Incontestablement, IBK est confronté aux dures réalités du pouvoir. Qui l’aurait cru ? Contre toute attente, il marche adroitement sur les traces du régime d’ATT. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un regard sur les hommes sur lesquels il a jeté son dévolu pour diriger le pays.
En effet, l’espoir suscité au lendemain de l’élection du Président de la République Ibrahim Boubacar Keïta est en passe de fondre comme beurre au soleil. Elu à plus de 77%, le peuple malien dans sa grande majorité misait sur un véritable changement de cap dans la gestion des affaires publiques. Surtout quand on sait que l’homme incarnait le chef de l’Etat atypique et idéal attendu par le peuple après la traversée du désert du défunt régime d’ATT.
Cette haute opinion qu’il jouissait auprès de son électorat se justifie par sa rigueur, son sens élevé de l’Etat et sa riche et solide expérience de l’administration publique malienne. Car, il a eu à faire ses preuves sous Alpha Oumar Konaré en tant que Premier ministre pendant six ans. Il a eu le mérite de redresser bien des secteurs qui étaient perçus comme des cailloux dans les souliers du régime. Mais depuis son accession à la magistrature suprême, l’homme est presque devenu méconnaissable. Aujourd’hui, la gestion de son régime est fortement controversée.
Tout porte à croire qu’il marche sur les traces de son prédécesseur en matière d’administration et du management des hommes. Car, faut-il le rappeler, le défunt régime sous le commandement du Général Amadou Toumani (ATT) s’est fait le chantre de l’unanimisme politique dans notre pays. En effet, La quasi-totalité des partis politiques de l’époque s’étaient ligués derrière le prince du jour. Ainsi, ce déséquilibre du jeu politique créé pour consolider le pouvoir d’un homme ne rimait nullement avec l’esprit d’un régime démocratique.
En dépit des grandes réalisations faites par le régime et l’ébauche de biens d’autres chantiers, le peuple était désabusé par cette forme d’administration. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase fut l’adoption du code des personnes et de la famille. Ce texte qui heurtait les us et coutumes ainsi que les bonnes mœurs de notre société multiséculaire a irrité la masse silencieuse principalement de confession musulmane. Le pouvoir d’alors a été chancelé à travers une démonstration vigoureuse par les religieux.
Ce projet malsain du régime a eu pour corollaire la décrédibilisation des hommes politiques aux yeux du peuple et la mise en selle des religieux sur la scène politique. Et la soldatesque de Kati a profité de la chienlit pour donner un coup de grâce au régime moribond d’ATT. S’il y a un péché que le régime défunt a commis, c’est de s’acoquiner avec les différentes formations politiques. Une situation qui a impacté négativement le projet démocratique. Car, l’opposition qui constitue la sentinelle du pouvoir démocratique était inexistante. Comme le dirait l’autre, « la démocratie se nourrit de l’opposition, sans elle, elle meure ».
La cloche du partage du gâteau a-t-elle- sonné ?
Pour se donner bonne conscience, le chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Keïta a, dès sa prise de fonction, écarté toute idée de partage du pouvoir. «Mon pouvoir ne sera pas un partage de gâteau », a-t-il laissé entendre. Dans l’imaginaire collectif, l’homme semblait se démarquer des pratiques politiciennes qui avaient pignon sur rue sous le précédent régime. Cette volonté a donné lieu au vote d’une loi institutionnalisant le chef de fil de l’opposition, qui a du plomb dans l’aile faute de mesures d’accompagnement.
Visiblement, l’homme semble être confronté aux dures réalités du pouvoir. Qui l’aurait cru ? Contre toute attente, il marche adroitement sur les traces du régime ATT. Pour s’en convaincre, il suffit de voir les hommes sur lesquels il a jeté son dévolu pour diriger le pays. Il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’IBK a opté pour la récompense des formations politiques qui se sont alliées à lui au second tour de l’élection présidentielle de 2013.
On peut dénombrer quelques figures politiques qui ont été conviées autour du gâteau national : Dramane Dembélé, candidat de l’Adema/Pasj, ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, Racine Seydou Thiam, candidat du parti Convergence d’action pour le peuple (CAP), directeur de la cellule de communication de la présidence de la République ; Mamadou Sangaré dit Blaise, président du parti Convention sociale démocrate (CDS/Mogotiguya), promu conseiller à la communication à la présidence; Mountaga Tall , président du Cnid/Faso Yiriwa ton, ministre de l’Enseignement supérieur ; Housseyni Amion Guindo, président du parti Convergence pour le développement du Mali, ministre des Sports ; Choguel Kokalla Maïga, président du parti MPR, ministre de l’Economie numérique de l’Information et de la Communication ; Konimba Sidibé, président du parti Modec, ministre de la Promotion des Investissements et du Secteur privé; Tiéman Hubert Coulibaly, président de l’UDD, ministre de la Défense et des Anciens combattants ; Oumar Ibrahim Touré, Commissaire à la sécurité alimentaire avec rang de ministre. Et ce, sans compter ceux qui ont servi dans les précédents gouvernements, à savoir Soumeylou Boubèye Maïga, Moussa Mara et bien d’autres.
Cet état de fait contraste avec la profession de foi de l’homme. En tout cas, les chefs des partis politiques conviés au festin national prouvent à suffisance que le partage du gâteau a bel et bien commencé. D’autres têtes non moins membres de la convention des partis politiques de la majorité présidentielle attendent leur tour ainsi que des mouvements armés.
S’il y a un fait que les observateurs de la scène politique malienne trouvent aberrant, c’est la présence des présidents des partis politiques aux commandes des départements ministériels, au détriment de leurs cadres militants.
Boubacar SIDIBE