Le remaniement survenu vendredi au Mali a conduit au limogeage des ministres du Développement rural, Bocary Treta, de l’Economie et des Finances, Mamadou Igor Diarra, et de la Promotion des Investissements, Mamadou Gaoussou Diarra, auteurs, selon les observateurs, de rapports erronés au président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK).
En effet, le remaniement est, selon les analystes, la traduction du mécontentement du chef de l’Etat vis-à-vis de certains ministres.
Lors de sa récente tournée dans la région de Ségou en décembre dernier, le président Kéïta n’avait pas caché sa déception par rapport à certains ministres qui lui auraient caché la réalité sur beaucoup de dossiers avec des rapports erronés.
"Tout ce qu’on m’a raconté souvent n’était que du mensonge. On m’a toujours menti en me faisant croire que tout allait bien à Bla (Ségou). Mais j’ai tout découvert et j’ai tout compris", avait-il déploré le 11 décembre à Bla, interpellé par les populations locales concernant l’électrification de leur ville et ses "autres promesses de campagne".
A son retour, le Directeur général de l’Agence malienne pour le développement de l’énergie domestique et l’électrification rurale (chargée de l’électrification de Bla) avait été contraint à la démission.
Lors de sa présentation des vœux du Nouvel An lundi dernier, le chef de l’Etat avait renouvelé sa confiance au Premier ministre Modibo Kéïta tout en souhaitant qu’une dynamique nouvelle soit insufflée à l’action gouvernementale pour mieux prendre en charge les préoccupations des Maliens.
Une vitalité que le remaniement gouvernemental opéré aujourd’hui est censée donner à l’action gouvernementale.
Le président Kéïta vient ainsi de se séparer de trois ministres, et non des moindre. A l’image du Dr Bocary Tréta, qui était le "n°2" de la précédente équipe. Secrétaire général du Rassemblement pour le Mali (RPM, parti du président), il était pourtant annoncé comme le successeur probable de Modibo Kéïta au poste de Premier ministre avant qu’IBK ne réaffirme publiquement sa confiance en ce dernier.
Mais, en 2015, le ministre Tréta a été cité dans de nombreux scandales financiers tels que l’affaire des "engrais frelatés" et des 1.000 tracteurs remis le 22 septembre par IBK aux paysans.
L’opposition malienne, notamment le Parti pour la Renaissance nationale (PARENA), avait émis non seulement des doutes sur le coût des engins (13,6 milliards de francs CFA), mais avait aussi dénoncé la procédure d’attribution à la société Toguna SARL, principal fournisseur des tracteurs, ainsi que les modalités d’attribution aux paysans.
Les 1.000 tracteurs ont été cédés aux heureux bénéficiaires à moitié prix alors qu’ils étaient annoncés comme un cadeau du chef de l’Etat au monde paysan.
Les observateurs sont également surpris par la sortie du ministre de l’Economie et des Finances, Mamadou Igor Diarra, alors que le président Kéïta avait accordé une place de choix aux performances macro-économiques du Mali en 2015 dans son message du Nouvel An.
"IBK en veut à Tréta et à Igor (Mamadou Igor Diarra) de ne pas lui avoir donné les vraies informations sur la situation de la CMDT (Compagnie malienne du Développement des textiles), l’amenant à limoger son Directeur général malgré un bilan honorable. C’est dans la presse qu’il a su qu’on lui avait encore menti et il a piqué une colère noire lors du conseil des ministres du mercredi 6 janvier 2016", confirme une source proche de la présidence de la République du Mali.
En effet, dans une "lettre ouverte" adressée au président IBK sur cette éviction, un intellectuel de la diaspora malienne en France rappelait : "en avançant plus de 13 milliards de francs CFA sur les impôts de l’exercice 2016 à la demande du ministère de l’Economie et des Finances, la CMDT a contribué énormément à sauver le programme avec le FMI et la Banque mondiale en 2015. Mais, nous savons que cela n’a jamais été porté à votre attention par le ministre de l’Economie et des Finances".
Réputé très proche de la Première Dame Kéïta Aminata Maïga et nommé au gouvernement depuis septembre 2013, Me Mamadou Gaoussou Diarra n’a pas su relever les défis confiés en tant que ministre de la Jeunesse et des Sports, puis Ministre de la Jeunesse et de la Construction citoyenne et enfin celui de la Promotion des Investissements.
Ce remaniement ministériel est donc supposé être un avertissement pour tous, pour tous les membres du gouvernement et collaborateurs du chef de l’Etat, engagés dans la réalisation de son projet de société.