Attendu depuis la signature de l’Accord d’Alger par les rebelles de la CMA et suffisamment bruité depuis décembre, le remaniement ministériel, effectif depuis vendredi dernier, a triplement surpris. Primo, avec le maintien du Premier ministre Modibo Kéïta. Secundo, avec l’absence dans le nouveau gouvernement des représentants des groupes armés. Et tertio, avec l’éjection de deux Hommes forts de l’ancienne équipe, en l’occurrence Bocari Tréta et Mamadou Igor Diarra. L’ancien ministre du développement rural et non moins secrétaire du parti présidentiel (2è personnalité du gouvernement), Tréta, aurait fait les frais de son ambition personnelle démesurée, de sa défiance à l’autorité du Premier ministre. C’est lui qui aurait également annoncé l’arrivée du cercueil du président d’IBK de la Turquie en son temps. Quant à l’ancien locataire de l’hôtel des finances, il aurait dit des contrevérités sur la dette extérieure du Mali. Igor serait également impliqué (avec un baron membre de la famille présidentielle) dans un gros scandale financier d’un montant de 2,5 milliards relatif à la rénovation du palais de Koulouba. Il semblerait que tous les deux étaient actifs dans la campagne de dénigrement du Premier ministre et de déstabilisation de son gouvernement. Informé de toutes ces dérives, le président a décidé de sévir, avec autorité et panache. Cependant, au-delà cette sanction ciblée, IBK devait aller plus profondément dans le changement proprement dit de l’équipe gouvernementale qui a montré ses limites par rapport aux attentes des Maliens. Mais avec lui, on semble être dans une logique qu’ « on ne change pas une équipe qui perd ».
Appartenir à la famille ou au clan : tel est visiblement le critère dans le choix des hommes sous le régime IBK. La preuve est faite avec ce énième remaniement ministériel qui fait toujours la part belle à la famille. Les Maliens s’interrogent encore sur le bien-fondé du changement ( ?) opéré, d’autant plus que les mêmes hommes, soient-ils incompétents ou trempés jusqu’au cou dans des affaires scandaleuses, reviennent. Pour des observateurs, ce remaniement s’apparente plutôt à un règlement de compte entre le Premier ministre Modibo Keïta et certains ministres qui lui tenaient tête. En effet, l’équipe mise en place voit le départ de 3 ministres, dont Bocari Tréta et Mamadou Igor Diarra, présentés comme étant des adversaires, voire des ennemis jurés de Modibo Keïta. Les deux hommes étaient soupçonnés d’être à la base d’une campagne menée à travers les médias contre le PM. Une campagne visant à le déstabiliser et d’avoir sa tête. Plus haut, nous avons édicté les autres raisons de leur départ. Le seul départ non commenté, ni en bien, ni en mal, est celui du jeune Mamadou Gaoussou Diarra qui gérait le département de la promotion de l’investissement et du secteur privé.
Prédominance de la famille et du clan
Dans ce gouvernement, tout comme dans les précédents, la famille reste au centre des affaires de l’Etat. L’exemple le plus frappant est le maintien de Hamadoun Konaté, mari d’une des sœurs de la Première Dame. Ministre de la Solidarité, de l'action humanitaire et de la reconstruction du nord, M. Konaté devient dans l’ordre de préséance la deuxième personnalité du gouvernement. En plus, d’autres ministres affiliés à la famille demeurent à leurs postes ou changent de portefeuille. Il s’agit, entre autres, de Mahamane Baby qui reste ministre de l'Emploi, de la formation professionnelle, de la jeunesse et de la construction citoyenne ; et Boubou Cissé qui quitte le département des mines pour celui de l'Economie et des finances.
Aussi, plusieurs proches et/ou membres du parti présidentiel ont été maintenus. Il s’agit de Abdoulaye Idrissa Maïga, ministre de l'Administration Territoriale ; Ousmane Koné, ministre de l'Environnement, de l'assainissement et du développement durable ; Mamadou Frankaly Keïta, ministre de l'Energie et de l'eau. Et les dames Sangaré Oumou Bah et N'Diaye Ramatoulaye Diallo, toutes deux ténors du Rpm, respectivement ministre de la Promotion de la femme, de l'enfant et de la famille ; et ministre de la Culture, de l’artisanat et du tourisme.
Les alliés et affidés sont là pour le décor.
Les partis qui ont soutenu le candidat IBK, lors de la présidentielle de 2013, sont aussi présents dans la nouvelle équipe. Au nombre des partis conviés à la table, il y a l’Adema (avec Dramane Dembélé) qui occupe le ministère de l'Habitat et de l'urbanisme; le Cnid (Me Mountaga Tall) au ministère de l'Enseignement supérieur ; le Mpr (Choguel Kokala Maïga) qui détient le portefeuille de l'Economie numérique, de l'information et de la communication. S’y ajoute la Codem (Housseïni Amion Guido) qui demeure au ministère des Sports ; l’Um-RDA (Diarra Raky Talla) qui a son représentant à la tête du ministère du Travail et de la fonction publique … Et le Modec qui arrive avec son fondateur, Konimba Sidibé, désormais ministre de la Promotion de l'investissement et du secteur privé.
Absence des groupes armés
Sans doute, la chose à laquelle l’on s’attendait le moins est l’absence des représentants des groupes armés du nord dans le nouveau gouvernement. Tout le monde pensait que ces mouvements allaient, conformément à l’accord d’Alger, faire leur entrée dans l’appareil gouvernemental. C’était d’ailleurs une des exigences de certains leaders de groupes armés. Mais aucun d’entre eux ne figure sur la liste du nouveau gouvernement. Pour l’instant, aucune explication n’est fournie. Est-ce qu’ils n’ont pas été appelés ? Ont-ils refusé les postes à eux proposés ? Voilà deux questions majeures qui se posent aujourd’hui. D’ores et déjà, certains n’écartent pas l’éventualité d’un nouveau remaniement pour faire de la place à ces mouvements.
Issa B Dembélé