4 septembre 2013-Janvier 2016 : Ibrahim Boubacar Kéïta aura passé à la tête du Mali 28 mois sur les 60 constitutionnels. A mi-parcours, ou presque, de son mandat (qui prend fin en 2018), le président ne peut visiblement revendiquer aucun acquis de rang, à fortiori faire un bilan d’étape. Or, il est (déjà) au dernier virage de son mandat. C’est dire que 2016 constitue un tournant décisif pour IBK. Une année déterminante où le chef de l’Etat devra, enfin, donner à manger aux Maliens, faire circuler l’argent, arroser le panier de la ménagère, lutter contre la corruption par une bonne gouvernance, poser les premières pierres de routes et d’infrastructures socio sanitaires et éducatives de base, restaurer l’intégrité territoriale, s’attaquer aux défis sécuritaires du pays. Bref, donner un début de preuve qu’il mérite bien les suffrages à lui accordés par le peuple et qu’il peut être fondé à demander qu’il lui renouvelle sa confiance.
En septembre 2016, Ibrahim Boubacar Kéïta bouclera ses trois ans à Koulouba ; il lui en restera alors deux. A mi-parcours, un fait évident et incontestable : le bilan d’IBK est insignifiant et décevant, voire même inexistant. Dès lors, l’année 2016 s’annonce-t-elle comme celle du rattrape ou une année de début de concrétisation de ses promesses électorales ? Il n’a pas le choix s’il ne veut pas attaquer 2018 bredouille ou du moins s’il ambitionne briguer la magistrature suprême pour un deuxième contrat avec le peuple malien. Challenge que tous ses prédécesseurs de l’ère démocratique ont réussi, quasiment sans forcer.
Quels sont les défis à relever en 2016 ?
Tout d’abord la situation sécuritaire. Elle est préoccupante à plus d’un titre. Et 2016 commence aussi mal que 2015 fût vécue et bouclée.
En effet, depuis le début de l’année (deuxième semaine), il y a déjà eu des faits marquants d’insécurité. A quelques kilomètres de Gao, une position de l’armée a été attaquée par des hommes armés. Les éléments des forces armées étant absents (abandon de poste ou repli tactique ?), les assaillants ont emporté les armes, munitions et matériels trouvés sur place.
Vendredi dernier, un convoi de ravitaillement de l’armée est tombé dans une embuscade entre Tombouctou et Goundam. Bilan lourd qui état de morts et de blessés.
Quelques jours plus tôt, le 8 janvier, une religieuse suisse officiant à Tombouctou, était enlevée par des ravisseurs. Sœur Béatrice Stockly est toujours introuvable. Et point de revendication jusque-là !
Plus au sud, et pas plus tard que Vendredi soir, à Doura, non loin de Markala (région de Ségou), un agent des Eaux et forêts a été tué par des assaillants non identifiés.
Autres éléments à redouter en matière de sécurité : l’attentat terroriste de l’hôtel Splendide à Ouagadougou vendredi soir, la prise d’otages de deux Australiens à la frontière Mali-Niger-Burkina, samedi, et l’arrivée massive de réfugiés syriens au nord du Mali.
A cela s’ajoutent les menaces de Iyad Ag Ghaly de tirer sur tout ce qui bouge dans le pays au motif que l’Accord de paix est une trahison…A ce propos, les mouvements des éléments fidèles à Amadou Koufa doivent être surveillés de très près. Sans oublier les djihadistes et terroristes alliés à Aqmi et qui ont créé la terreur dans le pays l’année dernière.
Sur le front sécuritaire, IBK doit également veiller à la mise en œuvre de l’Accord de paix qui cale depuis sa signature en mai et juin 2015. Le Comité de suivi de l’Accord est complètement bloqué à cause des divergences entre groupes armés, des difficultés au niveau gouvernemental, des différents entre gouvernement et groupes rebelles. Au-delà, le problème de la mise en œuvre de l’Accord de paix se situe dans la difficulté même de l’application de plusieurs dispositions contenues dans le texte.
