Le vendredi 15 janvier, à 18 heures, le Ministre Secrétaire général de la Présidence, Mohamed Alhousseyni Touré, a rendu publique sur les ondes de l’ORTM la composition du nouveau gouvernement, dirigé régulièrement par Modibo Keïta.
A la surprise générale, cet attelage de 32 membres ne correspond pas à l’attente des Maliens, qui patientaient depuis fort longtemps. Ils ne comprennent pas ce bricolage, consistant à faire du neuf avec du vieux.
Pire, les deux ministres les plus visibles, les plus actifs, en l’occurrence Mamadou Igor Diarra et Bocari Treta, ont été remerciés, sans raisons apparemment pertinentes.
IBK, seul maitre à bord, les a limogés dans un contexte équivoque, où tous les deux sont accusés de vouloir conquérir la Primature et de distiller, par médias interposés, des informations compromettantes pour le Chef du gouvernement. Des incriminations qu’ils ont réfutées.
En volant au secours de son bien-aimé grand frère, IBK est allé très loin, en congédiant les deux meilleurs ministres du gouvernement, deux symboles très forts de l’équipe sortante.
Mamadou Igor Diarra, désormais ex-ministre de l’Economie et des Finances, symbolise le travail bien fait, la rigueur, le courage, l’abnégation. Son engagement et sa détermination à servir le pays, en redorant son blason auprès des bailleurs de fonds, après ce que certains appellent les scandales de l’avion présidentiel et des armements militaires, ont permis l’embellie économique dont a parlé largement IBK dans son discours à la Nation du Nouvel an.
Igor était devenu une référence pour des jeunes en quête de repères. IBK lui-même ne manquait pas une occasion d’encenser son brillant ancien ministre des Finances. Qu’est ce qui s’est passé pour que, dans un si court laps de temps, intervienne un divorce violent entre les deux hommes? A-t-il détourné des fonds? On est à mille lieues de le croire?
Apparemment, pour faire plaisir à Modibo Keita, IBK a sacrifié un travailleur. Par cette méthode, il interdit à ses ministres d’avoir des ambitions. Or, tout ministre qui n’est pas capable de diriger un jour ou l’autre un gouvernement ne mérite pas, de notre point de vue, sa place.
Il faut une saine émulation pour faire avancer les choses et répondre aux préoccupations du pays. Malheureusement, ceux qui travaillent bien, qui mouillent le maillot, qui prennent des coups, y compris au sein du gouvernement, en raison de leur rigueur, sont limogés. Alors, comment retrouver des repères? A qui se fier?
En tout cas, le cas Igor devient un cas d’école, qu’il va falloir étudier, analyser et comprendre. Car c’est l’incompréhension totale au sein de l’opinion publique.
Quant au second, Tréta, c’est le chouchou du parti présidentiel, le RPM. Il en est l’homme fort et en défend les intérêts. Voilà ce qui n’a pas plus à IBK. Celui-ci n’a pas toléré que Treta s’oppose, en Conseil des ministres, à une nomination, en déclarant que son parti n’y était pas favorable.
IBK aurait tapé du poing sur la table, en disant que le gouvernement n’était pas l’officine d’un parti politique et devait être composé d’hommes et de femmes au service du Mali, et non d’une formation politique. C’était parti et le casus belli était tout trouvé.
Ce coup de colère ne devait pourtant pas conduire à l’éviction d’un grand militant, engagé pour la cause partisane et celles du Mali et d’IBK. Que non! Treta a joué toute sa partition à la tête du monde rural, avec la mécanisation de l’agriculture et le soutien multiforme aux paysans et éleveurs. Le bilan de son département est plus que positif, malgré les scandales imaginaires des tracteurs et des engrais frelatés dans lesquels on a tenté de l’impliquer.
En tout cas, ce réaménagement ministériel a l’air d’un règlement de comptes au profit de Modibo Kéïta. Cet attelage ne pourra pas résister aux épreuves. Il faudra un nouveau gouvernement, plus coriace, plus représentatif, avec la présence des mouvements armés, avec plus de femmes, conformément à la loi sur la promotion du genre dans les fonctions nominatives et électives.
Dans cette optique, il faut dire que ce gouvernement ne durera pas. Il aura au maximum 6 mois pour étaler ses insuffisances, avec à la clé la nomination une nouvelle équipe gouvernementale.
Chahana Takiou