vous êtes interpellé, gardé à vue et auditionné par un juge, quelle leçon tirez-vous de cette affaire ? Et est-ce que l’on vous verra bientôt sur le sol français ?
SK : Je dois dire que le monde des affaires est certes difficile, mais cela ne signifie pas qu’il faut se comporter comme si on était exempts des principes et des lois. Il y a des règles à respecter, un homme d’affaires est un multiplicateur d’opportunités pour accroitre et étendre les richesses au plus grand nombre, notre réussite sociale, nous oblige en quelque sorte à être des modèles pour inciter sainement la dynamique d’initiatives et la promotion du partage. Un homme d’affaires doit être loyal et soumis aux lois en vigueur comme tous les citoyens. Cela est d’autant plus vrai dans mon cas, parce que je sais d’où je viens.
J’ai des affaires en France et Paris est une place forte pour nous les francophones, j’y ai des partenaires et la période de fin d’année est souvent consacrée à des réunions de conseils d’administration, j’irai donc en France et séjournerai à Paris comme d’habitude.
Pour terminer, comment votre famille et vos amis ont-ils vécu cette épreuve ?
SK : Il y a dans le fond que cette affaire survient après l’accident d’avion, donc, ma famille et certains amis très proches étaient très inquiets, d’abord pour mon état de santé, ensuite les commentaires médiatiques et les ramifications de cette interpellation suivie de l’audition, ont effectivement conduit des amis à se mobiliser, des chrétiens ont demandé des messes pour moi et les musulmans ont récité des prières. Cet élan de solidarité et d’amitié m’a fortement ému et depuis que je suis revenu, je passe le plus clair de mon temps à répondre aux invitations à diner et à recevoir des amis qui viennent me voir. Vous me donnez l’opportunité de leur dire merci.
zFIN/INFOSGABON/HZ/2015