L’accord pour la paix et la réconciliation, on en parle au parti Fare, parce qu’il illustre un malaise politique et social. D’ailleurs, sur ce point assez sensible, la position de cette formation politique, qui se réclame de l’opposition républicaine, citoyenne et constructive, est bien connue.
Précisons tout de suite que le parti Fare, après une analyse du document de synthèse issu des travaux de la deuxième phase des pourparlers d’Alger entre le gouvernement du Mali et les groupes politico-militaires intitulé : «Eléments pour un accord pour la paix et la réconciliation au Mali », dans la forme, s’était réjoui du respect des principes contenus dans les différentes résolutions des Nations-Unies et l’accord préliminaire de Ouagadougou, qui consacrent l’unité nationale, l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Etat du Mali, ainsi que son caractère républicain et laïc.
Le parti Fare constate néanmoins que le gouvernement du Mali n’a pas voulu soumettre ce document à l’appréciation des Maliens, comme indiqué dans la feuille de route. Il regrette également que le gouvernement ait hâtivement annoncé aux Maliens que ledit document était favorable au Mali, alors qu’une analyse approfondie décèle des pièges potentiellement déstabilisateurs pour notre Nation.
C’est le cas, lorsque dans son préambule, le document souligne que «la marginalisation d’une composante de notre peuple» serait, entre autres, à l’origine des différentes crises survenues dans les régions du Nord. Ce genre de propos, selon les Fare, est à la fois erroné et pernicieux, et risque de compromettre dangereusement la cohésion sociale et la réconciliation des Maliens, car l’histoire de notre pays «nous enseigne qu’aucune communauté ou partie de notre Nation n’a jamais été victime d’une quelconque marginalisation».
«La Conférence d’entente nationale peut-elle être un espace de dialogue inter-malien refondateur ?» se demandait M. Sidibé lors de la Convention nationale de son parti tenue au Cicb. Et de répondre : «Certainement pas, telle que profilée dans l’accord en raison de son objet, de sa composition, et du résultat attendu. La Conférence d’entente nationale n’a aucun pouvoir de modification ou de réécriture de l’accord, au regard de l’exigence de refondation institutionnelle et républicaine. Sauf, à convenir avec les parties que sont le gouvernement et les mouvements d’une telle démarche et de ses implications sur l’accord.
«La refondation républicaine, poursuit-il, qui permettra à chacune et à chacun de trouver, dans la dignité, l’équité et la justice, la place qui lui revient au sein de notre Nation unie et plurielle», est essentielle au devenir de notre Nation. Dans cette démarche, ajoute-t-il, la République est «l’anse la plus sûre de notre processus de sortie de crise, parce qu’elle est le ciment des communautés du Nord, le ciment de toutes nos communautés. C’est la République qui fait de nous et avant tout, des citoyens maliens de culture peulh, sonrhaï, bamanan, touareg, soninké, arabe, bozo…. Des citoyens égaux et respectés au Nord, comme au Centre, au Sud… et qui, dans la fraternité républicaine, devront contribuer à l’ordre public républicain, dans la diversité, la cohésion sociale et trouver là les ressorts d’un avenir à inventer et construire ensemble».
Eviter un pilotage à vue.
Pour les Fare, l’accord ne peut pas résoudre dans la durée le problème du Nord. «Nous avons dit que l’accord ne porte pas de projet, qu’il n’a pas reçu de légitimation. Il y a une absence de cap, de lisibilité du gouvernement que nous ne comprenons pas. Nous avons simplement demandé qu’on nous dise où ils veulent nous conduire, quel paysage institutionnel ils veulent. Ils sont même souvent contradictoires.
Comme tous les Maliens, nous voulons la paix et la réconciliation. Il ne s’agit pas de dire seulement que nous sommes uns, mais de croire aussi que nous ne pouvons et nous ne devons que nous développer ensemble. Il s’agit également de prendre conscience de notre géographie et donc de définir une politique globale forte et cohérente de notre géographie. Nous somme un verrou en Afrique de l’Ouest. Cela nous impose des responsabilités, à nous en tant que Maliens et à notre Etat. Nous devons donc rebâtir et reconstruire notre Etat pour lui permettre de faire face à ses obligations régaliennes, y compris tous ses engagements internationaux», prévient Modibo Sidibé.
Avant de clarifier : «L’accord amène un chamboulement institutionnel, sans l’accompagnement d’une adhésion et d’une perspective tracée par le gouvernement. Nous avons peur que sans projet, sans légitimation, l’accord ne réponde aux attentes légitimes de notre peuple. L’économie criminelle n’est pas traitée dans l’accord. Il faut amener les groupes armés à se démarquer du narcotrafic et du terrorisme. Il n’y a qu’un catalogue de programmes à court, moyen et long termes, mais il n’y a rien qui soit porteur d’une vision d’ensemble de développement de notre pays. Nous soutenons tout ce qui peut aller vers la stabilisation, le cantonnement, le désarmement…».
Bruno E. LOMA