Quatre ans après l’annexion et l’occupation du nord de notre pays par les narco-djihadistes conduits par leurs alliés séparatistes et trois ans après sa « libération » par les les forces françaises de l’opération Serval, où en sont les Forces armées et de sécurité maliennes (Fama) dans leur reconstruction et dans leur renouveau ?
Janvier 2012, les colonnes armées des rebelles du MNLA, des islamistes d’Ansar Eddine, des djihadistes d’Aqmi et du Mujao, fonçaient dans le désert malien. Presque sans rencontrer aucune résistance. En haut lieu, une bien curieuse stratégie d’évitement avait alors été arrêtée : replis stratégiques ou replis tactiques. Face à l’impasse, les rebelles et leurs alliés s’emparaient des deux tiers de notre pays, localités après localités. En dépit de leur courage, et de leur détermination héroïque à résister (comme à Aguelhock), nos forces subissent, réculent sous la dictée du Commandement : c’est la débandade, l’annexion, l’occupation. La Répubique s’effondre, l’ordre djihadiste s’installe au Nord, la chienlit au sud.
Face au chaos et à la menace djihadiste qui vise Bamako, la France vole à notre secours. Le 11 janvier 2013, le président Hollande décide de l’Opération Serval pour sauver le Mali, restaurer sa souveraineté et enrayer la menace terroriste. La communauté internationale la suite. Au prix fort : 11 soldats français trouvent la mort, depuis sur le sol malien. Des dizaines de casques bleus aussi.
Notre pays est tant bien que mal libéré. Mais tout ou presque est à reconstruire. Notamment au niveau de l’outil de défense et de la formation des hommes. L’EUTM en fait son affaire sous mandat onusien.
La mission de l’EUTM
Cette mission a pour objectif premier d’aider l’armée malienne de trouver et recouvrer ses capacités afin d’être autonome dans sa mission de défense et de sécurisation du territoire.
Spécifiquement, il s’agit de remettre sur pied la « Grande muette » pour lui permettre de retrouver ses pleines capacités.
EUTM apporte également un conseil au ministre de la Défense dans le cadre de la modernisation des Forces armées.
De manière générale, le Gouvernement et l’UE partagent l’avis que la réforme du secteur de sécurité est un dossier prioritaire.
Prévue pour une durée de quinze mois, l’EUTM Mali accomplit parfaitement sa tâche : six groupements tactiques interarmes (GTIA, d’une taille équivalente à un bataillon d’infanterie motorisée renforcé) sont depuis formés à l’École militaire interarmes (Emia) de Koulikoro. L’ensemble représente plus 3000 hommes qui, eux, sont relativement bien commandés, bien entraînés et mieux équipés que le reste de l’armée. Mais dès le départ, au regard des besoins et des défis qui se posent à l’armée malienne, les Européens sont conscients qu’ils vont devoir prolonger leur mission pour permettre l’organisation de plusieurs autres GTIA. Recommandation entendue : le programme d’instruction se poursuivra donc jusqu’en mai 2016, avec au bout du compte, la mise sur pied de quatre nouveaux bataillons.
Cette extension de la mission EUTM vise aussi à ne pas entériner un principe d’»armée à deux vitesses» avec, d’une part, les bataillons formés par l’Europe, correctement équipés et, d’autre part, les éléments qui ont survécu à la débâcle de janvier 2012, qui pour l’heure n’ont été ni réorganisés, ni véritablement repris en main. En clair, il faudra former au moins 11.000 hommes répartis entre le régiment para-commando (35e), 6 bataillons d’infanterie motorisée (21e, 22e, 32e, 41e, 61e et peut-être 62e), 2 bataillons du génie (26ème et 34ème), un bataillon d’artillerie (36e) et enfin, un bataillon de commandement et de soutien (31e).