Le président IBK est donc averti : si 2018 arrive alors que le Mali est dans la même situation sécuritaire, il ne doit pas briguer le suffrage des Maliens.
Deuxième défi d’IBK : la bonne gouvernance
Ceci passe inéluctablement par la lutte contre la corruption, un fléau profondément ancré dans les mœurs. Tous les problèmes que les Maliens vivent aujourd’hui sont intimement liés à la mal gouvernance engendrée par une corruption à grande échelle.
Les scandales de l’avion présidentiels, du contrat d’armement, de l’affaire Tomi, des engrais frelatés et des tracteurs sentent tous une forte odeur de corruption et de détournements. Conséquence : l’argent qui devrait aller dans les ménages va directement dans les poches et comptes d’agents et de cadres véreux. Une minorité s’enrichit, la majorité s’appauvrit. Toutes pratiques créées et entretenues parce que le président de la République manque de rigueur. Plusieurs fois, le chef de l’Etat a promis de sévir contre les délinquants financiers et les ministres impliqués dans les scandales. Il ne l’a jamais fait. Les cadres n’ont alors plus peur de détourner, misant sur l’impunité instituée par le régime. IBK : « fonce ! »
Le président doit aussi lutter contre l’inflation galopante des produits de grande consommation (céréales, lait, sucre, huile…) pour amortir les coups subis par les Maliens du fait que l’argent a complètement disparu. C’est à ce prix également que le candidat de 2018 ( ?) pourrait postuler, la tête haute.
Troisième chantier d’IBK en 2016 : le démarrage des grands travaux
Depuis deux ans et quatre mois qu’il est au pouvoir, le président Ibrahim Boubacar Kéïta n’a pas posé la moindre première pierre d’une infrastructure de rang qu’il pourrait prétendre inaugurer avant la fin de son mandat. Jusque-là, il n’a fait qu’inaugurer des œuvres de son prédécesseur Amadou Toumani Touré, l’Etat étant une continuité. Entre autres l’hôpital de Mopti, le palais des sports de Bamako, le barrage de Félou, les bateaux de la Comanav et tout récemment quelques infrastructures dans les régions de Sikasso et Ségou. Et sans doute, beaucoup d’autres dans les jours et mois à venir à l’occasion des visites présidentielles prévues dans les régions de Kayes, Koulikoro, Mopti, Tombouctou, Gao et……..Kidal (???).
Les paysans, les éleveurs, les pêcheurs, les artisans, bref, les Maliens, ont toujours besoin de routes, de barrages, de ponts et chaussées, de terres aménagées, de terres irriguées, de centres de santé, de salles de classes, d’écoles et d’infrastructures diverses. Or, IBK n’a rien fait de tout cela pour eux. Il a trente-deux mois devant lui. Et 2016 est une année déterminante.
Enfin, au plan social et politique, IBK a deux défis majeurs : instaurer un véritable dialogue social et concrétiser le Statut de l’opposition.
Le front social a beaucoup bouillonné sous IBK et la tension couve toujours sous plusieurs cieux. Fin novembre 2015, les banquiers maliens sont allés en grève en plein brouillard du Radisson. Ce mois-ci, plusieurs mots d’ordre de grève ont pu être levés, mais pour combien de temps. Sans oublier que d’autres syndicats de travailleurs et même l’Untm n’attendent que le moment propice pour « fuguer ». IBK doit donc anticiper ces mouvements. Dès cette année 2016 !
Par ailleurs, dans le cadre du renforcement de la démocratie sous son régime, IBK doit finaliser le processus de création du poste de chef de file de l’opposition après avoir fait adopter le Statut de l’opposition et nommé son chef depuis le 10 juin dernier. Il ne reste plus que le décret fixant la composition du cabinet de l’opposition et ses avantages, ainsi que ceux des membres de son cabinet. IBK doit diligenter la prise de cet acte par le gouvernement. Il y va de l’embelli de son bilan.
A gauche comme à droite, 2016 se dresse comme l’année de la vérité pour IBK.
Sékou Tamboura