ALGER - Les pays dont des ressortissants ont été pris en otage avec des centaines de locaux sur un site gazier en Algérie redoutaient vendredi un bilan très lourd de l`assaut massif des forces d`Alger contre le commando islamiste venu de la Libye voisine.
Vendredi matin, aucun bilan officiel précis n`avait filtré sur cette
opération militaire dont on ignorait encore si elle avait été effectivement
achevée jeudi soir sur le site d`In Amenas dans le Sahara à 1.300 km au
sud-est de la capitale comme l`avait annoncé l`agence de presse algérienne APS.
Le ministre algérien de la Communication Mohamed Said a indiqué jeudi que
l`opération a permis de "libérer jusqu`à présent plusieurs otages nationaux et
étrangers", sans fournir de chiffres. Il s`est contenté de faire état d`un
"nombre important d`otages libérés et malheureusement quelques morts et
blessés".
"Un nombre important de terroristes qui ont essayé de prendre la fuite vers
un pays limitrophe ont été neutralisés", a-t-il ajouté justifiant
l`intervention.
Mais un porte-parole des islamistes a déclaré que l`opération avait aussi
fait une cinquantaine de morts, 34 d`otages et 15 ravisseurs, informations non
confirmées.
"Des avions de combat et des unités au sol ont entamé une tentative de
prendre de force le complexe", a-t-il ajouté à l`agence mauritanienne ANI,
menaçant de mort les otages survivants, dont sept Occidentaux.
Il a précisé que trois Belges, deux Américains, un Japonais et un
Britannique avaient survécu.
L`agence rapportait un peu plus tard que l`assaut n`avait permis de
contrôler que le "site de vie" du complexe gazier où se trouvait la majorité
des otages. Les forces algériennes, selon la même source, encerclaient encore
en milieu de soirée l`usine même du complexe.
Dans la soirée, un porte-parole du groupe auteur du rapt a annoncé que le
chef du commando, Abou al-Baraa, avait été tué jeudi, selon l`agence
mauritanienne ANI.
Les capitales occidentales n`ont pas caché leur inquiètude sur le sort de
leurs ressortissants retenus par les jihadistes liés à Al-Qaïda. Ceux-ci
avaient présenté la prise d`otages comme les premières représailles à
l`intervention française au Mali lancée le 11 janvier.
"Je pense que nous devons nous préparer à la possibilité de mauvaises
nouvelles à venir", a averti le Premier ministre britannique David Cameron qui
a regretté de ne pas avoir été informé à l`avance par Alger et a reporté un
important discours sur l`Europe prévu vendredi.
Le président François Hollande avait noté auparavant que la crise "semblait
se dénouer dans des conditions dramatiques".
Washington a également regretté que les Etats-Unis n`aient pas été mis au
courant à l`avance des projets des autorités algériennes.
Le Japon a émis "une ferme protestation" et demandé à Alger de "cesser
immédiatement" son opération.
Le ministre algérien a justifié le recours à la force en expliquant que les
autorités avaient d`abord cherché une solution pacifique mais que les
islamistes, venus de la Libye voisine, "lourdement armés", voulaient "quitter
l`Algérie en emportant avec eux les otages étrangers" pour s`en servir comme
"carte de chantage".
L`intervention a permis la libération de 600 Algériens ainsi que d`un
Français, de deux Britanniques et d`un Kényan, selon l`agence APS.
Arrivée de premiers renforts africains
Plus de 24 heures après l`attaque des jihadistes, le nombre exact comme la
nationalité des otages restaient imprécis. Outre les très nombreux
travailleurs algériens, il y aurait eu plus d`une quarantaine d`Occidentaux,
dont des Américains, Britanniques, Japonais, Français, Irlandais et Norvégiens.
Une trentaine d`Algériens ont réussi à s`échapper du site d`In Amenas,
exploité par le groupe britannique BP, le norvégien Statoil et l`algérien
Sonatrach, ont annoncé les autorités locales.
Selon Dublin, un Irlandais est sain et sauf. Cet homme de 36 ans, détenteur
d`un passeport irlandais et d`un passeport britannique car originaire de la
province britannique d`Irlande du Nord, a été obligé de porter un collier
d`explosifs autour du cou, selon son frère.
Quinze étrangers, dont un couple de Français, selon la chaîne privée
algérienne Ennahar, ont réussi à fuir.
Un porte-parole du gouvernement japonais a annoncé que trois Japonais sur
17 présents sur le site étaient "en sûreté" et 14 portés manquants, sans plus
de précisions.
Une vingtaine de Philippins se trouvent également parmi les otages du
commando islamiste, a indiqué vendredi le porte-parole du ministère philippin
des Affaires étrangères. Un otage philippin est parvenu à s`échapper.
Parmi les premières mesures provoquées par la crise, BP a annoncé jeudi
qu`il était en train d`évacuer "un groupe de travailleurs non essentiels"
d`Algérie.
La secrétaire d`Etat américaine Hillary Clinton a demandé aux ambassades et
aux entreprises américaines au Maghreb et en Afrique du Nord de revoir leurs
dispositifs de sécurité.
Les ravisseurs se présentent comme les "Signataires par le sang" de
l`Algérien Mokhtar Belmokhtar, récemment destitué par Al-Qaïda au Maghreb
islamique (Aqmi).
Ils ont assuré réagir "à la croisade menée par les forces françaises au
Mali" mais une opération aussi complexe a de toute évidence été montée de
longue date, bien avant l`intervention française au Mali, selon des experts.
Les développements en Algérie ont éclipsé la poursuite des combats au Mali.
Plusieurs quartiers de Diabali (ouest), où des combats auraient eu lieu
mercredi avec des forces spéciales françaises, restaient encore entre les
mains des islamistes, selon une source sécuritaire malienne.
Diabali - 400 km au nord de Bamako - a été prise lundi par les islamistes,
qui y seraient dirigés par l`Algérien Abou Zeid, un des chefs d`Aqmi.
A Bamako, une quarantaine de soldats togolais sont arrivés jeudi, premiers
éléments de la force d`intervention ouest-africaine (Misma) qui doit chasser
les groupes armés qui occupent une grande partie du Mali depuis neuf mois.
Ils ont été rejoints par une cinquantaine de Nigérians de la Misma, dont
2.000 soldats sur un total à terme de 3.300 doivent être déployés d`ici le 26
janvier.
bur-thm/stb/jlb/jeb/et/mf