La réforme du secteur de la sécurité (RSS)
Si dans la remise en jambe de nos forces armées et de sécurité, c’est le volet formation («entraînement» et équipement) de la mission militaire européenne (EUTM) qui est le plus connu, il y en a un autre, celui de la réforme du secteur de sécurité (RSS).
Depuis 2013, notre pays bénéficie des conseils de l’Advisory Task Force (ATF), composante de l’EUTM. L’organisme se compose de 18 officiers issus de 6 nations européennes. Outre l’aide et l’encouragement à l’avènement d’une loi de programmation militaire (LPM), l’ATF suggère l’abolition des huit régions militaires au profit d’une structure plus cohérente de trois zones de défense. De plus, un centre de planification et de conduite des opérations, fortement doté en moyens de communication, devrait être implanté à Bamako. Une fois en place, il contribuerait à éviter les cafouillages dans la coordination des unités comme ceux vécus début 2012, début 2013 à Konna et Diabali, à Kidal le 21 mai 2014…
En effet, avant la crise de 2012, personne n’était en mesure de citer précisément les effectifs des forces maliennes. Dès lors, comment planifier des budgets, prévoir des équipements, organiser des programmes sociaux en faveur des militaires et de leur famille ? Comment gérer, en toute équité, les avancements, la progression des carrières des uns et des autres et ainsi, contribuer à lutter contre la corruption ? Pour répondre à cette question, toujours sur recommandation de l’ATF, est validée l’implémentation d’un logiciel de gestion des personnels, le Système d’information des ressources humaines (Sirh) avec une aide financière canadienne (à hauteur de 1 million de dollars canadiens). Le 13 février 2014, le contrat est signé avec la société Maliteck Plus. L’élaboration de ce dispositif, moins visible que des livraisons de tonnes d’armes, constitue pourtant une étape importante dans le long cheminement vers l’avènement d’une armée plus solide.
Priorité à la formation
Un autre des aspects prépondérants du renouveau tient à l’entraînement assuré par des Maliens eux-mêmes. Des actions nationales, dans ce sens, sont entamées début 2014. Elles concernent l’infanterie, l’arme blindée, la cavalerie ainsi que les transmissions. Au total, plus 8.000 hommes en ont bénéficié jusqu’en janvier 2015.
Simultanément, à Koulikoro, sous l’égide de l’EUTM, ont été formés les futurs instructeurs des Fama. Le 27 mars 2014, 14 officiers et sous-officiers ont reçu ainsi leur diplôme, pour un stage de quinze semaines accompli dans le cadre du programme Train the Trainers (TTT, former les formateurs). Stage pas uniquement théorique, puisque ces hommes s’impliquent dans l’instruction du 4e GTIA aux côtés de leurs homologues de l’EUTM.
Par ailleurs, avec huit «bataillons EUTM», les unités qui ne sont pas en opération ont pu parfaire leur préparation par le biais de cours, d’exercices, travaux sur l’expérience acquise… Elles ont aussi contribué à l’instruction des soldats des autres unités.
Afin d’inculquer cette «culture de la formation continue» et de ne pas voir ces GTIA sombrer dans la routine destructrice des casernes, des sessions de «rafraîchissement» sont depuis organisées, sous la conduite, dans un premier temps, des équipes de l’EUTM. Depuis le «rafraîchissement» du 1er GTIA Waraba à Koulikoro, beaucoup d’autres ont été effectués. L’Eucap Sahel s’est également impliqué aux côtés de l’EUTM pour la formation des policiers, gendarmes, gardes nationaux et douaniers.
L’aide marocaine
Le Royaume chérifien a pris en charge fraternellement l’entraînement de la Garde nationale, de la garde présidentielle et d’éventuelles forces spéciales (dont plusieurs issues du 33e Régiment para) et ouvert les portes de ses académies militaires du royaume chérifien aux officiers maliens. Enfin, Rabat a fourni des équipements divers à Bamako, mais aussi se dit disposer à faciliter la construction de cantonnements.
Par Sambi TOURE