Le Rassemblement Pour la Mali (RPM), la formation présidentielle, non moins principal parti politique, traverse une zone de forte turbulence qui risque de malmener sa fragile cohésion.
La crise qui couvait au sein du Rassemblement Pour le Mali (RPM) a pris une autre dimension depuis la sortie de son Secrétaire Général, Dr Bocary Tréta du gouvernement dans lequel il occupait le portefeuille du développement rural. Même le principal intéressé tente de calmer le jeu en appelant les militants à la sérénité et à l’union autour du Président de la République. Certains Secrétaires généraux de Sections ont fait part, dans une lettre au camarade Ibrahim, de leur surprise quant à la sortie de Tréta du gouvernement. Juste après la formation du gouvernement Modibo Kéïta III, le parti, dans un communiqué signé par son président par intérim, Dr Boulkassoum Haïdara, a pris acte de la reconduction du Premier ministre par le Chef de l’Etat tout en remerciant Dr Tréta pour ses services rendus à la nation. Le Parti révise sa position plus tard au sein de la Convention des partis politiques de la majorité présidentielle en félicitant le Premier ministre et en l’assurant de son soutien total. Si ce n’était pas la sortie médiatique de deux responsables du Bureau Politique National (BPN) en début de semaine, on aurait conclu que les Tisserands ont fait leur mea culpa et ont adoubé le choix d’IBK. L’honorable Mamadou Diarassouba, Questeur de l’Assemblée Nationale et Secrétaire à l’organisation du BPN, dans un entretien accordé à deux confrères de la place le lundi 25 janvier, affirme qu’il n’y pas de guerre entre IBK et le RPM et que le RPM ne rentrera pas dans la querelle entre IBK et Tréta. Le lendemain, Dr Abderrahmane Sylla, Secrétaire aux relations extérieures et Ministre des Maliens de l’Extérieur, annonce que le communiqué qui a pris acte de la reconduction du Premier ministre Modibo Kéïta n’engage pas le parti qui s’apprête à faire un autre plus responsable.
Les leçons du passé !
La crise est bien là. Et le RPM traverse une zone de forte turbulence qui risque de malmener sa fragile cohésion. « Je crois qu’il y a une fébrilité au sein du RPM », nous a confié un responsable d’un parti membre de la majorité présidentielle. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire politique du Mali qu’un Président de la République ait maille à partir avec sa propre formation politique. Le Président Alpha Oumar Konaré a dû faire face à une guérilla au sein de l’ADEMA-PASJ qui a abouti au départ de deux de ses premiers ministres, Younouss Touré et Feu Abdoulaye Sékou Sow. L’arrivée d’Ibrahim Boubacar Kéïta à la tête du gouvernement et du Parti pour stabiliser la gestion des affaires publiques a provoqué une fissure dans la ruche avec la sortie de Feu Mamadou Lamine Traoré et ses partisans pour créer le MIRIA. En partant, le philosophe a eu cette phrase devenue célèbre : « Les frelons ont envahi la ruche ». Le Président IBK a-t-il tiré les leçons du passé ? Est-il prêt à rééditer l’exploit du talentueux « Maradona de la politique malienne » pour reprendre une expression du Pr Issa N’Diaye ?
Toujours est-il que les relations difficiles entre le Président de la République et son parti se sont étalées sur la place publique lors de l’élection du Président de l’Assemblée nationale. Le chef de l’Etat qui a donné des instruments au Premier ministre de l’époque, Oumar Tatam Ly, pour jouer la carte Abderrahmane Niang, a été obligé de se plier aux exigences des barons du parti qui ont jeté leur dévolu sur l’actuel occupant du perchoir, Issaka Sidibé.
A la suite de la nomination du Premier ministre, Moussa Mara, le directoire des tisserands a pris acte de l’arrivée du Président Yelema. Il a attendu le jeune Premier ministre au tournant. La mise en place de la coordination de la majorité présidentielle, une initiative de Moussa Mara de fédérer les forces qui soutiennent le Président IBK au sein d’un regroupement par souci d’efficacité, était la meilleure occasion pour les tisserands de sortir de leur embuscade. Ils ont poussé le jeune Mara dans ses derniers retranchements en menaçant de mettre une majorité parallèle à celle du Chef du gouvernement. Ils rencontrent le Chef de l’Etat pour lui faire part de leur position. Au bout d’immenses tractations menées par Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise, le RPM renonce à son ambition. Le Premier ministre cède sous la pression et enlève son nom de tous les textes de la majorité. Dans la foulée, Mme Kéïta Rokiatou N’Diaye, 1ère vice-présidente du Parti, donc assurant l’intérim depuis l’élection d’IBK, est débarquée pour avoir inféodé le parti à l’intrigue Moussa Mara.
En décembre 2014, la majorité fait une sortie musclée au CICB. Non seulement Boulkassoum Haïdara et ses camarades n’arrivent pas à remplir la salle des 1000 places de l’ex-Palais des congrès mais aussi ils dénoncent la corruption sous IBK qui pique une colère noire. Convoqués au palais de Koulouba, 48 heures après, le vieux Boulkassoum Haïdara et ses camarades sont sérieusement savonnés par le maître des lieux. Depuis l’arrivée de Modibo Kéïta à la Primature, les relations avaient connu une période d’accalmie.
L’équation du second mandat !
Dans la perspective d’un second mandat, le Chef de l’Etat va-t-il laisser prospérer une rébellion interne qui lui fait perdre le contrôle du parti ?Le président IBK risque-t-il gros en mettant sur son dos un activiste à la traîne comme Tréta ? Difficile de répondre.
S’il n’est pas évident que Tréta soit suivi par des cadres plutôt soucieux de leur carrière administrative, sa sortie du gouvernement Modibo Kéïta III le placera dans une position de victime. IBK lui-même avait savamment et intelligemment construit sa réputation sur cette trahison d’Alpha Oumar Konaré. L’éventualité pour Dr Tréta et ses partisans de créer une nouvelle formation politique au cas où ils échoueront à se faire une place au sein du RPM n’est pas non plus à écarter. « Tréta n’est pas un bon analyste mais il compense cette tare par son activisme politique. Il est un homme du parti. Il vient à 6 heures au siège du parti et ne quitte qu’à 22 heures. Plusieurs Secrétaires généraux de Sections ont été installés par lui qui s’est investi pleinement dans le contrôle des rouages de l’appareil du parti », a déclaré un cadre du RPM.
Le Chef de l’Etat qui s’est engagé dans une logique de second mandat pourra se tirer une balle dans les pieds en poussant dans les bras de l’opposition l’un de ses lieutenants qui en sait beaucoup. Il doit trouver les mécanismes nécessaires pour éviter la rupture. De ce fait, il est condamné à tout mettre en œuvre pour éviter une cassure au sein du parti dans un contexte politique fragilisé. Dans la perspective de 2018, le Chef de l’Etat dont la côte de popularité a sérieusement chuté au sein de l’opinion toujours impatiente de récolter les fruits de sa gouvernance, ne devait pas animer un autre front de défiance dans son propre camp. Malmené par une opposition tonitruante, fragilisé par une instabilité gouvernementale découlant du choix des hommes, perturbé par les agissements des groupes armés, pressé par la communauté internationale, le Président IBK commettra une grosse erreur en fabriquant d’autres opposants.
Au-delà du RPM, le Chef de l’Etat ne rassure pas les cadres des autres partis politiques de la majorité présidentielle. Le sentiment est largement partagé au niveau de la mouvance présidentielle. Le second mandat est une équation à plusieurs inconnues.
Chiaka Doumbia
Source : Le challenger