Nouakchott - Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a revendiqué l’enlèvement d’une Suissesse le 7 janvier dans le nord-ouest du Mali et réclamé pour la relâcher l’élargissement de détenus jihadistes, la Suisse exigeant pour sa part mercredi sa libération "sans condition".
Béatrice Stockly est apparue sur une vidéo reçue mardi soir par l’agence privée mauritanienne Al-Akhbar, près de trois semaines après son enlèvement, le premier d’un ressortissant occidental au Mali depuis les journalistes français de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés par leurs ravisseurs le 2 novembre 2013 à Kidal (nord-est).
Dans une vidéo visionnée par l’AFP mercredi, revêtue d’un voile noir, elle précise avoir été enlevée le 7 janvier à Tombouctou, où elle vivait depuis des années, soulignant qu’elle s’exprime le 19 janvier, après l’attaque jihadiste de Ouagadougou qui a frappé la capitale burkinabè quatre jours plus tôt, revendiquée par Aqmi.
"Nous, Al-Qaïda au Maghreb islamique, revendiquons l’enlèvement de cette infidèle évangélisatrice, Béatrice Stockly, qui par son action a détourné beaucoup de l’islam", affirme en anglais un porte-parole cagoulé en tenue militaire, soulignant qu’il s’agit "de quelque chose dont même l’armée française est incapable dans cette cité ancienne".
Rappelant qu’elle a déjà été enlevée en 2012, lorsque Tombouctou était aux mains des groupes jihadistes, le porte-parole rappelle qu’à l’époque une des conditions de sa libération était "qu’elle ne revienne dans aucun pays musulman prêcher le christianisme", un engagement qu’elle n’a pas respecté, selon lui.
Malgré les mises en garde du gouvernement suisse, Mme Stockly, de tempérament rebelle selon ses proches, est revenue à Tombouctou en janvier 2013, dans le sillage de l’intervention militaire internationale déclenchée à l’initiative de la France qui a chassé les jihadistes contrôlant le nord du Mali depuis mars-avril 2012.
- Jihadiste devant la CPI -
En échange de Mme Stockly, une quadragénaire, protestante convaincue qui ne faisait pas mystère de sa volonté évangélisatrice, Aqmi exige "la remise en liberté d’un certain nombre de ses combattants en prison au Mali et l’un de ses dirigeants, Abou Tourab, détenu à la CPI" (Cour pénale internationale), à La Haye.
"Abou Tourab", le nom de guerre d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi, était un des chefs du groupe jihadiste malien Ansar Dine, lié à Aqmi.
Accusé de destructions d’édifices religieux et de monuments historiques à Tombouctou en 2012, il est le premier jihadiste traduit devant la CPI, et le premier suspect arrêté dans l’enquête de la Cour sur le Mali.
Un porte-parole du ministère suisse des Affaires étrangères a indiqué mercredi à l’AFP avoir "connaissance de la vidéo en question".
"La Suisse demande la libération sans condition de la personne enlevée", a-t-il ajouté, en refusant de dire s’il y avait eu une demande de rançon.
Selon une source proche du dossier au Mali, "en plus des revendications publiques, une demande de rançon a été également faite".
Le ministère suisse a indiqué être en contact avec les proches de Mme Stockly et avec les autorités maliennes, rappelant que depuis le 1er décembre 2009, les voyages au Mali sont déconseillés aux ressortissants suisses en raison du risque élevé d’enlèvement.
A propos de la décision de la Suissesse de retourner à Tombouctou, le ministère a souligné qu’"après l’épisode de 2012, (il) avait attiré l’attention de cette personne sur les risques élevés qu’elle encourait au Mali (...) et lui avait expressément déconseillé de retourner dans ce pays".
Malgré l’intervention internationale qui se poursuit actuellement et la signature en mai-juin 2015 d’un accord de paix, destiné à stabiliser le Mali, entre le gouvernement, les groupes qui le soutiennent et l’ex-rébellion à dominante touareg, des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères.
Très impliquée dans les actions sociales à Tombouctou, Béatrice Stockly était plutôt bien accueillie par les populations locales, en particulier les enfants, qu’elle aimait beaucoup et couvrait de cadeaux.